Chronique

Juicy J
Hustle till I die

Hypnotize Minds - 2009

Parmi tous les éléments de sa musique, les refrains occupent une place centrale chez Juicy J. Il les travaille comme d’autres composent des slogans publicitaires : en visant l’efficacité, sans fioritures, pour les faire rentrer de force dans le crâne de l’auditeur. A tel point que ses morceaux paraissent souvent construits à partir de ceux-ci. Dès lors, son boulot de lyriciste s’apparente surtout à trouver de bons gimmicks puis à broder des textes – rarement transcendants – autour. En plus de quinze ans de carrière avec son groupe Three 6 Mafia, pilier de la scène de Memphis parvenu à la consécration en remportant en 2006 l’Oscar de la meilleure chanson originale pour le film Hustle & Flow, le rappeur et beatmaker a eu le temps de s’entraîner à varier les plaisirs. Sous forme de rengaines débitées en boucle, de répétitions de mots samplés, ralentis, rappés ou de constructions un peu plus classiques, ils participent à la sensation de ronde hypnotique se dégageant de Hustle till I die, son second projet solo après Chronicles of the Juice Man (2002) – en laissant de côté les multiples mixtapes sorties entre temps.

Au-delà de ces refrains incantatoires, le son lui-même est lourd et envoûtant. Hi-hats rapides et saccadés, rafales de caisses claires, kicks cognant comme des coups de bélier en arrière-plan, claviers lugubres voire chœurs religieux (le magique ‘Get me some money’)… A quelques exceptions près (le sample des O’Jays sur le single ’30 Inches’ rappé avec son grand frère Project Pat et Gucci Mane, ou la ‘Pimp Outro’), l’ambiance est loin d’être soulful, funky et dansante. Plutôt pesante, statique et enfumée. Juicy J ne s’est jamais caché de carburer à l’illicite et les drogues constituent encore l’un de ses thèmes de prédilection – avec la baise, les menaces de mort, les bagnoles et la rue. Ici encore, chaque titre semble inciter à le réécouter under the influence, pour fixer vaguement son attention sur un élément du son et se laisser porter par celui-ci.

D’apparence monolithique s’il est écouté d’une oreille distraite, Hustle till I die prend toute sa puissance après plusieurs passages au casque. Les multiples petits détails de production se révèlent alors ; les bruits de bottes d’une armée en marche sur un couplet, les variations et évolutions au sein d’un même beat (‘Purple Kush’, ‘My niggaz’), les voix en boucle placées en retrait… Au point, presque, d’en oublier les qualités de Juicy J au microphone. Le personnage, à la fois dur et cartoonesque, haineux et drôle, s’y montre pourtant très bon et versatile, passant selon les morceaux d’un style braillard un poil rigide à un autre plus mélodieux et vif, en travaillant ses intonations et variant le rythme de son flow. Constant dans sa qualité, Hustle till I die devient rapidement addictif. On en vient même à regretter que cette excellente suite de bangers brumeux ne soit pas mixée, pour rester accrochés sans silences d’interruption à son ambiance.

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