Chronique

MInk
Intellectual Property

Rhymesayers - 2017

Ce n’est pas très courant, un album de rap dont les premiers mots sont « Politically speaking ». « Politically speakin’ / What are they really seekin’ ? » Cette vraie/fausse interrogation sert d’ouverture à une invitation au dialogue sérieuse mais pas dénuée d’ironie ; invitation dont l’esprit traverse le reste du disque. Le titre de l’album, de même que sa pochette, sur laquelle le nom MInk est composé par les logos relatifs à la propriété intellectuelle (sur un fond orange assez intrépide d’ailleurs), pouvaient laisser présager un propos conscient, voire conceptuel. Intellectual Property tient cette promesse, notamment sur le morceau « Resources », qui passe adroitement en revue tout ce qui constitue – ou (ne) devrait (pas) constituer – des ressources dotées d’une réelle valeur. À ce petit jeu, on le devine, l’argent est discrédité, tandis qu’à l’inverse l’éducation est valorisée. Il est donc plutôt amusant d’apprendre que le disque a été enregistré à Las Vegas, temple du consumérisme kitsch…

« What does the MInk mean ? », demande avec insistance une voix d’enfant sur la brève introduction. MInk est un nom-valise contractant Musab et Ink Well, tous deux originaires du Minnesota. Pas facile de trouver des informations significatives sur le second ; en revanche le premier n’est pas un inconnu, pour peu qu’on repère son changement de pseudonyme. C’est en effet sous un autre blaze, Beyond, qu’il fait partie de l’aventure Rhymesayers depuis ses débuts, posant notamment sa voix sur deux morceaux de l’album inaugural d’Atmosphere, Overcast! (1997), récemment réédité pour fêter son vingtième anniversaire.

Or MInk a pas mal de cordes à son arc pour transmettre sans lourdeur ses textes pétris de conscience sociale. Un peu d’humour et d’esprit ludique, d’abord, dont témoigne un « Mink shMink (Minkterlude) » tout en scratches et voix pitchées. Ensuite et surtout, une certaine diversité sonore et même une diversité sonore certaine. Des cordes délicates de « Tight Rope » au synthé de « Mink everything », de la touche latin-jazz de « 14103430 » au final blues de « Mississipi Mud ’17 », les ambiances varient franchement. Quitte à déconcerter parfois par des contrastes un peu vifs, comme celui qu’introduit la rythmique afro enlevée de « Momsabop » en milieu d’album. Quoi qu’il en soit, Ink Well a le souci de la recherche et du détail, nourrissant ses compositions de variations, ponts, couches superposées, bruits de fond (« Transrich », « BPM ») et samples recherchés (les voix finales sur « Black Panther Leather », pas faciles à identifier). Certains morceaux, dont le contrit « SIFU » (pour « sorry, I fucked up ») avec sa combinaison cordes-flûte-percus, évoquent une instrumentation live.

Là-dessus, enfin, Musab se pose avec aisance. Son rap est sobre et maîtrisé, sa diction claire, son ton plein d’assurance tranquille même quand l’ambiance se fait émeutière (« Riot »). Son humilité, alliée à un sourire en coin jamais loin, lui font éviter le piège du propos pontifiant. Son style n’est pas sans rappeler son ancien compère au sein du combo Dynospectrum, I Self Devine, même si leurs timbres de voix diffèrent nettement. Les interventions d’une poignée d’invités (Jobe, Slug, Abstract Rude, Baby Shel, Mike the Martyr), bien répartis tout au long d’un disque qui s’en tient à une longueur raisonnable (une cinquantaine de minutes), concourt à conjurer toute monotonie. S’il fallait donner un exemple contemporain de l’ « edutainment » naguère prôné par KRS One, ce disque de MInk ne serait pas une mauvaise pioche.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*