Chronique

Slim Thug
Boss of All Bosses

Boss Hogg Outlawz/E1 Music - 2009

Imagerie glacée, gros cigare, lunettes noires, bague en or, fumée enveloppante : le Boss des Boss, Slim Thug, est de retour. Découvert par le grand public lors de l’avènement de Houston, aux côtés de Mike Jones & Paul Wall avec leur hymne à trois têtes, ‘Still Tippin’, le géant à la voix caverneuse revient défrayer la chronique du Texas. Comme ses deux collègues, Slim Thug se fait un nom à la fin des années 90 au sein de l’écurie Swishahouse, boostée par le retour en grâce du Chopped & Screw. Dans une ascension fulgurante, ils sortent tous les trois leur premier album majeur en 2005. Une nouvelle vague se forme alors après la déferlante Atlanta, entre le Crunk de Lil Jon et la Trap Muzik de T.I. ou Young Jeezy. Cette omniprésence a permis à la capitale américaine de l’aérospatiale de mettre en orbite son univers de cadillacs, de players, de rues crasseuses et d’ailes de poulet. Du pain béni.

Derrière leurs aînés Geto Boys et UGK, ces artistes émergents ont renversé la tendance mainstream, surclassant les standards new yorkais. Ils ont finalement engendré une véritable révolution en scandant des numéros de téléphones ou en vantant le nombre de pouces de leurs jantes de voiture. Slim Thug avait choisi la voie Interscope avec un premier album produit par Pharrell Williams et son label Star Trak. Le mélange était parfaitement bien dosé, les Neptunes au top de leur création, remplaçant les clichés bardés de cowboys et de derricks par un mouvement ralenti, codéiné et implacable. Les 64′ roulaient au pas, en zig zag, vitres ouvertes, les rois de la ville étaient de sortie.

Après le succès en demi teinte de son premier opus et donc quelques soucis avec Interscope, Slim Thug plonge dans l’indépendance, introduisant son groupe Boss Hogg Outlawz et leurs deux albums en 2007 et 2008. Slim est un entrepreneur qui a la réputation d’être déjà millionnaire avant son premier album. Il a vite compris le manque à gagner. Le ton est résolument local, tourné sur la rue et son environnement. Pur produit de Houston, Slim Thug est de tous les hymnes, tous les morceaux qui comptent. Ce nouvel album ne déroge pas à la règle. Slim Thug revient sur ses bases avec un tracklist 100% texan, suite logique aux deux albums Boss Hogg plutôt qu’à son premier essai en major. Le grand échalas se sent bien dans cette position d’indépendant avec E1 Music, Ex-Koch, pour l’épauler.

Bien sûr, le contenu peut paraître moins alléchant avec, par exemple, la version Dr. Dre du titre ‘I’m back’ disparaissant dans les limbes. Son départ d’Interscope fait peut être perdre les gros budgets et grosses têtes d’affiches mais ne l’empêche pas de sortir des hits en s’acoquinant avec Jim Jonsin, devenu producteur star depuis le ‘Lollipop’ de Lil Wayne. Sur cet album, il est à l’origine de l’anthem ‘I run’, promis à un avenir radieux avec un remix invitant Chamillionaire et Z-Ro, mais aussi du puissant ‘Smile’, autre petite pépite bien placée. La plus grande partie de l’album reste produite par Mr. Lee, l’essence même du son Houston que Slim Thug affectionne, soul et profond, screwed et efficace. Présent depuis ses débuts, c’est avec Mr. Lee que Slim forge son style multiformes et versatile. En famille.

Boss of all bosses n’est pas une succession de collaborations avec des stars millionnaires. Les maintenant incontournables Lil Wayne, T.I. ou Young Jeezy sont absents mais font place à des invités plus pertinents. En plus des membres de son groupe – les prometteurs J Dawg et Killa Kyleon – c’est bien le Texas avec un grand T qui s’est donné rendez vous sur une succession impressionnante de bons titres. L’alchimie entre chaque artiste donne des résultats différents mais toujours réussis : le chant du guerrier de Z-Ro, la funk soul de Bun B & Pimp C, la sensibilité à fleur de peau de Scarface et la nonchalance de Devin The Dude… Slim Thug, lui, s’adapte, flow tout terrain et charisme à tout épreuve, rivalisant avec ces légendes sans jamais ciller. Un (quasi) sans faute.

Il devient lui même un personnage incontournable au fil de l’album, présent même quand il fait peu, appuyant sur chaque mot, reconnaissable à chaque syllabe. Toujours ce rap de crapuleux, d’homme d’affaire de la rue, les liasses qui dépassent des poches, une tête au dessus de tout le monde. Malgré quelques titres plus faibles, comme le plutôt mièvre ‘My Bitch’ ou ‘She Like That’ et son autotune réglementaire, Boss of all bosses présente Slim Thug dans sa meilleure forme, intègre et simple, sans artifice ou budget envahissant.Et cette épreuve de force termine comme il se doit par un énorme posse cut regroupant une bonne partie des MCs du Texas, rappant tour à tour comme si leur vie en dépendait, dans un esprit de famille et de compétition saine. Une vie de rue, violente et tapageuse exposée dans une unité de franche camaraderie. Avec ce respect mutuel et cet amour de la musique qui la caractérisent, la scène de Houston transpire à grosses goûtes sur cet album pour notre plus grand plaisir. Slim Thug remplace ses aînés et devient garant de cette ambiance si particulière qui donne encore une fois toute sa saveur à Boss of All Bosses. Un incontournable.

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