Chronique

Bronson Supplies
Blue Chips 2

2013

On imagine assez bien la scène. Le gros Bronsolino complètement rincé dans une boîte moisie dans la banlieue de Niort. Un peu flippé par son pote, le bedonnant tombé dans la potion magique quand il était petit, le videur a laissé les platines au petit maigrichon : Party Supplies. Les disques datent tous des années soixante-dix et quatre-vingt. Et surtout, ils sentent fort la grosse pop sucrée. Celle qui colle aux doigts et qui finit dans les compilations de fin d’année. Mais la nuit est avancée et le DJ en place a un certain sens de l’humour. Du coup, il sert à son pote, le rouquemoute en marcel, une série de tubes bien potaches – avec notamment « Sussudio » (Phil Collins), « Jack & Diane » (John Mellencamp) et “Sledgehammer » (Peter Gabriel). Il y rajoute quelques breaks ici et là, pour la forme. Il sort aussi de sa poche d’autres tubes – plus datés mais jamais poussiéreux – comme « Tequila » (The Champs) ou « Tears on my Pillow » (Little Anthony and the Imperials) pour lancer un quart d’heure américain embarrassant. Pas de slow langoureux sur ce coup, le chef a confisqué le micro et ne le lâche que pour le refiler aux proches (Big Body Bes, Meyhem Lauren) incrustés au passage. Les gros (bras) viennent plomber l’ambiance.

« Let me take it out to Coney Island, drinking 40’s out in Rockaway. » (« Pepe Lopez »)

Entre bal musette et fête foraine, Blue Chips 2 ressemble à une cour de récréation, où un gros clown gavé de barbe à papa s’époumone entre la tombola et le chamboule-tout. Joyeusement ambiancé, il régurgite à la volée des références aussi éparses qu’inattendues, entre Rambo, Nick Van Exel et Gary Sinise. Comme s’il avait traversé un champ avec des hectares d’herbes fraîches. Volontiers potache, flirtant d’assez près avec la parodie et le cinquième degré, cette suite attendue de pied ferme s’inscrit aux antipodes de Rare Chandeliers et SAAAB Stories – noirs et sombres. Mais derrière cette légèreté apparente, il reste une écriture au jus de citron et un cynisme qui laisse apparaître des touches obscures à peine planquées par ces envolées acidulées. Et il y a des morceaux qui détonnent et sonnent comme une violente descente d’acide, une chute vertigineuse depuis ce petit nuage rose. « Through the eyes of a G » est un de ceux-là et Ab-Soul vient y poser un couplet glacial : entre chaîne dorée, chrome à la ceinture et passage au tribunal. Envoyé sur la production claudicante de l’éternel « Passin’ me by » (The Pharcyde), il sert de contrepoids – comme « Midget Couch » et « Twin Peugeots » – pour équilibrer cette sortie et l’amener bien loin du karaoké niortais.

« Straight from Queens rocking leathers like I’m Mr. Cheeks » (« Contemporary Man »).

Porté par quelques réussites évidentes – « It concerns me » et son imparable boucle de piano en tête – Blue Chips 2 désarçonne d’emblée. Gracieusement offert et envoyé au moment où les premières gouttes commençaient à tomber sur New York, il s’écoute comme un voyage éphémère et inattendu, spontané et bordélique, sans limites et sans filet. Et si Bronsolino semble décidé à repousser à un peu plus loin les limites de son personnage fantasque, on sent que le clown à la barbe épaisse affiche régulièrement un sourire de circonstance. Mais la roue tourne toujours plus vite et le spectacle continue.

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