Chronique

Oh No
Exodus into unheard rhythms

Stones Throw Records - 2006

1996-2006. Dix ans. Après avoir célébré il y a deux ans le cap de la centaine de sorties avec un vinyle huit titres pressé à mille exemplaires, suivi d’un combo CD/DVD (Stones Throw 101) aux allures de livret de famille, Stones Throw a soufflé l’année dernière de nouvelles bougies. Dix bougies pour dix années d’existence. Dix années partagées entre les disques de breaks et instrumentaux, les rééditions de perles funk et soul mais aussi (surtout) quelques-uns des albums les plus excentriques de ces dernières années : The Unseen (Quasimoto), A lil’ light (Dudley Perkins), Mary had brown hair (Gary Wilson).

Evènement festif par excellence, cet anniversaire aura finalement été éclipsé par le décès de Jay Dee, co-auteur de Champion Sound (Jaylib) et du quasi-posthume Donuts. L’année écoulée aura également été celle de la continuité avec la suite des fumeuses aventures de Declaime A.K.A Dudley Perkins (Expressions (2012 a.u)) et le retour d’Oh No. Particulièrement discret depuis The Disrupt (2004) – premier album magnifié par plusieurs productions inspirées mais plombé par un emceeing un peu faiblard – Oh No revient à la charge.

Il (res)sort de l’ombre avec un projet pour le moins ambitieux. Un nouvel album intitulé Exodus into unheard rythms entièrement basé sur des morceaux de l’immense discographie de Galt MacDermot – icône jazz-funk à l’origine notamment de la comédie musicale Hair et de l’excellent film d’Ossie Davies Cotton comes to Harlem. Porté par ce concept à la fois inédit, accrocheur mais aussi potentiellement casse-gueule, Oh No semble plus que jamais décidé à s’extraire de la tutelle envahissante de son frère Madlib.

Avouons-le d’emblée : sur le papier Exodus into unheard rhythms aurait plutôt tout pour plaire. Le concept, les talents de producteur d’Oh No, la richesse de la discographie de MacDermot et la foultitude d’invités promettaient un album du meilleur cru. Plus concrètement et une fois disséqué, il offre son lot de moments pour le moins jouissifs, de savants mélanges de cuivres chauds et autres lignes de basses étincelantes piochées dans les travaux du multi-instrumentiste canadien. Au-delà de tout concept, difficile néanmoins de ne pas regretter le manque de liant et de cohérence entre les différents morceaux, donnant à l’ensemble des allures de compilation. Une bonne compilation qui pourrait rappeler My vinyl weights a ton (Peanut Butter Wolf) si elle en avait le caractère fondateur.

Gardons un brin de lucidité et la plume ferme. Si Oh No n’est pas franchement un MC inoubliable, il a eu cette fois la bonne idée de bien s’entourer. Il laisse ainsi le micro à une kyrielle d’invités plus ou moins passionnants. En plus de la clique Stones Throw et affiliés (Wildchild, MED, Roc C, Aloe Blacc, Dudley Perkins), on retrouve avec plaisir quelques gloires new-yorkaises plutôt affûtées, tels Buckshot ou Posdnuos (De La Soul). Et si Vast Aire suffoque sur ‘No Aire’, Wise Intelligent (Poor Righteous Teachers) fait toujours merveille sur le particulièrement explicite ‘Black’, promettant au passage de froisser un paquet de cervicales. Buckshot réussit quant à lui à nous arracher quelques larmes nostalgiques sur ‘Get yours’ tandis que Murs enfonce – une nouvelle fois – toute concurrence sur le très bon ‘In This’. Oh No ponctue enfin ce récital par une dernière référence. Un clin d’œil intitulé ‘Coffee Cold’ et adressé au duo Dan the Automator-Prince Paul. Duo qui avait déjà emprunté ce même morceau pour réaliser l’excellent ‘The Truth’ (Handsome boy modelling school.)

Il manque probablement à Exodus into unheard rhythms cet éclat qui contribuerait à faire pencher la balance du bon côté. Il lui manque également ce banger absolu prompt à marquer les esprits et à inscrire l’album dans la durée. Mais toute lucidité mise à part, notre esprit de nerd idéaliste demeure fasciné et conquis par cette collaboration entre deux générations loin d’être si opposées. Exodus into unheard rhythms est un vrai album d’utopiste-élitiste condamné à être à peine rentable. Une raison supplémentaire pour l’apprécier pleinement ?

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