Chronique

Zone Libre vs Casey & B.James
Les Contes du chaos

Intervalle Triton - 2011

Certains albums prennent une tout autre ampleur pendant la nuit. Magnifiés par l’obscurité et le caractère incertain des heures obscures où le silence côtoie les montées d’adrénaline, ils se fondent dans l’atmosphère ambiante pour mieux l’agiter. Concentré de noirceur, Les contes du chaos rentre pleinement dans cette catégorie. L’équipée des musiciens de Zone Libre – Serge Teyssot-Gay, Marc Sens, Cyril Bilbeaud – associée aux deux lames les plus aiguisées d’Anfalsh – Casey, B.James – les nuits paisibles ont tout pour se métamorphoser en nouvelles nuits des longs couteaux.

Douze titres, douze blocs de charbon incandescent constamment ravivés par la flamme guerrière de Casey. Sombre et radicale jusqu’au dernier souffle, elle creuse avec une verve diabolique ces mêmes sillons : quête d’intégrité, envies jamais reniées pour les opérations punitives, représailles contre les plus puissants, stigmatisations, expositions des plaies apparentes du colonialisme et éternelles saillies adressées aux imposteurs de tous bords. Du grand classique. Et si B.James lui donne plutôt bonne réplique dans un registre proche, c’est Casey qui ne cesse de monopoliser l’attention. Jamais étouffée par le poids des musiciens – au contraire de son acolyte – noire et lugubre, elle dévoile une diversité dans l’interprétation des plus abouties. Oscillant notamment entre les interrogations ciselées au scalpel de « Carnet de ma cage » et la rage fluide et spontanée de « Toujours les mêmes ». Ses concentrés de haine doublés d’une fascination jamais voilée pour l’autodestruction sonnent parfois comme des incantations hérétiques. Tous ces moments et sueurs froides s’inscrivent dans la droite lignée des moments les plus sombres de Libérez la bête. Un fond désespérément noir avec une légère touche de gris. Les deux pochettes, plutôt proches, s’avèrent d’excellents reflets du contenu.

« On se repose entre psychose, névrose et overdose. »

Une noirceur dans les textes et l’interprétation qui trouvent un écho dans l’atmosphère concoctée par le trio de Zone Libre. Les guitares saturées (« Haut lieu du scabreux ») sonnent par instants comme l’expression d’une apocalypse annoncée, là où les envolées lancinantes de « Carnet de ma cage » paraissent illustrer une schizophrénie profonde et avancée. Plus encore que son prédécesseur L’angle mort, Les contes du chaos expose un univers électrique et suffocant aux sonorités rock assumées. Jusqu’à en perdre une partie d’un public poussé parfois dans ses derniers retranchements ?

« Et si on a croisé dans le bordel nos deux musiques entre elles, gros bâtards de guitares et cités dortoirs, c’est qu’on adore, bien s’occuper de notre clientèle ».

Enregistré dans l’urgence, Les contes du chaos n’a pas l’éclat d’un bijou finement peaufiné. Il s’affirme plutôt comme un album brut et brutal qui appelle la scène ; la véritable raison d’être d’un brûlot amené à être joué sur des charbons ardents. Début des hostilités le 30 mars au Nouveau Casino. Un bûcher de première classe.

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