Chronique

Marco Polo & Ruste Juxx
The eXXecution

Duckdown Records - 2010

L’an dernier sortait Double Barrel, album commun de Marco Polo et Torae. Le projet s’est imposé comme l’un des meilleurs opus sortis en 2009, alors que peu en attendaient autant. Avant même d’avoir eu l’occasion de faire ses preuves sur le long terme, MP s’était en effet vu coller une étiquette de producteur ringard, de beatmaker bloqué dans les années 1990. Son travail sur Double Barrel n’a pas forcément contredit cette dernière assertion. Mais force a été de constater que, couplé au charisme de Torae, le boom-bap explosif du Canadien a fait mouche et pris une autre dimension, sans devenir révolutionnaire pour autant.

Dopé par ce succès, Marco décide donc de remettre le couvert, moins d’un an plus tard, pour The eXXecution. Toujours pour un « collab album » producteur/MC, genre dont il pourrait devenir l’un des spécialistes, à l’instar de DJ Muggs sur la côte ouest. Son compagnon s’appelle cette fois Ruste Juxx, rappeur venu de Brooklyn comme Torae, mais dont le registre est très différent. Ce qui nous amène à parler d’emblée du principal défaut de The eXXecution.

Là où Torae s’affirme comme un rappeur posé et pondéré, tout chez Juxx transpire l’agressivité. Une voix de serial killer pervers, un flow nerveux, des lyrics où le garçon zigouille la moitié de la planète sans sourciller. Malgré cette opposition de styles flagrante, les beats de Double Barrel et The eXXecution paraissent interchangeables, ce qui témoigne des limites de la recette. On aurait ainsi aimé qu’un effort soit fait pour adapter le support au rappeur. Cela aurait certainement contribué à effacer en partie cette impression de musique « fast-food », puissante, galvanisante, mais manquant de profondeur et d’authenticité.

Mais que l’on ne s’y trompe pas : les prods de MP sont pour la plupart très efficaces. Les breaks de batterie sont lourds, les lignes de basse rondes : l’accent est mis sur la structure rythmique, et sans qu’aucune d’entre elles ne soit géniale, les boucles font leur effet. C’est bien du gros son qui est proposé ici. Celui-ci prend tout son relief écouté avec un volume élevé, et offrira certainement un rendu merveilleux en live.

Côté emceeing, il faut un peu de temps pour s’habituer aux prestations hardcore to the bone de Juxx. L’image du pitbull au micro n’a jamais paru si peu galvaudée. Ruste le hargneux maintient la pression à son maximum durant la majeure partie de l’album. S’il lâche prise lors de ‘Take a Sec’, le temps de raconter sa jeunesse de Hip-Hop head, c’est pour mieux déchiqueter sa proie sur ‘Bread on Ya Head’. On sent en tous cas les heures passées à freestyler et à croiser le fer avec d’autres MCs : la technique est irréprochable, les rimes carnassières au possible.

Comme invités, on retrouve les inévitables Sean Price et Rock (Heltah Skeltah), ainsi que le vétéran Freddie Foxxx. Mais aussi et surtout Black Moon au grand complet, pour l’imparable ‘Take a Sec’, l’un des grands moments de l’album, au même titre que le massif ‘Rearview’ ou le désabusé ‘You can’t stop Me’. Le point culminant de l’opus intervient toutefois dès la seconde piste, avec l’excellent ‘Death Penalty’, son sample de musique asiatique et le fantastique refrain scratché d’un des maîtres en la matière, DJ Revolution.

The eXXecution est donc un album plaisant à écouter. Marco Polo y confirme sa capacité à produire des beats percutants, à défaut de proposer des choses jamais entendues auparavant. Ruste Juxx se voit quant à lui offrir ici une vitrine intéressante pour élargir son public, après un premier album solo confidentiel et de multiples apparitions sur tapes et compilations. Ni l’un ni l’autre ne changeront la face du rap. Mais on attend tout de même la suite avec une certaine impatience.

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