Chronique

Tha God Fahim
Dreams of Medina 2

Autoproduit - 2017

De par sa densité et sa (relative) variété, Dreams of Medina 2 est jusqu’ici le projet le plus abouti de Tha God Fahim.

Sur nos réseaux sociaux, des diplômés de l’Université du South Bronx font parfois part de leur colère quant à notre méconnaissance de la chose Rap. Jusque-là, aveuglés par la suffisance, nous n’avions pas pris leur parole en compte, mais force est de constater qu’ils avaient peut-être raison. Pour le bilan de l’année 2016, nous prédisions le burn out à Tha God Fahim s’il continuait sur un tel rythme de sorties, en ajoutant qu’il aurait peut-être intérêt à se recentrer sur le beatmaking pour ne pas trop vite se cramer. Résultat des courses, lors du premier trimestre 2017, Fahim a sorti deux projets instrumentaux et trois albums rappés, sur lesquels il produit bien moins qu’à l’accoutumée. Et surtout, loin de se griller, le rappeur venu de Géorgie (celle d’Outkast, pas celle de Staline) commence à générer un certain engouement autour de son taf. On s’était donc bien plantés sur ce coup-là et il va falloir se relever avec panache. En commençant par exemple à parler de Fahim avec des termes plus laudatifs, puis en s’attardant sur Dreams of Medina 2, opus le plus remarquable à notre goût de cette rafale de sorties.

L’album commence par une confirmation : TGF a une sacrée oreille. Il n’y a en effet pas grand-chose à jeter au niveau des instrumentaux, qu’il en soit l’auteur ou non, et on va jusqu’à tutoyer l’excellence avec la sinistre flûte de « Boryokuda » ou les chants fantomatiques de l’éthéré « Rolls Royce Chimera ». Si Fahim semble récemment se rapprocher de beatmakers assez établis (Vanderslice, DJ Skizz, Sonnyjim), la conception sonore est ici assurée par de relatifs inconnus (Michael Angelo, Sadhu Gold, Al Divino, Animoss), TGF signant tout de même cinq des douze productions. Nouveauté appréciable, Dreams of Medina 2 est moins sombre que la petite dizaine de projets qui l’ont précédé et Fahim n’hésite pas à s’aventurer par moment dans des ambiances jazzy fort plaisantes (« Ason Unique », « Memento Mori »), où son sens de la mélodie fait merveille.

« Avec cet album, la carrière de Tha God Fahim prend une tournure assez enthousiasmante.  »

Cette ouverture est peut-être la clé du succès modeste mais récent que Fahim semble connaitre, là où Soul Eater, TGIF ou Tha Dark Shogunn Saga, ses albums les plus notables jusqu’ici, étaient efficaces mais quelque peu interchangeables. Sur « Night & Day », le rappeur d’Atlanta se permet même de convier Mach-Hommy pour un refrain chanté neurasthénique reprenant « Baby I Love Your Way » de Peter Frampton, ou plus sûrement de Big Mountain (attention, référence préhistorique). Au micro il y a également du progrès. Fahim est notamment plus à l’aise qu’auparavant avec les temps et paraît moins énervé en permanence. Les tempos lents lui convenant mieux, il livre même des moments de rapping convaincants sur « Fishin Wire » ou « The Sheikh Pull up U Shake the Masjid » (!). TGF ne sera probablement jamais Rakim mais on finit par se faire à cette technique un peu archaïque. Il en va de même pour Mach-Hommy, autre valeur montante gravitant autour de Griselda Records, invité sur trois morceaux ici.

De par sa densité et sa variété, Dreams of Medina 2 est donc jusqu’ici le projet le plus abouti de Tha God Fahim, dont la carrière prend ces derniers mois une tournure assez enthousiasmante. Mais ne mentons pas non plus : si le garçon est un bourreau de travail et a de grandes qualités, on a toujours du mal à imaginer comment il pourra tenir ce rythme effréné de sorties sans finir par lasser son monde. Fahim a beau venir d’ATL, son public ne consomme assurément pas la musique comme celui d’autres surproductifs résidents de sa ville. Souhaitons-lui donc de nous faire passer pour des buses une seconde fois.

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