Chronique

100s
Ivry

Fool's Gold - 2014

Ah, la permanente. Un mythe, une énigme pour le commun des mortels, située hors des limites ordinaires de la classe et du ridicule et associée pour toujours au pimp exubérant à l’ancienne. Oser une telle coupe à vingt piges de nos jours, c’est déjà un acte de foi. 100s a embrassé sans hésiter ce look et le style de rap tout aussi désuet qui s’y rattache. Cet aspirant maquereau des temps modernes a un parcours assez atypique ; originaire de Berkeley, en Californie, son père l’a envoyé quelque temps en Côte d’Ivoire quand il avait seize ans, histoire de calmer le gamin turbulent et de lui apprendre un peu la vie. Là-bas, il galère, apprend un peu le français, se met au rap, déjà fasciné par l’imagerie des pimps. En 2012, il sort sa première mixtape, Ice Cold Perm, avec sa pochette en hommage à celle de Doggfather et ses multiples clins d’œil au son de la côte ouest et de la Louisiane. Le résultat est planant, bien produit, original. On sent que le garçon a du potentiel. En début d’année, il sort son second essai, Ivry (aucun rapport avec Ivry-sur-Seine, désolé), où il pousse encore plus loin son délire et s’oriente vers des sonorités résolument plus funky.

« 100s déploie une misogynie à la fois vicelarde, odieuse et pourtant presque bon enfant. »

Alors que Ice Cold Perm tendait plutôt vers une ambiance froide et dépouillée, Ivry est plus chaleureux, plus coloré, plus kitsch aussi. La production est toujours confiée en partie aux bons soins de Joe Wax, mais cette fois, l’atmosphère penche clairement du côté des années 80 et d’une funk décomplexée. Au micro, 100s se lâche également davantage, on trouve pas mal de chant, de refrains inspirés et de saillies improbables. Le Californien n’est pas un monstre de technique, mais il incarne son personnage à fond, comme un type qui aurait trop regardé The Mack. Au long de ces huit morceaux, il déploie une misogynie à la fois vicelarde, odieuse et pourtant presque bon enfant ; concept qu’on serait bien en peine d’expliquer à des féministes, mais heureusement, ce n’est pas à l’ordre du jour. Ça roule des mécaniques et ça balance des horreurs sur des synthés et des basses de rigueur. Et c’est irrésistible. Il se dégage de l’ensemble un charme un poil ringard mais très accrocheur. 100s le sait et tient son rôle à la perfection avec un petit clin d’œil complice.

Certes, le jeune homme n’a pas le style déjanté ni le charisme d’un Suga Free, mais il a un talent évident. Sans compter un humour et un sens du recul qui le sauvent du premier degré. Sur Ivry, il ressuscite un genre et tente des choses audacieuses sans avoir l’air d’y toucher. À l’image d’un Sébastien Tellier, il y a derrière le personnage haut en couleurs une profonde maîtrise de sa musique et une vraie vision d’ensemble. Au fond, c’est une histoire d’équilibre. Juste assez de sérieux et de sincérité pour ne pas tomber dans le potache, et suffisamment d’autodérision et de jeux autour des codes pour ne pas friser le ridicule. Le résultat final est impressionnant et parvient même à paraître innovant alors qu’il joue en partie sur la fibre nostalgique. Une franche réussite.

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1 commentaire

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  • Angel,

    Très bonne critique, aiguisée et bien pointue, cependant j’ai trouvé ce deuxième projet nettement en dessous d’ice cold perm..