Chronique

Beastie Boys
To The 5 Boroughs

Capitol Records - 2004

Retour des Beastie Boys après pas moins de six années d’absence. En 1998, avec Hello Nasty, ils nous avaient laissés l’air pas très frais, voire un peu éventés, entassés dans leur boîte de sardine. Entassement aussi au niveau sonore, mélange curieux de gros son et de rachitisme musical, de salé et de pas assez. Avouons-le, à quelques exceptions près, on hésitait à en redemander. Paradoxalement, cet album où le groupe se montrait « dans une boîte » sur la jaquette, était certainement l’un des plus éclectique qu’ils aient sorti. Un éclectisme envahissant qui rend simplement Hello Nasty bancal et poussif – pas de quoi brandir la pancarte « sell out » ! -, où les clins d’œil musicaux sont trop appuyés, le second degré lourd (de conséquences).

To The 5 Boroughs marque un virage important au niveau musical et c’est sur cela, je crois, qu’on peut revenir en priorité. Un retour à la cohésion a été envisagé par les membres du groupe après le foutoir excessif de l’album précédent. Toute tentation de déviance sonore a soigneusement été oubliée pour présenter à l’auditeur un album ramassé sur lui-même et imparable. Le virage est finalement en tête d’épingle, les Beastie Boys retrouvant leur puissance rythmique d’antan, une force de frappe qui résonne du premier au dernier titre de ce nouveau disque. « To The 5 Borough » est bien, sans hésiter, l’album de rap américain le plus pêchu qu’il m’ait été donné d’écouter depuis de nombreuses années. Pas de répit, pas de trêve, les morceaux s’enchaînent avec un égal nombre de bpm, qu’on dira élevé par euphémisme. Cette tempête de rythmes qui fait se déchaîner les intrumentaux les uns après les autres vient de loin, du début de la dernière décennie. Elle est orchestrée comme d’habitude par les Beastie eux-mêmes plus MixMasterMike aux platines. C’est sans aucun doute une très plaisante leçon de rap que nous offrent les Beastie Boys, celle de papis pas gâteux ni amnésiques pour un sou qui nous rappellent ce que c’était (bon !) du temps de leurs jeunes années. C’est une façon de parler car jamais, comme vous vous en doutez bien, le groupe ne vient se poser en professeur de quoi que ce soit. La persistance d’un rap majoritairement lisse n’est pas laborieusement démontrée à coup de rengaines réacs mais devrait cependant aller de soi, apparaître naturellement à l’auditeur après l’écoute d’un tel album. Ça passe ET ça casse. Écoutez comme tout ceci claque sans clinquant, comme chaque instant est rempli ici d’un scratch, là d’un sample délirant ; comme l'(absence d’)agencement des textes, les refrains font fi de l’aseptisation ambiante et prouvent une fois encore ce qu’ont d’incorrigible les boys new-yorkais dans la forme et le fond.

Virage aussi dans l’attitude des rappeurs, le temps pas si lointain où le groupe s’essayait à pousser la chansonnette étant révolu. Les MC’s se mettent parfaitement au diapason de la production. Pleins de jus et de flows foutraques, ils nous reviennent plus convaincants que jamais. Des trouvailles il y en a, quelques unes toutes bêtes même, mais foutrement réjouissantes. A commencer par le refrain de ‘Oh Word ?’ qui se contente de reprendre cette fameuse expression ayant fait le tour du monde, consacrée par le magazine The Source expression argotique la plus usitée de tout les temps dans le Hip-Hop. Il y a la lettre ouverte à New York City (‘An Open Letter To NYC’), pleine d’anecdotes marrantes liées à la jeunesse des rappeurs dans ses rues. elle rappelle que la vie ne s’est pas arrêtée dans la Grosse Pomme depuis le 11 Septembre, deuxième catastrophe que la ville ait connue après l’investiture du maire Giuliani, aujourd’hui retiré. Avec des samples de Nas et RZA, bien sûr ! Intéressant aussi d’entendre les rappeurs du groupe s’en prendre à leur actuel président sous un autre angle que celui légèrement faisandé de l’éminence grise d’un grand complot satanique mondial (‘It Takes Time To Build’).

Toujours adeptes d’onomatopées et de « bugs » de flows, ils font la pair avec leur DJ MixMasterMike qui, aux platines, est toujours spécialiste en sons bizarres et bruits incongrus (chien qui jappe, coucou qui sonne, etc). A force d’énergie donnée aux manettes, tout ce beau monde pousse l’album jusqu’à la rupture dans ses derniers instants. Il était difficile de concevoir que To The 5 Boroughs se finisse autrement que par l’emballement interne qui se produit. Ça ou l’emballage-conserve de Hello Nasty, le choix est vite fait !

Il fut une période où des slogans tels que « Bring the noise », « Don’t believe the hype » ou « Fight the power » s’efforçaient de donner un cap résolument différent et toujours retentissant au rap. Il arrive encore, de temps à autre, qu’un album sorte et promulgue à nouveau dans la musique qu’il contient ces quelques « valeurs » hélas, aujourd’hui, bien caduques. Vous l’aurez compris, To The 5 Boroughs est de ceux-là, et au plus haut point. Avis aux amateurs !

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