Chronique

Artifacts
That’s Them

BigBeat - 1997

Artifacts est l’une des rares formation Hip-Hop n’ayant pas eu le triste loisir de connaître le froid désamour que le passionné du genre réserve à ceux qu’il avait tant aimé et qui, pour des raisons parfois bien obscures, ne trouvent plus grâce à ses yeux. Du fait, il faut bien l’avouer, d’une carrière courte, se déroulant entre 1994 et 1997, du lumineux ‘Wrong Side of da Tracks’ au bondissant ‘Brick City Kids’. Mais également d’une discographie impressionnante : de la poignée de maxis aux deux albums, il n’y a simplement rien à jeter des titres signés par le groupe de Newark, New Jersey. Chaque morceau siglé ‘Artifacts’ est un hit potentiel, empreint d’une spontanéité et d’une fraîcheur propres aux « Brick City Kids« .

That’s Them, donc, 1997. Les ambiances sonores lourdes et obscures règnent sur la côte Est, et le duo de MCs El da Sensei/Tame One en a pris effet : Shawn J-Period, Da Beatminerz, VIC ou encore Showbiz et Lord Finesse sont les pointures de la production choisies pour lifter le « son Artifacts« . Les mélodies envoûtantes, les tempos effrénés et les énormes lignes de basses du premier album, « Between a Rock and a Hard Place » sont soigneusement mis de côté. Les beats deviennent plus rugueux et minimalistes, plus sombres, même si tout est relatif. On ne s’écarte en effet jamais trop longtemps du boom-bap sautillant qui avait tant séduit sur le précédent opus du groupe : ‘This is da Way’, ‘The Ultimate’ (l’original comme le remix de Showbiz) ou ‘The Interview’ rassureront rapidement les sceptiques qui auraient pu craindre un changement d’orientation musicale trop radical. Le beat oppressant de ‘Collaboration of Mics’ ou celui, plus froid et mélancolique, de ‘Skwad Training’ permettent aux deux MCs de s’illustrer sur des productions où on ne les attendait pas forcément. Comme sur B, on ne pourra que s’incliner devant l’efficacité du choix des beats, et apprécier la place laissée au turntablism, assuré pour sa majeure partie par DJ Kaos.

Au micro, le parti a été pris de ne pas modifier en profondeur une recette à l’efficacité déjà prouvée. Les références au graffiti, qui avait dans un premier temps unis les deux « Brick City Kids », restent omniprésentes, et la répartition des tâches demeure la même : Tame One dans le rôle du « notty headed nigguh » exubérant et versatile, El da Sensei dans celui du performer froid et imperturbable. Rarement complémentarité entre 2 MCs n’aura parue si évidente. L’énergie déployée par le duo atteint son paroxysme lors des titres phares de l’album que sont ‘Collaboration of Mics’ (où Tame One et El da Sensei croisent le fer avec le légendaire Lord Finesse et Lord Jamar), ‘The Ultimate’, et ‘This is da Way’ et demeure tout au long de l’album magnifiquement mise en valeur pas des breaks de batterie qui tapent (très) fort et des lignes de basse ronflantes. Sur ce terrain très favorable, Tame s’en donne à cœur joie (« New jacks relax cause the syntax can’t be Xeroxed, Cause I be locked on spots like niggaz movin in from swat, I X more Men out than Elijah, Muhamm Ali of rhyme schemes, Leavin my stickers at the crime scene ») et El da Sensei, dans un style plus sobre, n’est pas en reste : « We wish to diminish MC frauds who need to check, Into a rap clinic, thinking that they all in it, My message to those is right down to the core, Kick your best MC and all his niggas through the door, 3-point offense, defense level’s high, Stamina a hundred, leave your team ass dry ». Les textes sont très largement basés sur l’egotrip et on ne trouvera pas, même en cherchant bien, l’ombre d’un morceau à thème précis.

A sa sortie, That’s Them fut boudé par une certaine frange du public d’Artifacts, reprochant au duo d’avoir voulu renoncer à son atypisme pour mieux coller aux tendances d’alors. Sûr qu’après quelques écoutes approfondies de l’opus, ces irréductibles ont révisé leur jugement. Une fois la rupture avec la candeur qui faisait le charme de Between a Rock and a Hard Place consommée, on se demanderait presque si That’s Them ne se situe pas un cran au dessus de son illustre prédécesseur. Il s’agit en tous les cas d’un album homogène et très abouti, par le biais duquel Tame et El da Sensei remplissent leur principal objectif, à savoir faire hocher des têtes et passer du bon temps pendant plus d’une heure.

La suite pour Artifacts ? le duo achèvera sa collaboration par le maxi Brick City Kids / What What, sorti en 1997. Puis les ex-compères se lanceront dans des aventures solos, avec des fortunes bien distinctes : Tame One a aujourd’hui perdu toute crédibilité, après deux albums très quelconques et beaucoup de projets inintéressants avec sa clique Eastern Conference/Weathermen. El da Sensei a quant à lui mieux géré l’après Artifacts, sortant plusieurs maxis très intéressants, et livrant en 2002, Relax, Relate, Release, LP efficace à défaut d’être exceptionnel, et, très récemment, The Unsual, tout aussi convaincant.

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