Chronique

Joeystarr
Gare au Jaguarr

BMG - 2006

Encore une question de génération ? Probablement. Mais pas seulement. Quand on a grandi avec du NTM dans les oreilles et le choc auditif qui allait avec, la sortie du premier album solo de Joey Starr ne peut laisser totalement indifférent. Inutile de repasser au rayon X la discographie de l’ex-duo indestructible pour s’en convaincre. La balafre causée par les trois premiers albums (Authentik, 1993… J’appuie sur la gâchette, Paris sous les bombes) du Suprême n’est pas du genre à s’estomper. Mais aujourd’hui, quinze ans après la sortie d’Authentik, la donne n’est plus la même. La sortie de ce Gare au Jaguarr précédée d’une longue traversée musicalement quasi-désertique soulève un paquet d’interrogations. Et un certain scepticisme. Une erreur ?

Pas franchement. Passé un démarrage en trombe avec le survitaminé ‘J’arrive’, puis ‘Métèque’, meilleur morceau de l’album et enfin ‘Bad Boy’, règlement de compte un peu facile mais pas inefficace, Gare au Jaguarr s’enlise dans la confusion, les contradictions et un paquet de lapalissades. Les petits arrangements entre amis de la presse écrite peuvent toujours (tenter de) préserver les apparences, difficile de se résoudre à voir le TGV Joey Starr foncer à 200 km/heure droit dans le mur. Étrange époque qui réhabilite brutalement un ex-paria en icône humanitaire depuis son investissement au sein du collectif Devoirs de mémoire. Et si ce combat mérite indéniablement d’être mené, les ficelles sont trop grosses pour ériger Joey Starr en modèle crédible de conscience sociale. Autant nommer Vikash Dhorasoo leader syndical des luttes ouvrières.

Avec Besancenot et Tchicaya dans le rôle étroit des cautions morales et des anticapitalistes sympathiques– leurs deux apparitions sont à la lisière de la parodie – le mélange des genres s’avère pour le moins indigeste. A la fois festif, revendicatif et roboratif, Joey distribue les bons (et mauvais) points avec un discours plein de bons sentiments. Mais, plus concrètement, il enfonce les portes ouvertes et vide son chargeur sur des convois d’ambulances. L’urgence du quotidien a beau être omniprésente, l’ex-expert de la maison mère rate souvent la cible, comme s’il manquait de recul. Les héros vieillissent décidément bien mal.

Joey a beau gueuler toujours plus fort il peine finalement à se faire vraiment entendre, s’enfermant un peu plus dans cette caricature du beuglar(r)d de dancehall. Et si quelques bonnes idées (‘Cigarette piégée’, le titre clin d’œil à ‘Gare au Gorille’ de Brassens) et relatives réussites (‘Métèque’, ‘Bad Boy’) parviennent à s’extirper de la masse, la médiocrité régulière des productions assombrit sérieusement le portrait. Symbole de cette descente aux enfers, l’irréel ‘Hot Hot (Hâte Toi)’ guimauve dancehall musicalement irritante et incroyablement candide.

Saloperie de nostalgie, toujours là pour nous bercer d’illusions. Tournons définitivement et sans regret la page. Mais sans oublier les chapitres précédents.

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