Chronique

Phonic S.A.
Hip hop de luxe

Yesnoman - 2001

Précédé d’une petite réputation scénique, Phonic S.A. livre ici sa première trace discographique sous la forme d’un EP de sept titres, Hip Hop de luxe. La formation même du groupe en fait un ovni dans le rap français : cinq musiciens (Vinzboum/batterie, Bull/basse, Socla/guitare, Béné Nutz/percussions, Bacchi/claviers et Don Sciuto/saxo-flûte), deux MC’s absolument inconnus (Daïzel et Vesty) et un DJ, déjà aperçu aux côtés de DJ Mars chez Time Bomb, Dj Nels. La pochette et le nom de l’album, à la fois vraiment kitsch et faussement prétentieux, annoncent eux aussi l’anticonformisme latent de leur hip hop. L’originalité n’étant pas ici un vain mot, la singularité du groupe se vérifie à tous les niveaux.

La production est évidemment l’élément maître de cet opus. Loin des sempiternels samples de soul ou de funk, les influences qui se dégagent s’avèrent extrêmement diversifiées : sonorités électriques pour ‘Au sommet’, ballade pop/rock sur ‘L’indien’, ambiance jazz sur ‘Larry Tournel’… Peut-être pour rappeler qu’il s’agit bien de hip hop, les scratchs de Dj Nels apportent une incursion assez incongrue de trois rappeurs classiques – Fabe, Boss One et Kéry James. S’agit-il d’ailleurs de hip hop ? Impossibilité de donner une réponse tranchée, aucune comparaison avec d’œuvres proches n’étant, à ma connaissance, envisageable. En tous cas, les mélodies sont agréables et les changements successifs à l’intérieur d’un même morceau nombreux. Autre point important, de longs moments sont purement instrumentaux, ce qui est suffisamment rare pour être noté. Chaque morceau a une personnalité propre, mais, hormis pour ‘L’indien’, l’enthousiasme délirant qu’on aimerait exprimer est contraint de rester dans son coin. Tout est joué en live, mais la chaleur qui est supposée en découler est indécelable. Et l’apport des MC’s est loin de pallier ce travers.

En effet, les prestations musicales règnent d’autant plus en maîtres que les voix qui les accompagnent sont assez quelconques. La première réaction à leur écoute est la surprise : hors contexte, jamais il n’aurait été possible d’imaginer ces compères scander des textes de rap. Coïncidence heureuse, ils ne se privent pas de s’en éloigner régulièrement, avec plus ou moins de réussite. Les textes s’avèrent très en retrait : ni le flow ni les paroles n’attirent l’attention, ce qui est peut-être salutaire car une analyse poussée de leurs écrits n’est pas à leur avantage : ‘Au sommet’ et ‘Son dark’ sont des morceaux égotrip des plus classiques, ‘Frère’ une ode banale à leurs proches, ‘Les yeux rouges’ une fausse chanson engagée. Toutefois, cela ne pose pas de frein majeur à la cohérence du tout, les instruments accaparant l’espace sonore.

Finalement, Hip Hop de luxe demeure un essai louable pour son innovation conceptuelle, mais le résultant est bien morne. Tout premier essai comporte ses imperfections, celui-ci renferme surtout peu de motifs concrets de satisfaction. La meilleure idée ne remplace décidément pas le talent, espérons que ce dernier surgira la prochaine fois, nous prouvant qu’il n’était qu’enfoui et non absent.

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