Chronique

Pete Rock
Soul survivor

Loud Records - 1998

Vendredi 16 avril 2004. Soit moins d’un mois avant la sortie officielle, le 11 mai, de Soul Survivor 2 nouvel album de Monsieur Pete Rock. Maintes fois annoncé, repoussé et annulé, la suite du premier opus du DJ originaire de Mount Vernon (banlieue de New York) verra finalement le jour, ce qui en soit constitue déjà une bonne nouvelle. En dépit d’une impatience chronique je m’efforce de ne pas répondre à l’appel des différents peer to peer sur lesquels cette suite est d’ores et déjà disponible en téléchargement (décidément personne n’y échappe, même les meilleurs), pour l’apprécier à sa juste valeur lors de sa sortie. Alors en attendant le jour fatidique, il me semblait plus que temps de revenir sur ce premier volume et réhabiliter au passage un album injustement sous-estimé.

Retour en arrière, en 1998. Loud Records, alors label de référence, est à l’origine de la plupart des sorties de la crème du rap hardcore New-Yorkais avec notamment Mobb Deep, le Wu-Tang Clan et plusieurs de ses membres signés en solo, M.O.P, Tha Alkaholiks ou encore Cella Dwellas. Si la signature de Pete Rock sur un label tel que Loud a pu, au premier abord, surprendre c’était sans compter sur la polyvalence du désormais ex-comparse de C.L Smooth. Avant tout (re)connu pour ses productions fortement inspirées par la Soul et le Jazz et les classiques Mecca and the Soul Brother et The Main Ingredient réalisés avec C.L Smooth A.K.A The Mecca Don, Pete Rock est aussi à l’origine de nombreux classiques et remixes pour Run DMC (‘Down with the king’), Das EFX (‘Jussumen’ et ‘Real Hip-Hop’), Jeru the Damaja (‘You can’t stop the prophet’), Rakim (‘When i’m flowing’), Heavy D & The Boyz (‘Holdin’ it down), Nas (‘The world is yours’) ou encore Public Enemy (‘Shut ’em down’ et ‘Night train’). Avec un tel passif, à la fois éclectique et surtout brillant, la perspective d’un album solo prenant, forcément, la forme d’une compilation, ne pouvait être qu’alléchante. Et si le résultat n’est peut-être pas la hauteur de la très forte attente et d’une exigence assurément démesurée, force est de constater que ce Soul Survivor constitue tout de même indéniablement un bon album, reflétant le travail de l’ancien DJ de l’émission de radio New-Yorkaise (sur WLBS) In Control with Marley Marl.

Pete Rock expose tout au long de ce premier long format un panel de productions à la fois riche et détonant, en harmonie avec les nombreux invités. 27 collaborations extérieures, principalement des rappeurs à la renommée déjà bien établie. Citons notamment Kool G Rap, Big Punisher, Method Man, Ghostface Killah, Prodigy (Mobb Deep), Common ou encore Black Thought. Si l’éclectisme est de mise on retrouve non sans un certain plaisir les ambiances empreintes de Soul et de Jazz (notamment l’excellent ‘Mind blowin » avec son hypnotisante boucle de cuivre et une Vinia Mojica enivrante, ‘Soul survivor’ avec Ms Jones et ‘Take your time’ mettant en scène Carl McIntosh et Jane Eugene.) Preuve d’une polyvalence évoquée précédemment et qui n’est plus à démontrer, l’architecture sonore de ce Soul Survivor comporte aussi des morceaux plus bruts, rugueux. ‘Tru master’ surprend à l’image de cette improbable collaboration Inspectah Deck-Kurupt où l’incontrôlable inspecteur du Wu-Tang Clan inflige à ses auditeurs un nouvel assaut verbal de haut vol avec, entre autres, cette rime passée depuis à la postérité: « I bang with the big boys, those who hold name amateurs get hung with they own gold chains. » Citons aussi ‘Half Man Half Amazin » réunissant Method Man et Pete Rock sur une composition sonore n’allant pas sans rappeler le travail d’un certain DJ Premier.

Non content de produire l’ensemble des morceaux Pete Rock pose lui aussi quelques couplets tout au long de cet opus, on le retrouve même seul sur le minimaliste ‘#1 Soul Brother’. Si ses prestations microphoniques n’atteignent pas des sommets, elles ont le mérite de s’inscrire dans l’esprit des morceaux et de ses atmosphères changeantes. Difficile enfin de ne pas citer ‘Da Two’ parmi les excellents moments de cet opus. Ce titre symbolique reconstitue le temps de quelques minutes empreintes de nostalgie le duo Pete Rock-C.L Smooth. L’occasion pour The Mecca Don de revenir sur le parcours effectué ces dix dernières années passées en compagnie du Soul Brother tout en reprenant une rime de MC Shan, plus que jamais d’actualité « got to give the man behind wheels credit ». Et si certains derniers morceaux (‘Strange fruit’, ‘Verbal Murder 2′ et Massive’ avec Heavy D, cousin de Pete Rock) manquent cruellement d’impact et d’originalité, gonflant avant tout une liste d’invités déjà particulièrement longue (mais sans Rakim et Nas étrangement absents), on préfèrera oublier ces quelques moments dispensables pour réécouter les réussites de cet opus.

Éclectique, riche et alternant le bon et le moins bon, Soul Survivor constitue une première aventure solo intéressante reflétant non sans une certaine justesse les affinités musicales et l’esprit de ce stakhanoviste du beat. Six années après on réussit encore à se délecter de ce premier opus en attendant impatiemment le suivant…

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