Pete Rock, le parcours d’une légende
Interview

Pete Rock, le parcours d’une légende

Pete Rock est une légende vivante. Avec un style reconnaissable entre mille et toujours de nouveaux morceaux dans les tuyaux, on aurait pu le questionner pendant des heures. Nous avons eu quinze petites minutes. Une occasion de ressusciter des souvenirs associés à certains de ses morceaux. Détendu et d’une humilité confondante, Pete s’est pris au jeu avec l’enthousiasme d’un débutant.

Pete Rock & C.L. Smooth – « Mecca and the Soul Brother »

Pete Rock : [Il sourit en entendant les premières notes…] Ce morceau reste un de mes préférés. C’était notre premier EP. Tu sais à l’époque je me disais qu’il fallait vraiment sortir quelque chose pour la rue, un truc énorme et différent. On s’était vraiment bien marrés en faisant ce titre. C’était en 1992, le début de notre carrière en tant que groupe. C’était vraiment facile à l’époque, quand tu t’entends si bien et que les choses fonctionnent bien comme ça. Vraiment une époque très cool, pleine de bons souvenirs.

Termanology – « We Killin’ Ourselves »

P : Le seul truc dont je me souviens à vrai dire c’est que j’étais seul dans le studio le jour où j’ai mixé ce morceau. J’avais fait le mix chez Premier, au studio Headqcourterz. Term’ n’était pas là ce jour-là. Je lui avais donné la production et il avait enregistré ses prises de voix dans son coin. On s’était rencontré il y a un moment de ça avec Term’, il m’avait dit qu’il voulait bosser avec moi. Je connaissais déjà sa musique, donc je lui ai filé un beat. On a fait un premier morceau ensemble – « Hold that » – et ensuite, on a fait celui-là.

Fresh Prince & Jazzy Jeff – « Code Red »

P: [Surpris] Wahou, c’est Will Smith ! Ce morceau date de 1991. J’étais vraiment super content de travailler avec lui et Jazzy Jeff. Déjà parce que j’étais fan de leur musique. Je me suis tout de suite très bien entendu avec Jeff, peut-être parce qu’on est tous les deux DJs. J’adorais la façon dont il mixait et scratchait. J’étais vraiment flatté qu’ils fassent appel à moi et me donnent la chance de bosser avec eux et de prouver que j’avais quelque chose. Je me rappelle des moments passés dans l’appartement de Will Smith. Il y avait une vue incroyable sur tout New York. Tu pouvais voir tout Central Park de la fenêtre. C’était magnifique. Je me souviens avoir enregistré ce morceau dans le studio Battery. Ce studio était à New York, dans les locaux de Jive. Au septième étage si ma mémoire est bonne [NDLR : il se marre].

J’ai toujours été plus en contact avec Jeff qu’avec Will. Will c’est quelque chose aujourd’hui ! [rires] Mais si on se recroise un jour, je suis certain qu’il serait toujours prêt à y aller de son couplet. Bon, maintenant c’est pas évident pour lui, il ne peut plus sortir sans ses gardes du corps.

Das EFX – « Real Hip-Hop (Remix) »

P : Je me souviens avoir fait ce remix dans un studio qui était plus ou moins devenu ma maison. Ce studio c’était Green Street, il est à New York. C’est là-bas que Bomb Squad enregistrait les albums de Public Enemy, là-bas également que le Amerrikkka’s most wanted d’Ice Cube a été enregistré. Quand Das EFX a commencé à se faire connaitre, j’ai fait quelques remixes pour eux. Ce morceau fait partie de ces remixes. Je l’ai bouclé en une journée, production et mix compris.

J’ai de bons souvenirs de cette époque où je faisais pas mal de remixes. Dans une certaine mesure, ça a contribué à définir mon identité sonore et quel type de producteur je pouvais être. J’ai pris pas mal de plaisir à faire ces remixes mais je me suis aussi rendu compte que les remixes ne comptent pas dans le game. Tu ne gagnes pas d’argent jusqu’à la fin de tes jours en faisant juste des remixes. Tu prends un billet et voilà. A partir de là, j’ai arrêté de sortir des remixes et j’ai commencé à vendre des productions à pas mal de monde. C’était bien plus malin comme approche. C’était une étape pour m’affirmer et me faire connaître.

Pete Rock & C.L. Smooth – « They Reminisce Over You » 

P : [NDLR: Pete affiche un grand sourire]. Franchement, ce morceau, je ne sais même pas comment j’ai pu sortir une prod’ comme ça. Mais comment est-ce que j’ai pu sortir un truc aussi dépressif ? Bon, un très bon ami venait de rendre l’âme…. on était tous vraiment très tristes, et ça pendant un bon moment. En écoutant le disque que j’ai samplé pour faire ce morceau, quelque chose s’est passé, quelque chose m’a touché au plus profond de moi. J’ai écouté le sample et j’ai écouté Black Sheep [NDLR: Black Sheep a samplé le même morceau]. Ils avaient pris juste un riff de guitare au tout début du morceau. Je me suis posé et j’ai écouté le morceau en entier, puis l’ensemble de l’album. Et je me suis remis encore et encore ce même titre. Je me souviens avoir entendu des trucs dans ma tête, et voilà… le morceau est devenu ce qu’il est.

J’en suis très fier. Il est parfois joué lors d’enterrements, de mariages…. si tu as eu le malheur de perdre un proche ou quelqu’un de ta famille, ce titre te parle forcément. Beaucoup de gens m’ont témoigné un profond respect suite à ce morceau. Il traite vraiment de l’amour qu’on peut porter à ceux qui ne sont plus là et combien on pense toujours à eux.

Run DMC – « Down With the King (remix) » 

P : [A la première note, il réagit] C’est Run DMC ça ! Ce morceau, ça représentait vraiment quelque chose pour moi. J’étais fan de Run DMC depuis mes onze-douze ans. Quand j’ai commencé à faire de la musique, jamais je ne pensais que ça allait m’amener à bosser avec Run DMC. Le jour où on a commencé à taffer ensemble, j’étais en transe. J’ai collaboré de façon très étroite avec Jam Master Jay, on est devenus très bons potes. C’est vraiment lui qui a poussé pour que ce titre sorte. DMC aussi a pas mal aidé à ce que ça se fasse. DMC était vraiment content qu’on fasse un morceau tous ensemble. En fait, il fallait juste convaincre Rusell Simmons que ce morceau c’était un hit. Au début, il ne l’aimait pas trop. Il a fallu le travailler au corps pour le convaincre. J’avais Jam Master Jay à mes côtés, ainsi que DMC. Run a été sceptique un moment mais au final on a réussi à le faire changer d’avis.

Nas – « The World is Yours »

P : Un grand classique ce titre ! Nas est un des meilleurs MCs avec lesquels j’ai pu bosser. Le meilleur à vrai dire. Pendant des années j’ai voulu faire un titre avec Jay-Z… et c’est arrivé aujourd’hui. J’ai placé un morceau sur Watch the throne. J’en suis très fier, aussi parce que Jay-Z et moi on est de la même génération. On est sortis au même moment. On s’est ratés pendant des années mais en 2011, enfin, on a sorti un truc ensemble. Je considère toujours que Nas est le meilleur MC. Large Professor me l’avait présenté à l’époque. On avait pas mal échangé et assez rapidement on avait sorti ce morceau. C’est lui qui avait trouvé le concept du morceau et lui également qui avait voulu ce refrain chanté. Et le morceau est devenu ce que vous connaissez.

INI – « Fakin’ Jax »

P : « Fakin’ Jax » est le premier extrait du LP Center of attention. L’album devait sortir via Elektra. Ça ne s’est pas fait, ils ont juste sorti ce morceau ainsi qu’un autre – « Props » en face B. C’est à ce moment-là que Sylvia Rhone a été embauchée par Elektra. Elle est arrivée et elle a annulé mon projet. J’étais vraiment dégoûté par sa décision. Tout était prêt pour que ça sorte, mais son arrivée a tout remis en question. Bob Krasnow, l’ancien CEO, adorait ce projet. Il avait tout préparé pour que ça sorte, et dans de bonnes conditions. Au final, l’album a été bootleggé, ce qui a tendu un peu plus mes relations avec Elektra. J’ai pu quitter Elektra pour signer chez Loud. C’était en 1998 et j’étais vraiment content de rejoindre Loud.

Common – « The Bitch in Yoo »

P : Un jour, Common m’a passé un coup de fil. Il me disait qu’Ice Cube lui avait manqué de respect. Il voulait lui répondre. Il a débarqué à New York et on a passé du temps ensemble. Il est passé dans mon quartier et on a fini à la maison d’un pote. Mon pote avait quelques disques et de quoi faire un morceau chez lui. J’ai fait la production là-bas, très vite, sans même réaliser qu’il l’aimerait. Quand je l’ai bouclée, Common était du genre « c’est cet instru là qu’il me faut ! Je veux le faire là-dessus ! » Le lendemain, il enregistrait. Et il a tout niqué.

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