Chronique

Triptik
Microphonorama

Concilium Production/BMG - 2001

« Triptyque: N.m : Œuvre littéraire, musicale ou plastique composée de 3 parties, de 3 scènes« . Le Larousse ne ment pas et donne la signification de ce chiffre pour ce groupe originaire de Nanterre, composé de deux MCs, Black Boul’ et Dabaaz, et un producteur Drixxxé.

Ils avaient déjà sorti un premier album il y a maintenant trois ans, un quinze titres intitulé L’ébauche que seul les plus avertis auront repérés au fond des bacs. Échec relatif pour certains, premiers pas pour d’autres. Le mini-album éponyme sorti l’année suivante eut plus d’écho sans toutefois déclencher les passions. Assez inégal, il témoigne tout de même des progrès effectués. Fort de cette expérience, le groupe a pris son temps, s’appliquant à sortir toute une série de maxis avant de se lancer dans le périlleux exercice de l’album. Dans cet ensemble on citera notamment ‘Star System’, ‘Dat Shit’ avec Blahzay Blahzay et le deux titres Le piège / J’rap sur lequel on reviendra un peu plus tard. Ces sorties assez espacées s’avèrent assez enthousiasmantes pour que Cut Killer leur consacre une mixtape intitulée tout simplement Spécial Triptik. L’intérêt pour le groupe devient croissant et la sortie de Microphonorama arrive comme la possible consécration pour ce trio toujours signé en indépendant, via leur propre label Concilium Production.

Si l’attente était forte, le résultat est à la hauteur des espérances. Une brève écoute et déjà un premier constat s’impose. Le groupe a encore mûri et progressé à tous les niveaux. Production riches et soignées, MCs inspirés et bien dans le rythme, on est surpris et relativement conquis.

L’une des richesses de cet album tient dans sa diversité. Diversité tout d’abord dans les productions. Drixxxé, producteur unique de l’ensemble de l’album propose des instrus variées et originaux. On se retrouve plongé dans une espèce de voyage musical où se mêlent différentes influences. Drixxxé varie à merveille les touches jazzy-soul, des sons inspirés du funk et parfois même des guitares électriques raisonnantes.

Diversité aussi dans les thèmes abordés et le ton utilisé. Le duo Dabaaz et Blackboul’ alterne ainsi passages sérieux, métaphores verbales, condensés d’égotrip et quelques pointes d’humour. L’écriture de nos deux MCs est dans l’ensemble soignée et particulièrement portée sur la punchline. On assiste à une avalanche de comparaisons en tout genre. « Dans le Hip-Hop ça se déchire à la barbare comme Conan (…) c’est le fiasco, Dabaaz chaud comme le tabasco » (…) « On baigne dans le faux , dans les contrefaçons, elles s’empilent comme des briques et l’Etat en est le maçon »

Les DJs tiennent une place de choix sur cet opus, à la fois au sein même des morceaux et lors des interludes rythmant l’enchaînement de l’album. On retiendra notamment l’interlude avec Pone, une fusion de sons électro et de scratches en rafales. Figurent sur la longue liste des invités DJ Fresh, DJ Damage, Pone, Cut Killer ou encore Cutee B.

L’intro de Cut Killer allume directement la mèche et lance l’album sur une succession de scratches et un beat fat. Fort. On enchaîne tout de suite avec le fameux ‘Bouge tes cheveux’ (sorti en maxi quinze jours avant l’album). Servi avec une bonne dose d’humour, il rappelle la belle époque où les filles étaient et la musique tenaient les premiers rôles d’une soirée. « Quoi ? tu veux foutre la merde ? Non bouge tes cheveux ! Petit sauvageon, bouge tes cheveux ! Si t’es bonne comme on les aime, vas-y bouge tes cheveux, bouge tes cheveux…même si t’as la boule à Z »

‘Si t’aimes comme on rime’ vient détendre l’atmosphère. Rythme relax et beat claquant entrecoupé par les scratches bien placés de DJ Fresh. Joli. On retrouve ce même DJ Fresh le temps de ‘Star System’, portrait acerbe et décalé des grandes soirées réservées au gratin et autres célébrités. L’instru de Drixxxé est particulièrement dépouillé et colle parfaitement à la description des occupations de ceux et celles qui se retrouvent régulièrement dans les Gala, Point de vue et autres torchons. Black Boul’ ridiculise cet univers fait de strass et paillettes le temps d’un couplet. Petit extrait d’un passage plein d’humour « Fiston ici le piston c’est dans les fesses si t’aimes, tourne jamais le dos à Pierre, Paul ou Richard, sinon ils vont le la faire à l’envers dans la boite à Suchard. »

Comme indiqué précédemment, Microphonorama rassemble différents morceaux sortis sur maxi et c’est avec un plaisir non-dissimulé que je retrouve ‘Le Piège’. Morceau qui avait fait grand bruit à sa sortie l’année dernière. Explication ? Triptik a collaboré en 2000 à l’élaboration de ‘Dat Shit’ avec Blazhay Blazhay (Outloud en l’occurrence). Bon feeling, réussite musicale, bref une rencontre enrichissante pour tout le monde. Malheureusement cette collaboration jusque là quasi idyllique va tourner au vinaigre. Cette même année Blazhay Blazhay va en en effet sortir le maxi Dat Shit, sur leur label, sans consulter le trio parisien et en effaçant aussi les voix de Black Boul’ et Dabaaz. Et comme si ce n’était pas assez, nos gentils pilleurs utilisent sur leur face B un instrumental de Drixxxé.

Face à ce triste piratage, le groupe écrit un morceau de réponse, dans la plus belle tradition des « diss » rageurs. D’Oz du groupe bordelais Kroniker vient renforcer Dabaaz et Black Boul’ le temps de ce morceau intitulé donc ‘Le piège’. Une production de haute tenue sur laquelle vient se greffer des scratches parfaitement rythmés de Cutee B et des MCs remontés. « Merde j’croyais qu’on était potes incapables de trahir, t’inquiète on s’accroche au beat quand il nous chourre et pourrit l’instru, avant d’agir certains devraient se triturer l’esprit« . Aucun doute ‘Le piège’ est un classique.

‘Panam’ offre un point de vue nuancé sur Paris, loin du schéma manichéen habituel. Une description réaliste faite de nostalgie, de dépit et d’admiration. Ca sent réellement le bitume parisien et la station de métro. « Copain choisis ta rive, plan relax ou de bandes rivales, soit tu kiffes tranquille soit tu clamses pour 10 balles…mais c’est à Paname, le temps passe, rien ne bouge, il reste le même, bref rien à foutre parce que dans le fond on l’aime quand même ». L’instru de Drixxxé se compose d’un joli sample de piano et d’un son de Dany Dan.

On me signale qu’il est temps de conclure, donc pour faire bref je vous conseille cet album, varié et bien produit, et ce spécialement si le trio Triptik vous est encore inconnu.

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