Chronique

Common
Finding Forever

Geffen - 2007

Fort du succès artistique et (enfin) commercial de son dernier album Be, Common semble renaître. Comme si cette réussite tardive lui ouvrait finalement des portes qu’il croyait à jamais fermées. Il paraît aujourd’hui plus apaisé et ambitieux que jamais. Sauf qu’aujourd’hui l’ambition n’est plus la même. Il s’agit aujourd’hui de marquer plus encore son époque, de pousser la porte vers l’éternité. En un mot d’enfoncer le clou plus fermement. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, Common reconduit la formule déjà célébrée de Be. Kanye se charge donc de la direction artistique globale d’un album dont il produit la plupart des morceaux.
Toujours aussi à l’aise dans ce costume du grand architecte musical incontesté, il évite le clinquant et le tapageur, préférant le plus posé, quasi nonchalant. A vrai dire on le soupçonnerait presque d’en garder sous le coude pour son troisième album à venir, ce Graduation qui prend des allures d’évènement interplanétaire. Cohérent dans son ensemble, Finding Forever s’inscrit dans la droite lignée de Be. Et s’il comporte, lui aussi, son lot de productions amidonnées, on préfèrera oublier le quelconque (‘Break my heart’, ‘Drivin’ me wild’) pour mieux retenir le plus brillant (‘The people’, ‘Forever begins’.)

Aussi facétieux et envahissant soit-il, Kanye ne brandit pas toujours son nombril en guise de boussole. Il s’entoure de quelques invités triés sur le volet, chacun apportant sa pierre à un édifice vaporeux mais solide. On retiendra notamment que Will.i.am continue son entreprise de réhabilitation en délivrant, une nouvelle fois, une production de rang (‘I want you’) et que l’éternel DJ Premier dynamite ‘The Game’. Il y apporte une touche plus brute, du grand classique connoté boom-bap années quatre-vingt-dix. Efficace à défaut de réinventer la roue. Impossible de ne pas mentionner également ‘So far to go’ et la contribution de Jay Dee, compagnon de route de Common depuis Like Water for chocolate. Si les diamants sont éternels, la musique l’est tout autant. Et le dernier morceau de ce septième album, « Forever begins », fait office d’hommage et d’adieu à James Yancey.

« Can’t leave rap alone the streets need me » (‘The People’).

Au-delà du clin d’œil à une formule empruntée à Jay-Z et symboliquement détournée, cette phrase en dit long sur l’état d’esprit de Common. Regonflé à bloc, confiant comme jamais, il semble dérouler ce discours conscient (ajoutez les guillemets si vous préférez), au-delà des railleries et controverses. Alors, oui, ce grand déballage des bonnes intentions et morales flirte par instants de près avec la caricature. Peut-être plus encore quand l’époque a tendance à célébrer les rappeurs avec des feuilles de boucher dans le gosier. Quelques écarts notables (« White people focus on dogs and yoga« , les grosses ficelles de ‘Break my heart’), pas mal de gros clichés mais, au final, pas de quoi lui oxyder l’auréole. Et aujourd’hui son vécu et sa discographie devraient lui épargner toutes les justifications. A défaut de faire taire les critiques. Si le discours est bien rodé, il ne flirte pas avec l’ivresse révolutionnaire, plutôt avec un humanisme bon enfant et beaucoup de bons sentiments. Common s’attelle donc à répandre la bonne parole tel un prêcheur. Il ne manque pas non plus de tacler à la carotide les plus matérialistes et violents: « with twelve monkeys on stage it’s hard to see who’s a gorilla, you were better as a drug dealer » (‘Start the show’). 50 Cent aujourd’hui, Ice Cube hier (‘The bitch in you’), la roue tourne. Et toujours en rond.

On pourrait porter une multitude de regards différents sur cet album. Lui reprocher son approche Gandhiesque jusqu’au bout des ongles, noter qu’il offre peu de surprises mais son lot de saines réjouissances (à commencer par le single ‘The People’). Au final, on retiendra surtout que « Finding Forever » est l’album qu’on attendait. Pas forcément celui qu’on espérait.

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