Chronique

Mobb Deep
Murda Muzik

Loud Records - 1999

Sorti en août 1999 et entré directement à la troisième place du Billboard, Murda Muzik est l’album de Mobb Deep qui s’est le mieux vendu aux États-Unis. Dans le cœur des fans, pourtant, le quatrième opus du duo de Queensbridge (New York) occupe une position particulière, régulièrement éclipsé par les deux autres chefs-d’œuvre du groupe, The Infamous (1995) et Hell on Earth (1996). Survival of the fittest ? 

Constants dans leur qualité, sortis avec seulement un an d’intervalle, The Infamous et Hell on Earth n’étaient pas foncièrement différents. Havoc s’illustrait en produisant des beats d’une simplicité redoutable : boucles sobres, sombres et mélodieuses comme fil rouge musical ; rythmiques sèches et marquées – le fameux effet de reverb appliqué sur la caisse claire – à l’appui. Avec Prodigy, ils égrainaient leurs chroniques crépusculaires, entre vie de rue et fantasmes mafieux, débordant de rancune, les textes emplis de menaces fantômes. L’ensemble brillait d’un éclat glacial, à la fois terne, dans l’atmosphère quasi-nihiliste des titres, et éblouissant de talent, tant dans l’écriture que dans la création musicale. Peu de temps après leur sortie, les deux disques s’imposaient comme les standards du « rap made in QB », engendrant de multiples clones sur les deux rives de l’Atlantique.

Murda Muzik conserve ces bases fondatrices mais pour la première fois – on oublie volontairement l’album de jeunesse Juvenile Hell, sorti en 1993 alors que Prodigy et Havoc n’ont que seize ans – d’importantes évolutions sont perceptibles dans la formule. Si le fond lyrical reste toujours aussi brut de décoffrage avec un Prodigy délivrant une nouvelle fois des couplets magnifiques de noirceur crasseuse et déprimée, la forme musicale se fait plus abordable. P et Havoc n’en sont pas encore à chercher le gros hit commercial comme sur leurs albums suivants, mais ils adoucissent déjà leur son. En cela, Murda Muzik marque un tournant pour le groupe.

Cet adoucissement et ce début d’ouverture passent par des détails. Comme la présence de la chanteuse Chinky sur ‘Streets raised me’ et ‘Thug Muzik’. Parfaitement intégrées, ses prestations aèrent les morceaux et rendent leur atmosphère, déjà allégée par des choix de samples plus entraînants (par exemple sur ‘It’s mine’ avec Nas, quasi reprise de ‘The boy is mine’ de Brandy & Monica, sur un nouvel échantillon extrait de Scarface), moins oppressante. Outre les proches du Queens (Nas, The Infamous Mobb, Kool G Rap, Cormega) et d’ailleurs (Raekwon, présent pour la troisième fois consécutive sur un album de Mobb Deep), le groupe fait également appel à deux anciens membres du groupe autrefois chapeauté par Biggie et Puff Daddy, Junior M.A.F.I.A. : Lil’ Cease et surtout Lil’ Kim, irréprochable sur le remix de ‘Quiet Storm’.

Sans atteindre le sublime de The Infamous et Hell on Earth, et malgré quelques longueurs, Murda Muzik est un excellent album. Porté par quelques morceaux puissants, et notamment le génial titre-pivot et single ‘Quiet Storm’, ce quatrième opus est le dernier classique de Mobb Deep. Le groupe continuera à sortir de bons albums, mais aucun qui ne soit réellement à la hauteur de la première partie de leur carrière. Accessoirement, Murda Muzik marque également le début de la collaboration entre Mobb Deep et le beatmaker Alchemist, fraîchement débarqué de son Beverly Hills natal et entré en contact avec le groupe via DJ Muggs. Il produit ici deux titres parfaitement intégrés dans la tonalité de l’album, ‘The realest’ et surtout le terrible ‘Thug Muzik’.

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