Chronique

MC Ren
Kizz My Black Azz

Ruthless Records - 1992

« Straight outta Compton, another crazy ass nigga. More punks I smoke, yo, my rep gets bigger. »

N.W.A. (MC Ren) – ‘Straight Outta Compton’

« That black nigga that they call Ren. You fuck with me, you gotta fuck with a Mac 10! »

N.W.A. (MC Ren) – ‘The Dayz of Wayback’

1992. Après un dernier album (Efil4Zaggin, 1991), le groupe N.W.A. est définitivement enterré. Ice Cube vient d’avancer sa pièce maîtresse (Death Certificate, 1991) et se trouve sous le feu des projecteurs. Dr. Dre peaufine chez Death Row The Chronic, l’album qui changera la face du rap californien. Eazy-E prépare le EP 5150-Home 4 Tha Sick (1992) et son classique It’s On (Dr. Dre) 187um Killa (1993), gère avec Jerry Heller son label Ruthless Records et, accessoirement, « oublie » de mettre des capotes quand il va tirer son coup. DJ Yella produit quelques sons et doit déjà songer à se reconvertir dans le porno.

1992, encore. Voilà maintenant plusieurs années que les autorités américaines (F.B.I., églises, monde politique) et diverses associations s’acharnent sur le rap, avec une attention toute particulière pour N.W.A., pas vraiment en odeur de sainteté depuis le tonitruant Straight Outta Compton (1989). Du pain béni pour les politiciens de tous bords – dont Bill « Tu veux voir mon cigare sous le bureau ? » Clinton – en cette année électorale, soucieux d’affirmer leurs « valeurs » et d’affoler les masses, à peu de frais.

Dans les ghettos de Los Angeles, l’incendie couve.

1992, toujours. Lorenzo Patterson, dit MC Ren, s’apprête à livrer son premier EP solo, Kizz My Black Azz. Il est sans doute le Nigga With an Attitude dont les fans attendent le moins ; également celui qui marquera le moins le rap US de son empreinte. C’est pourtant principalement lui qui, avec The D.O.C., a occupé la charge de ghostwriter du groupe après le départ de Cube. C’est aussi le seul des MC’s qui sera resté fidèle à Eazy-E et à Ruthless Records.

Les six titres composant Kizz My Black Azz sont, à une exception près, produits par Bobcat, l’un des trois Boogiemen (avec DJ Pooh et Rashad) ayant opéré sur Death Certificate. Il n’est donc pas étonnant que les instrus brillent par leur densité et leur richesse, tant dans le choix et l’agencement des samples que dans la construction des rythmiques. Entre le minimalisme grave (‘Right Up My Alley’, avec son tapis de samples, sa cymbale appuyant chaque temps du beat, ses scratches, son roulement de drums) et le maelström aux accents old school de ‘Kizz My Black Azz’ (un beat plein de fougue et de breaks martelant une basse funk), l’ensemble ne connaît aucun défaut. DJ Train et The Torture Chamber, producteurs de ‘Hounddogz’, livrent quant à eux un beat calme échantillonnant entre autres le fameux ‘Atomic Dog’ de George Clinton, sur lequel Ren n’a plus qu’à poser un texte mi-ironique mi-dégoûté sur son propre entourage, qu’il compare à une meute de chiens (« The same fools that used to go to my school, when you see me on the streets, just chill and be cool. So if you really wanna be downDon’t crowd around a nigga like a hound!« ).

S’il n’a ni le flow nerveux de Cube, ni le charisme du stéréotype sur pattes (courtes, les pattes) Eazy « Muthaphuckkin » E, MC Ren n’en est pas moins un rappeur d’un niveau tout à fait honorable. Sans casser, il est vrai, la baraque, il sait s’adapter aux divers tempos des beats, et place même quelques accélérations et roulements appréciables sur ‘Final Frontier’. Même constat en ce qui concerne les thématiques : variées sans être exceptionnelles. Egotrip (‘Final frontier’), histoire de rue (‘Right Up My Alley’) ou de voyeurisme et de baise (‘Behind The Scenes’), provocation rageuse (‘Kizz My Black Azz’) ; MC Ren brille moins par ses choix que par sa prestance, son arrogance, son écriture sans détours et son style, sobre mais rentre-dedans (« So when ya at my show, let me see ya throw your hands up in the air and slap a hoe, ’cause that’s the only noise I wanna hear, ’cause MC Ren is the final frontier!« ).

Classique rap au même titre que les premiers albums solos des autres membres de N.W.A., Kizz My Black Azz a une portée supérieure à la simple sphère musicale. Son titre traduit une réaction épidermique, propre à un contexte précis, admirablement étudié par Jeff Chang dans son livre Can’t Stop, Won’t Stop : une rage accumulée après des années d’hostilité subie et de bâtons dans les roues de la part de l’Amérique blanche, explosion de N.W.A. avec son lot de beefs, manque de reconnaissance personnelle. Tout cela ajouté au boycottage du groupe organisé par les DJ’s des radios de Los Angeles… A ce premier coup de maître devenu platine en quelques mois MC Ren donnera trois suites, Shock Of The Hour (1993), The Villain in Black (1996) et Ruthless For Life (1998), mais n’accèdera jamais à la renommée mondiale d’Ice Cube et Dr. Dre.

« And when I’m finished, it’s gonna be a bloodbath. »

N.W.A. (Ice Cube) – ‘Fuck The Police’

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