Chronique

Explicit Samouraï
La danse du sabre

Toxic Label - 2004

Récapitulatif. Explicit Samouraï naît en 1996 de la réunion de Leeroy Kesiah et Specta. La rencontre avec Sir Samuel, Sly the Mic Buddah et OFX (alors composé de Feniksi, KLR et Vicelow) au Studio Nomad débouche sur un crew, celui des Supers Saïyens. Parallèlement, Leeroy accumule les apparitions en solo (« Cosa nostra », « Quelques gouttes suffisent », « Les liaisons dangereuses », « Hostile Hip Hop 2 », « L’envers du décor », etc.) et Explicit Samouraï est même crédité d’un morceau sur la compilation de Kool & Radikal. Mais les premiers projets du Saïan voient le jour en 1999 et s’enchaînent pendant quatre ans ; on finit par penser que le crew est devenu groupe indivisible.

A tort, puisque, pendant qu’OFX prépare son album chez Source, Explicit Samouraï reprend son autonomie, monte Toxic Label en 2003 et multiplie les occasions d’annoncer le retour du groupe (« Mémoires vives », « Hall school », « Futur proche 2 », « Néochrome 3 »). A l’écoute de ces apparitions-apéritifs, l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. C’est donc à la fois curieux et inquiet que l’on découvre ce maxi au graphisme simple et harmonieux.

‘La danse du sabre’ ouvre le bal et introduit Explicit Samouraï sous un jour qu’on lui connaît : l’égotrip déguisé. Jusqu’à présent domaine de prédilection du groupe, cet exercice est la formule idéale pour permettre à Leeroy et Specta d’épancher leur soif de rimes riches et de phases tranchantes –mais tout le temps compréhensibles. ‘La danse du sabre’ ne révolutionne rien. Mais ‘La danse du sabre’ est bien, malgré la prod rapidement agaçante.

« Je suis la main droite de dieu jurant sur la bible, et la main gauche se branle, cachée sous la soutane, ivre. Je suis comme dans les yeux d’un nègre, ou dans la peau d’une mère vieillie par la souffrance. Je suis coupable de viols, de crimes passibles de mort. Je suis l’amour et la haine. Je suis l’or et le temple. Je suis le riche et le pauvre. Quelques gouttes d’encre sur mes feuilles pour parler de sang sur les murs et ne pas oublier les mourants victimes des bavures. Dur comme le temps, patient comme la vengeance, haineux comme dans les yeux d’un père. »

En revanche, s’il est un morceau qu’on n’aurait jamais attendu d’Explicit Samouraï, il s’agit sans conteste de ‘Je suis’. Construit sur une alternance entre extraits de documentaires mis bout à bout et de propos à glacer le sang, la création de ce titre n’est sûrement pas étranger à l’expérience « Toxic TV ». L’instru sourde et discrète passe presque inaperçue tant le montage est habile, mais elle est bien plus sournoise qu’il n’y paraît, participant énormément à l’ambiance malsaine du morceau. Dans leurs couplets, Specta et Leeroy réutilisent une technique habituelle du Saïan, à savoir aborder un thème en multipliant les points de vue. Mais ici, seule la noirceur de chaque personnage est conservée : contrairement à ‘La preuve par 3’, nulle question ici d’apaiser les esprits. ‘Je suis’ les attise, mais avec quel éclat !

« Je suis papa. Tout le week-end avec le petit, je parle pas. Rien ne va plus dans le taf, je craque donc je lui mets dans le rha. Je suis le malfrat, le malpropre au regard froid. Je suis le sale porc narquois, fallait pas me traiter de sale noir. Je ne fais que boire. Désormais sans domicile -et il y a de quoi-, jadis docile, inculpé d’homicide, je soupçonne tous vos dissidents, me fous de toutes vos missives et de tout cri strident que provoquent tous vos missiles… Car loin d’ici, tous, ils m’appellent Oussama. Pis ça passe ou ça casse : quand toutes vos sales races m’accablent, je règle ça kalash ou famas. Tu trouves ça naze ? Mets ton masque à gaz ou je rase tout Paname. Vous tous, je vous canarde cash, et au final, je vous banane. »

Forcément, après une telle surprise, ‘Mon block’ est une belle déception. Le dernier inédit de la version CD vivote sur une prod d’Alsoprodby qui ne décolle qu’au refrain –et encore. Le thème est entièrement contenu dans son titre… et les paroles n’y ajoutent rien. De ce fait, le flow toujours travaillé des deux rappeurs tourne à vide et laisse indifférent.

En bonus, la version CD de ce maxi contient les titres ‘Lyrical fight’ et ‘Give me praise’ issus de « Da stand out », tandis que la version vinyle comporte un titre inédit, ‘Sale flic’.

« La danse du sabre » a le mérite d’avoir rassuré et même agréablement surpris quant au potentiel du groupe. Mais ce maxi inégal permet difficilement de deviner quelle sera la couleur de l’album, annoncé encore plus éclectique…

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