Chronique

Rachid Wallas
StreetCRADibility

Nutz Records - 2005

Tout commence en 1991 lorsqu’un jeune nancéen, Rachid, découvre le hip-hop en assistant à un concert des Suprême NTM. Il décide alors de se lancer dans cette musique et prend le pseudonyme de Rachid Wallas, en clin d’œil au basketteur américain. Après avoir rappé au sein de divers groupes de sa région, il décide en 1999 de poursuivre sa route en solo. Un premier maxi, A la Rach, voit le jour en 2001, suivi deux ans plus tard d’un second, Reloading. C’est finalement en juin 2005 qu’il franchit l’étape du premier album en lâchant dans les bacs Street CRADibility, un opus composé de 17 pistes (une intro, une outro, quatre interludes et onze titres rappés) et sorti sur la structure indépendante Nutz Records.

A bien des égards ce premier album de Rachid Wallas s’apparente à un sans-faute. Tout d’abord, la structure même du disque en rend l’écoute particulièrement agréable. Les interludes sont disposés, en gros, tous les deux titres rappés, faisant ainsi réellement office de breaks musicaux. L’artiste a eu l’intelligence de nous épargner les discussions entre potes qui n’amusent bien souvent que les personnes concernées et les sermons ou messages lourdingues qui peuvent plomber parfois les albums de rap. Ici, ce sont les DJ’s qui se chargent d’assurer ces transitions, et ils le font de fort belle manière. Des scratchs presque cristallins de DJ Spaig sur ‘The Comeback’ et ‘The Snake’ à ceux de DJ Nelson sur ‘Keep on’, posés à chaque fois sur des instrus de qualité, il est impossible de réfréner les légers hochements de tête approbateurs qui s’emparent de l’auditeur tant la finesse d’exécution fait plaisir à entendre. Ces remarques quant à l’excellent travail des DJ’s valent également pour leurs interventions sur les morceaux rappés par Rachid Wallas. On pense ici aux cuts bien crades de Skeez à la fin de ‘Street Cradibility’ qui font carrément décoller le track en lui donnant une ampleur imprévue.

Cinq producteurs se sont partagés la confection des instrus de Street CRADibility. On est là dans du bon son bien classique à base de samples variés, avec influences soul et voix pitchées mais aussi de flûte et d’instruments à cordes. Mr Tee Bow fait mouche lorsqu’il donne dans ce style d’instrus « classiques » (notamment sur l’excellent ‘Grand Ecart’) mais s’avère plus déroutant, et au final moins efficace, lorsqu’il délaisse un peu plus les sentiers battus comme sur le décevant ‘Pia pia pia’. Indéniablement C.H.I. sort du lot en signant l’énorme ‘T’as pas idée 2’ et l’original ‘Je tape à l’envers’ sur lequel les samples sont lus … à l’envers. Saluons également la qualité des sons de Skeez, aussi à l’aise derrière le sampler qu’aux platines, ainsi que les excellents ‘Un Bail’ et ‘Qu’est-ce qu’on fout là ?’ de Vincenzo Terranova, comparse de Tee Bow au sein de Fratello beatz.

Rachid Wallas, lui, se montre aussi à l’aise sur les morceaux freestyle que sur les morceaux à thèmes précis. Ces derniers restent très classiques : l’attachement aux potes de longue date sur ‘Un bail’, les souvenirs d’école sur ‘Back to the wall school’, la recherche de l’âme sœur (‘Elle’), le temps qui passe (‘Au croisement’), le pouvoir des médias (‘Pia pia pia’)… Mais il traite ces thèmes avec une écriture très fluide et attachante, le tout servi par un charisme certain. C’est notamment le cas sur le très bon ‘Back to the wall school’ ou encore sur le magnifique ‘Au croisement’ (« Ça y est le moteur s’emballe, les compteurs s’affolent, un contre-la-montre s’engage, on y est je décolle. Merde ! Le temps passe de plus en plus vite, trace à sa poursuite dans le vide car il t’a en disgrâce. A l’approche de ces putains de trente piges, on s’accroche à ces putains de vingt piges, à ces rêves d’ado, cet élève turbulent persuadé que la vie lui fera plein de cadeaux… ») dans lesquels il « gère » des thèmes ô combien casse-gueule avec finesse et humour en évitant le moralisme bas de gamme et la démagogie. Mais c’est dans les morceaux plus légers qu’on trouvera LA tuerie de cet album, à savoir ‘T’as pas idée 2’ où Wallas rappe en compagnie de Taï Pan, qui signe un couplet d’anthologie, véritable recueil de punchlines (« T’as pas idée que si je me drogue pas, mes poèmes seront pas oufs comme l’OM sans Drogba« , « T’as pas idée que si pour défourailler fallait se mettre une plume dans le cul les labels seraient des poulaillers« ) le tout sur une prod décapante de C.H.I. Morceaux thématiques et morceaux freestyle forment un ensemble très cohérent et homogène et Rachid Wallas fait montre au fil des uns et des autres d’une plume à la fois drôle, touchante, sincère et percutante. Seul bémol à ces éloges, l’enchaînement de deux morceaux assez décevants, ‘Jungle Paranoïa’ et ‘Pia pia pia’, ainsi que le morceau avec Kohndo qui, au vu de la qualité des deux rappeurs, aura pu donner quelque chose de bien plus marquant.

Mais c’est chipoter car au final ce premier album de Rachid Wallas est une belle réussite. Pas un album révolutionnaire certes mais une bonne galette, bien rappée et bien produite, sentant le travail appliqué et fait avec passion. Un très bon moment de rap français.

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