Chronique

Dose One
Hemispheres

1200 Hobos - 1998

Themselves, cLOUDDEAD, Deep Puddle Dynamics, Greenthink, Subtle, Presage, Stuffed Animals, Object Beings : autant de groupes et de projets portant le sceau d’une seule et même personne… Si d’aventure aucun des termes qui précèdent ne vous inspire quelque chose, il serait temps de songer à jeter une oreille à l’univers sans limite de Dose One. Et pour ce faire, quoi de plus sage que de commencer par le début et cet « Hemispheres » enregistré en 1998, duquel émanent les prémices du style d’un des MCs les plus prolifiques, atypiques et talentueux de ces dernières années.

Sorti sur 1200 Hobos grâce à la seule opiniâtreté de son auteur, ce premier album, qui n’était à l’époque qu’une cassette démo, est sans nul doute le plus estampé ‘Hiphop’ que le MC de Cincinnati ait jamais enregistré. Avec pas moins de sept producteurs pour onze titres, Dose y a joué pleinement la carte de l’éclectisme, comme pour prouver dès le départ qu’il serait dangereux de l’enfermer dans un style. Lui qui n’a de cesse de revendiquer sa liberté artistique…

Et, si J-Rawls (Lone Catalysts) est le beatmaker le plus en vue avec cinq productions, c’est en partie parce que Dose l’a rencontré deux ans auparavant lorsqu’il faisait ses études. C’est également le cas de Mr Dibbs (Atmosphere), qui produit ‘Bronchial Cleansing’, et avec lequel il fonda Presage en compagnie de Jel. Si la fortune musicale de Dose One semble être faite de hasards bienheureux, de rencontres chanceuses et de collaborations spontanées, le résultat de ses travaux s’en ressent nécessairement et toute cette vie transparaît au travers de textes très personnels et emplis de sincérité.

Aux antipodes de ce qui se faisait alors en 1998 et avec un détachement étonnant, Dose délivre des poèmes suppliciés sur des instrus on ne peu plus variés. Un an plus tôt, un album avait déjà mis à mal les carcans dans lesquels semblaient être enfermées les productions Hiphop d’alors. Cet album, c’est bien évidemment « Funcrusher plus » de Company Flow. Et ce n’est sans doute pas un hasard si un de trois membres fondateurs du groupe, Mr Len, se retrouve à produire ‘Civilization’ pour cet illustre inconnu. Rapidement adopté par la scène underground, Dose ne fait cependant pas l’unanimité et c’est en s’obstinant dans une voix(e) qui n’en est pas une qu’il se fera reconnaître en tant que véritable MC plutôt que fantasque déluré. Blanc de surcroît. « Hemispheres » en est la première grande étape.

Certes cet album n’a rien de parfait, on sent que Dose est en quête d’un style en perpétuelle définition, qu’il cherche encore les instrus les plus adaptés à son flow si singulier. On peut voir par exemple sur la deuxième partie de ‘Neapolitan’ que le son proposé par le trio J. Rawls, Fat Jon et Aktual Solar ne lui convient pas spécialement. A contrario, certains passages sont déjà assez explicites quant aux aptitudes qu’il a à se servir de sa voix comme d’un véritable instrument, à l’image du très jazzy ‘Genres’ sur lequel Dose dialogue avec la guitare. Si les approximations demeurent, une chose est toutefois certaine : l’entente avec Jel, elle, est déjà bien réelle. Il suffit d’écouter ‘Etherial Downtime’, peut-être meilleur morceau de l’album, pour voir que les futurs membres du duo Themselves étaient faits pour collaborer ensemble. L’autre titre produit par Jel, ‘2 Ton Can of Wupass’, est lui aussi une réussite et annonce certaines sonorités que l’on retrouvera sur leur premier album commun, « Them ».

Bien qu’imparfaite –et encore-, cette démo est un réel plaisir à écouter. Elle pose en effet les bases du travail d’un véritable artisan du hip-hop : se renouvelant sans cesse en se servant du meilleur de ce qu’il sait faire, et en réutilisant ce qu’il apprend à mesure que se font ses rencontres. Bien qu’inconnu, la liste des producteurs est révélatrice du fait que même pour une simple cassette démo, Dose savait d’ores et déjà attiré l’attention, même sur un album qui avec le recul sonne plus ‘Hiphop’, que ce soit au niveau des boucles que des beats. Mr. dibbs, Mr. Len, Jel, J. Rawls et Fat Jon : on a en effet vu pire comme premier public. Six ans et quelques dizaines de projets plus tard, force est de constater que le temps, et surtout Dose One, a su leur donner raison…

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