Chronique

O.G.C
Da Storm

Duckdown Records - 1996

A les voir faire les clowns coiffés de sombreros dans le clip de Leflaur Leflah Eshkoshka d’Heltah Skeltah, on aurait pu vite prendre les Originoo Gunn Clappaz pour la frange souriante et décalée de la Boot Camp Click. Et par la même, augurer d’un album un peu moins ténébreux que ceux sortis auparavant par les autres membres du collectif de Brooklyn, Black Moon, Smif’N’Wessun et Heltah Skeltah. Niet. Dans la sombre et sinueuse lignée de leurs aînés, Starrang Wondah, Top Dog et Louieville Sluggah ont offert à la musique Hip-Hop, avec Da Storm, un chef d’œuvre du son sale et obscur, si caractéristique du milieu des années 90.

Même si sa pochette et son titre suggèrent le contraire, Da Storm semble illustrer le calme avant la tempête plutôt que celle-ci elle-même : la pluie bat doucement les pavés de rues crades et peu éclairées, le tonnerre gronde, mais le vent ne tourbillonne pas encore. La rage est plutôt contenue, les prods tantôt faussement lumineuses (‘No Fear’, ‘God don’t like Ugly’, ‘Elite Fleet’), souvent franchement oppressantes (‘Calm before da Storm’, ‘Danjer’, ‘Da Storm’). Les Beatminerz, en charge comme toujours d’une grande partie de la production, ont ici privilégié les instrumentaux crus et dépouillés, en rupture avec les atmosphères cotonneuses de Dah Shinin ou Enta da Stage.

Et il n’en fallait pas plus aux trois jeunes gens pour s’illustrer de la meilleure des manières : les flows sont d’une grande fluidité, laissant parfois transparaître des accents ragga, et se complètent brillamment. La technique pour Louieville et Top Dog, la puissance pour Starrang. C’est d’ailleurs ce dernier qui marquera le plus l’auditeur, grâce notamment à Hurricane Starrang, un egotrip d’excellente facture, servi par un beat lourd au possible de Mr Walt : « First of all Starang comes first and foremost, my first instinct would be to burn yall wack raps like toast« . Toutefois, dans l’ensemble, l’écriture du trio ne brille pas par son originalité, au contraire : on menace, on se dit invincible, on condamne les wacks MCs aux pires sévices. Rien qui ne permettrait donc aux amateurs de rap construit et de belles lettres d’y trouver leur compte.

Mais ceux-là pourraient passer à côté du principal point fort du disque : la formidable alchimie entre les flows et les productions. Starrang, Louieville et Top Dog font en effet preuve d’une adaptabilité fantastique, se fondant dans les différentes atmosphères proposées avec grande facilité, chose étonnante pour des MCs n’ayant alors même pas atteint la vingtaine. De l’atmosphérique ‘Calm before da Storm’ au presque dansant ‘X-Unknown’, l’interprétation ne flanche jamais. Et, ces qualités de emceeing conjuguées à une conception sonore efficace et égale, de véritables perles émergent : le classique de la B.C.C ‘No Fear’, les inquiétants ‘Danjer’ et ‘Da Storm’, le planant ‘God don’t like Ugly’, et le percutant ‘Hurricane Starrang’.

Finalement, on regrettera simplement que les illustres compères du trio au sein de la Boot Camp Click n’aient pas été conviés (on ne retrouvera que les Representativez, sur le titre ‘Elite Fleet’), et surtout de ne pas avoir eu le droit à un morceau du Fab 5, super groupe réunissant O.G.C et Heltah Skeltah. Pour le reste, Da Storm demeure une référence, peut-être l’album le plus abouti que la B.C.C ait livré, avec l’indéboulonnable Dah Shinin de Smif’N’Wessun.

La suite pour O.G.C fut la même que pour tous les groupes majeurs du collectif : un second album moins efficace, bien que d’un niveau tout à fait correct, puis, malgré quelques coups d’éclat, une chute progressive dans l’oubli, accélérée par une évolution artistique peu convaincante. Le plus grand malheur de la Boot Camp Click demeurera d’avoir connu son apogée musicale en même temps que celle d’un autre collectif, venu de Staten Island cette fois. Gageons que si cela n’avait pas été le cas, il y aurait aujourd’hui plus que quelques simples puristes pour chanter les louanges passées de la B.C.C…

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