Chronique

East Coast Avengers
Avengers Airwaves

Brick Records - 2011

En 2008, East Coast Avengers, groupe formé d’Esoteric, Tha Trademarc et DC the Midi Alien, apparaissait à la face du monde, de façon plutôt percutante. « Kill Bill O’Reilly », premier titre du crew bostonien, attaquait de manière très virulente et explicite le chroniqueur conservateur de Fox News. Quelques semaines de polémique plus tard sortait l’album Prison Planet, tout aussi vindicatif que cette entrée en matière. Trois ans après, DC the Midi Alien, beatmaker du trio, l’a toujours aussi mauvaise au moment de faire ses débuts en solo avec Avengers Airwaves.

Dès l’intro, le décor est planté. DC et ses deux acolytes prennent d’assaut une station de radio, bâillonnant un présentateur aux idées pour le moins réactionnaires et prenant les commandes de son émission. Ils profiteront bien sûr de cette exposition pour diffuser leurs titres et leurs idées. Le marquage à gauche, déjà prononcé sur Prison Planet, est encore renforcé. Pas d’egotrip, ni de battle rhymes : les thèmes des morceaux sont tous très politisés, et traités avec conviction par les nombreux et prestigieux rappeurs conviés. Côté beats, DC applique la formule qui l’a amené à travailler ces dernières années avec Royce Da 5’9″, Termanology ou Vinnie Paz : des instrus nerveux, faits de breakbeats explosifs et de samples furieux.

Un casting riche, des prods énervées et un rap au diapason, la recette renvoie à environ deux cents disques sortis ces dernières années. Alors qu’est ce qui différencie Avengers Airwaves de tous ceux-là ? Tout d’abord, il s’agit d’un vrai album, pensé comme un tout, et non pas d’une compilation de morceaux créés à partir de différents couplets enregistrés ici et là. L’occupation de la station radio fournit d’ailleurs un fil rouge à l’opus, lui donnant une vraie cohérence. Par ailleurs, si au micro interviennent de grandes figures de toute la côte est des États-Unis, le focus porte essentiellement sur la scène de Boston, dont on retrouve les tauliers (Reks, Big Shug, Esoteric), les hommes de l’ombre (Tha Trademarc, Champs vs. The League, Singapore Kane) et les rookies (Boycott Blues, Godilla). Un ensemble qu’on a toujours plaisir à voir en action, ses éléments étant tous tirés vers le haut par une émulation d’apparence plutôt saine.

Ce sont d’ailleurs des MCs de Beantown, Esoteric et Tha Trademarc, qui s’illustrent sur l’un des meilleurs titres d’Avengers Airwaves, le fougueux « National Threat ». On appréciera aussi particulièrement « Revolutionary Theme Music », « Ride for a Cause » ou encore « World Wounds », des inattendus Nabo Rawk et Apeshit. « Birth of a Nation », dernier morceau de l’opus, jouit d’une production apaisante et douce, offrant une occasion à Reks de se montrer sous son meilleur jour. Le vétéran fournira comme toujours une interprétation pleine d’émotion, concluant le disque sur une très belle note.

Dans l’ensemble, pas de baisse de régime notable tout au long du tracklisting. Mais quelques petits défauts viennent tout de même ternir le bilan. Le premier est inhérent au concept : inévitablement, en ces temps de conspirationisme de comptoir, certains MCs alignent les clichés en voulant se la jouer rappeur engagé. Le second tient aussi à cette teneur très politisée : DC a eu l’idée d’insérer des extraits de discours un peu partout. Cela tend à casser le rythme et à lasser au bout d’un moment. On aurait préféré que les scratches, déjà très présents, le soient encore plus. On regrettera pour finir la présence de samples légèrement grillés, comme le sont ceux de « The Spirit Pt.2 », « Technology Takeover » ou encore « Soldiers/Survivors ».

Sans qu’il n’y ait à crier au génie, Avengers Airwaves est donc un album agréable, fait avec une conviction et une détermination qui font plaisir à entendre. L’étiquette « rap politique », fièrement relayée dès la pochette, avait de quoi rebuter de prime abord. Mais force est de constater que les morceaux se succèdent et  que jamais l’ennui ne vient poindre. DC the Midi Alien devrait en tirer un bénéfice certain, et s’imposer un peu plus comme l’un des producteurs qui montent sur la côte est.

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