Chronique

2 Chainz
Based on a T.R.U. Story

Def Jam Recordings - 2012

Il y a des succès qui attrapent par surprise. Des carrières stagnantes qui prennent tout à coup le chemin de Cap Canaveral pour rejoindre Neil Amstrong sur son astre. Tout commence à Atlanta, ou plutôt une ville avoisinante qui a vu naître les talents de Ludacris ou Yung Joc, toute proche du berceau d’Oukast et de la Dungeon Family, la désormais célèbre College Park. C’est en 1997 que Tity Boi et Dolla Boy y créent Playaz Circle, un condensé de vie en Géorgie, encore brut de décoffrage. En 2002, ils sortent leur premier album en indépendant, United We Stand, United We Fall et font la rencontre de l’équipe Disturbing Tha Peace, chapeautée par leur voisin Ludacris. S’ensuivent les aléas de la vie, entre addiction au sirop, blessure par balle (Tity Boi) et prison (Dolla Boy). Le duo revient épisodiquement mais peine à faire son trou. Au courant de leurs différentes galères, Ludacris les signe sur son désormais label, DTP. Une façon directe de doper leur carrière avec, en 2007, l’album Supply By Demand et surtout le hit « Duffle Bag Boy », porté par un Lil Wayne en état de grâce. Le groupe revigoré sort un deuxième album chez DTP en 2009, Flight 360: The Takeoff. La réussite reste très locale et Tity Boi décide alors de chercher un second souffle, un développement solo.

Depuis 2007 et son véritable décollage en groupe, Tity Boi n’a jamais cessé de bosser de son côté. Avec 6 mixtapes au compteur sur sa période DTP jusqu’à 2011, le rappeur géorgien s’est monté une bonne réputation dans le circuit. Mais le tout reste trop local. Sa dernière livraison, la complète et charismatique Codeine Cowboys, sera le tournant attendu. Et Tity Boi saura saisir l’opportunité. Celle de quitter DTP, de signer en direct chez Def Jam, de changer de nom pour un « 2 Chainz » plus passe-partout et de préparer petit à petit une sortie explosive, étalée sur une année entière.

L’ascension de 2 Chainz est de celles qui devraient être enseignées dans les écoles de musique, de management ou des métiers de l’industrie du disque. Telle une fourmi exemplaire, cette nouvelle tête se réinvente en une mixtape, T.R.U. Religion et un maximum de collaborations. Jusqu’à décrocher le sésame, l’affiliation au G.O.O.D Music de Kanye West. Pas de signature, juste une relation privilégiée. 2 Chainz n’existe que depuis quelques semaines et il est déjà le meilleur à ce jeu. Ses succès aux côtés de Nicki Minaj (danse de l’année), Kanye West (il peut lui dire « Mercy » !), Young Jeezy ou encore Rick Ross ont fini de le mettre au centre de l’échiquier. Tout le monde se l’arrache. Sa nonchalance cartoonesque, son attitude détachée, ses hymnes de strip club et ses délires scabreux sans concession font renaître la stupidité ultime au sein du rap “mainstream”, dans un sillon déjà largement creusé par Waka Flocka Flame. Une histoire de cheveux, sans doute.

Alors quand Based on a T.R.U. Story, son premier album solo, sort en plein milieu du mois d’août, l’attente est à son paroxysme. Réussir un premier album en circuit majeur après une décennie de mixtapes et de succès d’estime n’est pas chose aisée. 2 Chainz s’en affranchit avec brio. Bien sûr, il y a des moments dispensables : une descente sirupeuse de la rivière enchantée avec The Dream et une balade à dos de poney avec Mike Posner. Mais il y a surtout trois très bons singles avec le tiercé rapologique 2012 : Drake, Kanye West et Nicki Minaj.

Plutôt que de faire la même musique que ses invités afin de capturer leur public, les rôles sont inversés. Ce sont les stars elles-mêmes qui se plient aux exigences de 2 Chainz. Certes, ses lubies ne sont pas dures à adopter : le strip club, les croupes généreuses et la bonne chère. Chacun s’y adapte à sa manière et en ressortent des collaborations ludiques, très divertissantes, parfaites pour colorer la vie quotidienne. Les vidéos associées finissent de rendre ses trois singles attachants, voire inaliénables. Entre une Nicki qui tâte de la strippeuse avec joie (« I Luv dem Strippers » ), un Drake qui laisse sa tenue habituelle de gentleman au placard (« No Lie ») et un Kanye, parfait adolescent attardé dans le clip de l’année (« Birthday Song » ), la sainte trinité adoube sans problème ce nouveau venu sur leur terrain.

Et le reste de l’album est loin de faire dans le remplissage. En effet, le rappeur nous gâte de gros son avec l’entrée fatale sur « Yuck » et son refrain flottant de Lil Wayne, le brisquadien « Crack » ou la formule Bangladesh sur “Dope Peddler”. Et il ne nous oublie pas en cours de route, assénant coup sur coup des « Money Machine » de Drumma Boy et « Wut We Doin? » de Mike Will Made It qui finissent de nous achever. Les productions sont de haute voltige, la tête bouge toute seule, les phases faciles à retenir restent en tête la journée entière et on appuie sur « Repeat » avec plaisir. Au milieu de cette jungle explosive, 2 Chainz nous offre deux morceaux plus calmes, parfaitement exécutés. L’un avec son comparse Dolla Boy, l’autre avec le grand Scarface et John Legend, dans une veine plus soul, plus descriptive et « sérieuse » dans laquelle 2 Chainz est aussi très à l’aise.

Avec un album complet dirigé par des hits qui feront date (« ALL I WANT FOR MY BIRTHDAY IS A BIG BOOTY HOE« ), 2 Chainz prouve qu’il est de la marque des grands. En faisant monter la sauce à l’ancienne à base de mixtapes et featurings, il prouve aussi que les vieilles recettes sont toujours bonnes. Et le public lui a donné raison, Based on a T.R.U. Story démarrant premier des charts US à sa sortie. 2 Chainz a su trouver sa place, cet album le rend quasiment indispensable. On n’a pas fini d’en entendre parler.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*