Chronique

Chali 2na
Fish Market Part 2

Decon - 2010

Bien avant Ghostface, Chali 2na s’était pris de passion pour les étals à poissons. Au point qu’il a tiré son blaze de la mascotte d’une boîte de produits surgelés dotée d’une voix grave, puis stylisé son logo en forme d’arête. Autant éviter de filer la métaphore halieutique (ou alors juste un peu…), car Chali 2na s’en charge très bien tout seul. À commencer par les titres de ses sorties en solo, puisque ce Fish Market part 2 fait non seulement suite au premier du nom en 2004, mais aussi à l’album Fish outta water sorti entre-temps, lequel avait reçu un accueil correct mais mitigé. La comparaison avec la période Jurassic 5, surtout à ses débuts, joue forcément à son désavantage. Ce n’est pas une raison pour se priver d’une mix-tape de qualité et de saison, à base de BPM élevés et d’ambiance festive.

Fish Market Part 2 a bien sûr les défauts du genre : un mixage qui ne casse pas trois pattes à un merlu, quelques facilités ici et là dans les refrains, et un léger surplus côté interludes, notamment dans l’écoulement des big up sur répondeur. Mais c’est l’exercice qui veut ça, et ça n’empêche pas la galette d’être efficace. Le chef d’orchestre, DJ Dez Andres, s’est bien débrouillé. Ses productions pêchues sont parmi les meilleures du disque : elles le font débuter sur les chapeaux de roues et le relancent quand il menace de s’essouffler (« 4 Yo Luv », qui débute la très bonne trilogie de clôture). Ses enchaînements – scratches et inserts vocaux – assurent de bonnes transitions entre des ambiances parfois nettement différentes, du sampling chaleureux au synthétique sec. Et en plus il rappe, et pas mal du tout !

Mais le pilier du disque, c’est bien sûr Chali 2na lui-même. Avec son timbre singulier, qu’il module avec précision, et son flow qui harponne façon foëne la tombée des caisses, il est capable de sublimer la production la plus quelconque. Preuve en est, il réussit l’exploit de faire passer la pilule de « Gadget Go Go », dont le glougloutement strident avait toutes les chances d’être insupportable. Il n’a cependant pas besoin de lancer trop de bouées de sauvetage car, dans l’ensemble, les instrus sont accrocheurs (on croise au passage deux représentants du label Rhymesayers) et leur enchaînement, surtout, est efficace. Avec Chali par-dessus, on ne s’ennuie pas une minute. En plus d’être techniquement surdoué, le natif de Chicago trousse des textes ludiques mais travaillés (il faut dire qu’il aime se présenter comme un homme de la Renaissance, maître des arts et lettres…), et il s’offre le luxe de terminer par un morceau politique sur une prod’ du compère de longue date DJ Babu, qui convoque la voix de Mumia Abu-Jamal pour appuyer sa critique des méfaits du système américain (« Save the people »).

À côté d’un tel colosse, on pouvait craindre la comparaison pour les nombreux invité(e)s. Coup de bol, ils sont une bonne surprise du disque. Il est vrai que certains ne sont pas choisis au hasard, spécialement J-Live, comme toujours très bon, sur une boucle orientale hachée qui donne envie de commander des nems. Les noms moins connus, comme Fat Ray, font aussi bonne impression, ce qui efface quelques petites déceptions, dont une confrontation avec Planet Asia qui s’avère pas mal, sans plus. Chali 2na ressuscite même pour l’occasion les vétérans d’X-Clan sur une ambiance funky-aquatique. Bref, si cette mix-tape sans prétention n’était pas le disque de 2010, on y revient plus souvent que prévu ; pour s’injecter un coup de pompe dans le cul et les oreilles au réveil, c’est l’idéal.

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