Chronique

Chief Keef
Almighty So

GBE Entertainment - 2013

Inonder le marché avec des sélections de morceaux inédits et gratuits, ériger et affiner une identité pour sortir un véritable album de studio quand l’attention est au sommet. La stratégie est payante et sert désormais de modèle. Pur produit de son époque, Chief Keef s’inscrit dans cette logique. Moins d’un an après un premier album fait de violence, d’arrogance et d’autocélébration, Sosa occupe plus que jamais le terrain. Almighty So fait suite à la compilation estampillée GBE For Greater Glory vol.2.5 et au très inégal Bang pt.2, envoyé à la fin de l’été. Deux mois se sont écoulés et Sosa reprend déjà du service. Pour le meilleur et pour le pire.

Entrecoupé de coups de fusil avec des sirènes de flics en fond sonore, Almighty So est une vraie mixtape. Brouillonne, salement mixée et bordélique, elle est rythmée par DJ Scream qui fait honneur à son nom… tout en déroulant la bobine à superlatifs pour évoquer Sosa. Comme s’il avait vraiment besoin de ça. Keef, lui, grogne, chantonne sous auto-tune et grommelle dans ce qui sonne souvent comme du vieux patois. Avec des inflexions qui rappellent par instants Gucci Mane ou Future, il laisse régulièrement l’impression d’avoir sérieusement taquiné la bouteille. Et parfois il semble s’accrocher à des bouts de claquements de 808 pour ne pas vaciller. Sur « Hate being sober » (Finally Rich), il évoquait sans fard son appétit pour la bouteille et la fumée, lâchant un « We can’t spell sober » qui résonne ici avec un certain écho. À vrai dire, Almighty So aurait pu avoir été enregistré en une seule prise, au milieu d’une nuit de défonce. Dénué de format et de consistance, il paraît naviguer à vue sur une eau franchement sirupeuse. Si parfois on semble toucher le fond (« I Kno », « Young Rambos »), on trouve aussi quelques (rares) moments dignes d’intérêt. Dans ce maigre registre, on glisserait « Blew my high » pour sa boucle entêtante et quelques intonations à l’agonie de Keef… mais c’est à peu près tout.

Les thèmes, eux, ne bougent pas d’un iota. Il est avant tout question de son ascension au sommet, de son goût immodéré pour la défonce et les liasses de billets, et de ses embrouilles en série avec l’adversité – justice américaine comprise. Une haine tenace pour les institutions et de l’amour pour la famille – GBE, sa mère, le Brick Squad – viennent achever le tour du propriétaire. Peu de surprises donc mais on ne s’attendait pas à une révolution de palais. Il manque néanmoins un nouveau souffle, un minimum de renouvellement dans la rythmique et les schémas de rimes pour emporter l’adhésion. À force de cracher ses glaviots dès qu’ils lui remontent dans le fond de la gorge, Keef va finir par s’étouffer.

Dénué de surprise et d’un embryon de morceau phare, Almighty So sonne comme une collection de brouillons – voire de déchets – mal recyclés et sans inspirations. Censé satisfaire l’impatience, il a l’exact effet inverse. On attend toujours le retour de Chief Keef.

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