Chronique

Killarmy
Fear, love and war

Loud Records - 2001

Hier, mardi 12 septembre, en fin d’après midi, un appareil étrange et de toute évidence hostile marqua les hommes et les femmes de notre génération. Cet attentat sonore perpétué contre la plus grande nation musicale démocratique du monde (Les Etats-Unis) frappa de plein fouet le cœur de tous ceux qui croyaient aux « libertés nouvelles » qu’incarnaient le groupe Universal. A force de fouiller, de questionner, d’éplucher des rapports de police, nous avons remarqué un élément curieux. Des hommes, toujours les mêmes, quoique sous des identités différentes, apparaissent systématiquement aux moments les plus cruciaux de l’histoire du terrorisme musical. Parce qu’ils se réclament du « Military Style », parce que l’un des leurs se surnomme PR Terrorist, parce qu’il déclarent dans leur chanson « We carry grenades », « This right here is an explosion, for radio stations » ou encore « We highjack planes », « when we come throught we drop bombs on your establishments », parce qu’ils se disent « islamic terrorists », Killarmy et ses membres les plus actifs à savoir Le Puerto Rican Terrorist Dom Pachino, 9th Prince, Islord, Beretta 9, Shogun & Killa Sin sont devenus les ennemis publics N° 1 du gouvernement et des services secrets. Hypothèse fantaisiste ou non, il est certain que ces hommes existent, qu’ils ont déjà perpétré de telles infamies. Mais hormis les traditionnelles photos, leurs voix, leurs surnoms et rattachement au groupuscule Wu-Tang, leur dossier est vide. Cependant, ce groupe, vraisemblablement soutenu par le puissant groupe LOUD Records aurait, semble-t-il, bénéficié de l’appui logistique du producteur de génie 4th disciple (1-2-3-6-8-9-10-12-15-16-20), de Falling Down (4-7-14), de Rebel Ninja (18) et de Mike « trauma » D (19-21). Cette attaque terroriste, la troisième du groupe, a pour but de  »lancer une nouvelle ère dans le monde musical, d’éparpiller les cendres encore fumantes du  »fascisme sonore » de l’effacer de nos mémoires meurtries ».

Aujourd’hui, nous bouleversons notre grille des chroniques pour nous tenir au plus proche de l’actualité. Nous reviendrons dans ce bulletin sur cette opération que les terroristes ont nommé « Fear, Love & War. » Pour faciliter la tâche à nos lecteurs nous avons subdivisé notre travail en 22 dossiers thématiques et chronologiques.

Peu après l’explosion, les terroristes se sont emparés de multiples platines, se sont présentés et ont appelé la population à se révolter, à prendre les armes, et à devenir des militants, le tout sur fond de clairon et de violons. L’orchestration des violons était digne des films maffieux des années 1980 et 1990.

‘The Push’, première opération commando du groupe, a savamment été orchestrée par 4th disciple qui a utilisé la même logistique que celle utilisée sur « Silent Weapons For Quiet Wars » à savoir un fond de guitare et un cuivre redondant parfois soutenus par une trompette et des violons lancinants. La basse est presque imperceptible mais le sample de batterie procurent au groupe la puissance de frappe dont il avait besoin pour poser ses quelques salves lyriques. La précision de cette première agression constitue une véritable surprise pour les autorités du pays.

Si le 4ème disciple a une nouvelle fois préparé cette 3ème action avec minutie, ce dernier a malheureusement été trahi par ses troupes qui se sont engluées dans une guerre de refrains aseptisés. Pourtant, les quelques sons de clochettes et le sample de voix féminine qui font écho à une guitare aux distorsions inquiétantes auraient pu provoquer un véritable bouleversement sonore. ‘Militant’ n’a de plus pas bénéficié d’un U-GOD au sommet de son inspiration puisqu’il se contente de beugler  »Militant » pendant le refrain.

Le producteur habituel a délégué quelques opérations au novice Falling Down. Sachant que la tête pensante de cette troupe ne placerait pas sa confiance dans le premier venu, on pouvait s’attendre à assister à une nouvelle conspiration appliquée. Pas de fioritures, des violons énergiques insérés dans une boucle de piano aussi courte que puissante. Un étrange climat de malaise et d’inquiétude s’accroît à l’annonce de cette attaque exécutée par des « ghetto prime ministers » « terrorists islamics ghetto superheroes like marvel comics » venant tout droit de Shaolin. Le premier échec procède d’une pseudo improvisation au micro et à la MPC. Enfin un complot neutralisé. Malheureusement les assauts s’amplifient et ‘Sweatshop’ constitue une novelle réussite pour ce groupuscule armé jusqu’aux dents (Infra basse, roulements de batterie, violons agressifs et redondants, Synthétiseur alerte) Le son MIDI d’orgue révèle la gravité des dégâts subis par les « ennemis » de ces mercenaires.

Désormais les rues de New York seront sous contrôle de la milice. Après avoir prix le contrôle et renommé la rue de la paix, Killarmy se lance dans une description sublimée de la rue et se fait le « CNN de la rue ». Le générique de l’émission commence par une boucle de lyre, et une trompette déjà entendue sur le premier Ghost Face. Le sample vocal, plaintif, illustre à merveille les premiers reportages de la clique…

Bien conscient du retentissement de leurs agissements, les troupes fêtent les premières victoires sur l’ennemi. Le repos du guerrier en quelque sorte ou encore après l’effort le réconfort ou tout simplement ‘After Hours part 1’. Les gouvernements se sentant déstabilisés utilisent la machine médiatique et diabolisent par ce biais ces hommes qui se vantent d’en être à leur troisième opération sur ‘Trilogy’…

Conscient de la propagande lancée par ces différents Etats, et désireux de redorer leur image, Killarmy se lance dans l’introspection. ‘Feel It’ n’est certainement pas la piste la plus originale de par sa thématique – « They say we sell crack yeah we do son ! So what do you expect us to do about it.. I got to eat… Just watching us fade away in a sad like a rainy day so what the fuck the president got to say. » mais reste néanmoins le morceau le plus envoûtant, le plus gracieux et le plus séduisant de l’album. Certainement la faute aux fins phrasés de PR et Islord, accentués par la production de 4th disciple … Une composition bâtie autour d’un sample de chœurs féminins, de distorsions de guitares et d’une boucle de piano au tempo accéléré… « Ce n’était pas notre guerre Rodrigo, on était que des momes, j’avais huit ans ». Le premier couplet sonne à la manière d’un « grandir sans père c’est dur même si la mère persévère… » n’oubliez cependant pas d’y ajouter la sœur.

L’interlude nous permet de recueillir quelques réactions à chaud (donc pas forcément intéressantes et réfléchies) sur ces assauts.

Ne sachant que dire sur ‘Whatever we want’ nous passons directement à ‘Monster’ qui est la piste la plus dynamique – pas dansante, comprenons-nous bien – de l’album. En Commandant perspicace, 4th disciple lance ses troupes sur une zone dans laquelle les Etats-Unis ont toujours empêché la formation d’une puissance politique, militaire ou économique. L’Amérique Latine. La Guérilla est déclenchée, Cuivres fringants, slap de guitare, batterie alerte. Les oreilles de la population sont désormais les otages de cette cohorte opiniâtre.

Encore des attaques aux cuivres, aux guitares et mandolines de toutes sortes et au sample vocal. ‘The Hit’ et ‘One to Grow’ sont de nouvelles violations flagrantes du traité ABM « Killarmy bomb dead arm quick to drop bomb like Saddam on you sector… » Ces attaques répétées de 4th disciple auront peut-être pour conséquence une relance générale de la course aux armements sonores au sein du système Wu.

Nouveau ‘Skit’, et soudain… ‘Day One’ : sur un fond musical homérique – montées de violons et mandoline – les jeunes générations acquises à une philosophie plus radicale et désocialisée par la crise économique, exaspérées d’assister à une impuissance organisée fondent ce groupe armé. Message personnel au Bloumgoum’s, le joaillier était un illustre inconnu à savoir ‘Rebel Ninja’.

« There’s a war going on outside no man is same from » Au delà des textes ‘Nonchalantly’ bénéficie d’une production signée Mike « trauma » D fervent fan de Mobb Deep. Pour plus de précisions, une boucle de piano des violons et un bruitage qui fait le va et vient entre les deux écouteurs. 4th disciple, épuisé par les veillées passées en studio à élaborer les opérations précédentes, signe une piste – ‘The Rule’– digne d’un Waterloo. Un raté, enfin en nuançant, un morceau loin d’être enthousiasmant.

‘Lady sings Nu-Soupe’. Insupportable. Mike « trauma » D achève les troupes ennemies en utilisant l’arme absolue. N’importe quelle oreille un tant soit peu sensible craque et se rend à l’adversaire sans opposer la moindre résistance. Le reste de l’orchestration aurait amplement suffit à remporter une nette victoire. Pourquoi avoir eu recours à cette arme diabolique ? 

Une belle leçon donnée par un groupe reconnu, sur la barbarie sonore de ce début de siècle, qui n’aura rien renié pour faire de l’argent. Mais plutôt que de continuer à être moralisateur disons que ce cru est d’un bon niveau, mais encore quelques crans en dessous du niveau entrevu sur le premier album qui avait aidé le rap à sortir de sa préhistoire. En attendant encore un peu, le groupe aurait pu nous gratifier de quelques interludes un peu plus percutants et aurait ainsi été le premier groupe à sampler Bush père et fils : Imaginez un peu après le désormais mythique « Tonight the Battle has been joined » (The Last Poets) un « Today Liberty has been attacked ».

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