Chronique

Prince Ali
I Miss 1994

Mumbles Hip Hop - 2007

Avant d’écouter une oeuvre mise en téléchargement libre sur la toile, il y a toujours une certaine méfiance. En effet, si l’auteur pense que son produit est de qualité, pourquoi ne l’a-t-il pas commercialisé ? Pour simplement le rendre accessible au plus grand nombre, sans demander son reste ? Voyons, on est en 2007. Pour faire monter son buzz avant la sortie en bac d’un « vrai » opus ? L’hypothèse paraît plus plausible. Mais alors, la tentation d’en garder sous la semelle et de ne pas dévoiler tous ses atouts trop tôt n’existe-elle pas ? Méfiance, donc. On ne sait pas grand-chose de Prince Ali. Tout juste qu’il est originaire de Toronto, et qu’à en croire le titre de son EP, il est plutôt nostalgique. Le jeune homme a décidé de laisser son travail parler pour lui, et grand bien lui en a pris. I Miss 1994 constitue un réel instant de relaxation. Prince Ali et le beatmaker Incise nous rappellent que la musique Hip-Hop peut faire voyager. Qu’elle peut permettre à l’auditeur de rompre avec un univers quotidien qu’il ne connaît que trop bien, et dans lequel il replongera probablement plus rapidement qu’il ne le voudrait. Levons déjà les premièrescraintes : I Miss 1994 n’a rien d’un projet au rabais. 13 titres, un son propre, des instrus originaux, des morceaux construits, des interludes et, pour couronner le tout, des invités qu’on connaît plutôt bien (Louieville Sluggah d’O.G.C., Kev Brown et l’ubiquiste Craig G). On pourrait bien avancer que la voix de P.A. semble par moment trop en retrait et peu audible, mais en tout état de cause on a connu des sorties plus bancales.

Toutefois, le fait qu’Ali ne se soit pas foutu de nous ne suffit pas à faire de son EP une œuvre de qualité. Ce qui fait passer I Miss 1994 du convenable au bon, voire au très bon, c’est surtout la richesse des prods proposées par Incise. Des petits bijoux jazzy et smooth, aussi simples qu’efficaces. Cela faisait bien longtemps qu’on avait pas entendu de boucles aussi entêtantes : le saxo de ‘Grew Up’, les nappes de violons de ‘On Our Way’ ou les carillons de ‘Bloaw’ font mouche. La réussite de l’ensemble tient au moins autant aux prestations du beatmaker qu’à celles de Prince Ali. Sans être un performer d’exception, P.A. s’avère être un MC parfaitement adapté au contexte musical : sa voix suave et son flow en finesse collent brillamment à l’univers sonore proposé par Incise. Le discours se veut positif sans être moralisateur, et l’écriture demeure relativement neutre, hormis pour l’intéressant ‘Dear Slave’, description par l’oppresseur lui-même des différents sévices infligés aux peuples du tiers-monde et aux afro-américains depuis des siècles. Malgré la nature de l’œuvre, des titres comme ‘On Our Way’, ‘Bloaw’ ou ‘Grew Up’ comptent parmi ce qu’il s’est fait de mieux en 2007, année déjà riche en surprises. Prince Ali et Incise ne sont pas les seuls à être nostalgiques de l’âge d’or de la musique Hip-Hop. Mais si les compères continuent sur cette voie, ou mieux encore s’ils en ont gardé sous la semelle, 1994 pourrait bientôt ne plus nous manquer tant que ça.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*