Chronique

Juvenile
Rejuvenation

UTP - 2012

Après The Wire, David Simon s’est attelé à la création de Treme, une série sur la vie, ou plutôt la survie, à la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina. Dépourvue de véritable fil narratif, la série laisse surtout la part belle à la musique qui anime la ville depuis toujours. On y parle parfois de rap, bien sûr, et si Juvenile est cité à plusieurs reprises, et fait même une apparition, ce n’est pas un hasard. De toutes les figures de N-O à avoir atteint une envergure nationale et internationale, Juvenile est sans le doute le rappeur qui a conservé l’identité locale la plus marquée. Sa musique est restée très ancrée dans sa ville d’origine, même après les disques d’or et de platine. L’ancien membre des Hot Boys n’a plus la même popularité qu’au début des années 2000, mais il continue à sortir des albums, sans véritablement s’écarter des standards qui ont fait son succès par le passé. Il est des choses qui ne changent pas. Le quartier de Treme a ses second lines, celui de Magnolia a Juvenile.

Le changement notable par rapport aux précédentes livraisons, pas forcément inoubliables, du rappeur, ce sont les retrouvailles tant attendues avec Mannie Fresh, l’ancien orfèvre de Cash Money qui avait produit l’intégralité du classique 400 Degreez. Sans surprise, Mannie produit les meilleurs morceaux de l’album, même si le reste n’est pas médiocre pour autant, loin de là. Mais le flow de Juvenile est fait pour poser sur les intrus du Big Tymer. Toute nostalgie mise à part, il y a entre ces deux artistes une alchimie, une complémentarité qui va beaucoup plus loin qu’une collaboration heureuse. L’enchaînement de « Fall Back » et de « Bad Guy » le prouve une fois encore. Les autres producteurs jouent eux aussi dans la même gamme : le son de Rejuvenation est synthétique, nerveux, chauffé à l’orgue et aux rythmes bondissants. Le terrain de jeu idéal pour Juve, qui n’est pas le lyriciste du siècle, mais qui sait donner vie à ses morceaux et créer des refrains très accrocheurs, un peu à la manière d’un Juicy J. Le natif de New-Orleans fait toujours preuve d’autant d’énergie derrière le micro ; son rap n’a pas pris une ride et sa voix si reconnaissable sonne toujours à merveille. Pour cet opus, il a pu compter sur l’appui de quelques grands noms, Trae Tha Truth et le redoutable Z-Ro sur « Fall Back » et Rick Ross sur le single « Power », au sample de Snap plutôt osé.

Rejuvenation, c’est un peu l’équivalent du produit du terroir, version rap du Sud. Le titre lui-même est un clin d’œil au légendaire album du groupe de funk The Meters. La boucle est bouclée. Sur ce disque, tout est façonné par des artisans qui ont du métier, dans le plus grand respect des traditions. À peine trouve-t-on quelques traces d’additif moderne, à savoir une pincée d’autotune, pas vraiment gênante, sur certains morceaux. Juvenile nous sort une recette éprouvée et nous propulse sans peine dans les rues de N-O en plein Mardi Gras. Cet album ne changera pas la face du rap, c’est certain, mais il nous rappelle que la Nouvelle-Orléans est encore bien vivante.

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