Diamond in the Rough

Hits Alive

Ils ont produit la moitié de Bad Cowboy, le dernier album de Seth Gueko. Ils aiment les morts-vivants et produisent sur Reason. Rencontre avec le duo Mayer et Martinezz A.K.A Hits Alive.

Abcdr : Qui se cache derrière l’entité Hits Alive ?

Mayer : Hits Alive, à la base, ça vient de ça. C’est un état d’esprit, un cri du cœur, un leitmotiv qui s’est transformé en gimmick sonore. Ça veut dire notamment : le rap n’est pas mort, il est mort-vivant. C’est l’art de ressusciter et de remettre au goût du jour toutes les mélodies, les sonorités sur lesquelles nous nous butons depuis les années 80.
Sur le plan formel, on est deux compositeurs parisiens : Manny Way A.K.A Martinezz et Math Mayer A.K.A Dr. Nazi.

A : Comment ça se passe le travail de production à deux ? Vous bossez chacun de votre côté ? Où vous avez vos spécialités, voire préférences ?

Mayer : À l’origine, je suis le genre de gars qui aime écouter pendant des heures de vieilles bandes originales de films et décortiquer la manière avec laquelle sont agencées les mélodies. Je dirais que ma spécialité est la composition pure. J’essaie de reproduire au maximum les textures musicales d’antan. Je mixe également toutes nos productions et cherche constamment la précision. Je ne laisse rien au hasard. Je suis un vrai chirurgien musical. On me surnomme Dr. Nazi. Au niveau du groupe, on bosse pas mal de prods chacun de notre côté, on se fait écouter nos travaux mutuellement et on retouche ensuite si besoin. Pour l’album Bad Cowboy et les quelques projets qu’on a sorti, on a eu un vrai travail d’équipe et d’échange. On se connait depuis dix ans maintenant… Et dans tous les cas, on essaie de respecter au maximum « notre ligne de conduite ». Un zombie ne doit jamais baisser son froc sinon il risque de s’arracher les jambes !

Martinezz : À la base, Mayer fait des instrumentaux depuis le début des années 2000. Moi je rappais un peu de mon côté avec mon groupe local et j’ai toujours voulu être dans la production. Je traînais beaucoup chez lui et on discutait musique le plus souvent, on s’échangeait des disques…
Puis ça s’est fait tout seul : il m’a montré les techniques de découpage de samples et c’est devenu ma spécialité. Sinon pour l’aventure Hits Alive, le délire est parti d’une vieille B.O qui trainait chez Mayer et on en a fait « Émile LV » de Seth Gueko. Je trouve que ce beat est à la base de tout, on peut bien sentir le mélange de nos délires respectifs : lui c’est la vibe new-yorkaise et moi plus la vibe californienne. Après ça a évolué au fil du temps.

A : Vous bossez avec quoi comme machines ?

Mayer : On produit sur ordinateur, avec le logiciel Reason en particulier. Parfois, on rajoute de vieux synthétiseurs externes, de la guitare électrique. En particulier, pour la section cordes, quand on est vraiment en galères, on sous-traite le travail au Transylvania Zombie Orchestra, des enculés de morts-vivants qui font la manche à côté de chez nous.

A : Vous avez huit productions sur Bad Cowboy, le dernier album de Seth Gueko. Comment est-ce que vous avez bossé avec lui ?

Martinezz : La rencontre avec Seth s’est faite bien loin d’ici, en Thaïlande pendant une bataille d’eau géante qui dure trois jours tous les ans [NDLR : Songkran, grand moment et grands souvenirs pour une partie de notre rédaction]. On a sympathisé, puis on est devenus amis. Moi, j’avais quitté la France depuis un moment pour vivre là-bas et je continuais à produire des beats de mon côté. Je produisais notamment un rappeur Suédois du nom de Franchize et un groupe Thaïlandais les Nepthaiz. Il y avait un studio à deux rues de chez moi.
Un jour, j’ai gravé un CD avec des prods de Hits Alive (anciennement appelé 2#) que j’ai donné à Seth au moment de son retour en France. Au final, il en a retenu deux qui sont devenues « Émile LV » et « Bad Cowboy » dans l’album Michto sorti en 2011. Par la suite, il a décidé que nous produirions la majeure partie de son nouvel album Bad Cowboy en nous impliquant dans son équipe de producteurs, sur son label Zdedededex Music.

A : Quels retours avez-vous eu sur Bad Cowboy ?

Mayer : En général, de très bons retours. J’ai lu et entendu pas mal de trucs qui parlaient de symbiose entre Gueko et notre univers. J’ai également croisé pas mal de personnes qui m’ont félicité pour le travail sur « Paranoïak ». Je pense que ce single a eu un bel accueil notamment grâce à la qualité de sa vidéo.

Martinezz : Les retours sont très bons, surtout de la part des professionnels de la musique. Je trouve qu’on a franchi un palier avec cet album, on a pu montrer qu’on savait produire des gros titres mainstream comme « Paranoïak » tout en restant dans notre univers musical. On est vraiment fiers de ce projet car on a participé à toutes les étapes de conception (composition, enregistrement, mix) et il y a une palette d’ambiances très variée. On n’est pas simplement des horribles zombies assoiffés de chair humaine. On sait être également sensibles comme sur le titre « Sale Temps Pour Un Cabot ».

Mayer : C’est aussi de belles rencontres, comme avec Orelsan qui reste un artiste super humble malgré son succès.

« On n’est pas simplement des horribles zombies assoiffés de chair humaine. »

A : La production dont vous êtes les plus fiers ? 

Mayer : Sur l’album Bad Cowboy, je dirais « Paranoïak ». Il me semble que le beat est bien ancré dans son époque tout en faisant appel à de vieilles sonorités. Je ne le sens pas « has-been » quand je le réécoute. J’aime particulièrement le mix qui a été fait conjointement avec l’ingénieur du son. Il y a eu un gros taf’. Si je devais en rajouter une, je dirai « Farang Seth » car j’adore cette mélodie. Je suis très satisfait du résultat final et je pense que ce morceau est très important dans l’album.

Martinezz : « Bad Cowboy » sur Michto sans hésiter ! Les découpes sont parfaites et on sent bien cette basse électro / G-Funk qu’on utilise très souvent maintenant. Je ne m’en lasse pas et ne m’en lasserai jamais de ce beat ! Faudrait le foutre à mon enterrement ! [Rires] Avec Seth, on l’a même tatoué sur notre poignet alors que l’album Michto n’était pas encore sorti. C’est donc une fierté que ce morceau ait donné naissance au titre de son nouvel opus.

A : Quels sont les trois disques qui vous ont le plus marqué ?

Mayer : Question très difficile. Là comme ça, sans aucune réflexion, je dirai : Mobb Deep – Hell On Earth ; Ennio Morricone – Once Upon A Time In The West ; Giorgio Moroder – Midnight Express.

Martinezz : Les disques que j’écoute encore en 2013 sans zapper un seul titre sont : 2Pac – All Eyez On Me ; Daft Punk – Discovery ; D’Angelo – Brown Sugar.

A : Vous avez sorti en mai dernier EP – disponible en téléchargement gratuit – intitulé Triple 6. Vol.1 – en téléchargement ici ? Quel était l’objectif de ce disque ?

Mayer : À l’origine, Martinezz avait comme idée de sortir trois projets de six titres chacun. On tenait absolument à faire découvrir notre univers musical indépendamment des morceaux que nous avions produits à côté (notamment pour Seth Gueko et Al-K Pote). On peut considérer que le premier volet est une carte de visite. C’était également pour amener un projet de plus grande envergure, un plus long format – le Bloody Halloween, en téléchargement ici – dont on est extrêmement fiers. Peu de gens l’ont écouté au final (peu d’exposition donc peu de téléchargements) mais tous les retours qu’on a eus étaient excellents et encourageants. Le projet a parlé à des personnes hors rap, ce qui est une très bonne chose.

A : Vous avez toujours en tête de sortir une suite ? Quel sera le ton de ce volume deux ?

Mayer : Ouais, le Triple 6 volume 2 est terminé. Il vient tout juste de sortir [NDLR : téléchargement ici]. Il est dans la même veine que le premier. C’est comme un bon vieux Halloween 2, la même recette, les mêmes sursauts. Par contre, Jamie Lee Curtis sera absente. Elle a refusé l’invitation. Salope. On s’est rabattu sur un barbu à lunettes du coup. On a construit cet EP comme un guide du savoir vivre d’outre-tombe. On a utilisé quelques citations autour des thèmes du diable, de la mort et de l’enfer.

A : Dans un monde idéal, vous êtes financés par les Qataris, vous pouvez faire l’album de vos rêves avec un budget illimité. Vous invitez qui ?

Mayer : On ne fait aucun album, on prend les avances et on se casse bien loin ! Enculés de Qataris [rires]. Plus sérieusement, on ferait une vraie bande originale de malade. On coproduirait avec Claudio Simonetti des Goblin, Giorgio Moroder. Le tout serait orchestré par John Williams et Ennio Morricone. Pour les quelques morceaux chantés de la BO, on ferait des featurings improbables style Thom Yorke / Prodigy of Mobb Deep. Et évidemment, on demanderait à John Carpenter de tout mettre en images.

A : Quelle est la prochaine étape, le prochain projet sur lequel vous êtes ?

Mayer : On bosse actuellement sur un projet Hits Alive long format qui contiendra des collaborations rap et autres. On vient d’enregistrer un track de folie avec DFHDGB intitulé « White Trash » [DFHDGB : Des Faux Hipsters et Des Grosses Bites, collectif composé des deux rappeurs Hyacinthe et L.O.A.S et du producteur Krampf]. Il sera réalisé à la manière d’une Bande originale de film. On se donne comme objectif de le sortir en 2014 et dans de vraies bonnes conditions. On aimerait aussi sortir la suite de Bloody Halloween à savoir Bloody Valentine pour février 2014.
À côté de ça, on continue de produire pour les artistes avec lesquels on s’entend bien : Seth Gueko évidemment, Zekwé Ramos qui a un talent monstre. De même, notre manager Vincent Portois essaie de proposer nos productions à bon nombre d’artistes. On est supers ouverts sur les collaborations Rap / Hors-Rap.

De mon côté, j’ai également un beau projet en préparation. Je travaille avec un rappeur de ma ville qui s’appelle The End. Il a un talent fou dans l’écriture, un univers assez décalé. Ce n’est pas facile d’accès et c’est exactement le genre de challenge qu’il me fallait relever. J’espère vous le faire découvrir très bientôt.

Martinezz : Pour ma part, je réalise une compilation intitulée Brainstorm. C’est un collectif de producteurs qui gravitent autour de Hits Alive dont « YoroGlyphe » et « D.N. » avec qui on avait déjà bossé,  là-dessus se rajoutent d’autres beatmakers que j’affectionne comme le jeune Krampf. Pas de date de sortie prévue pour le moment, on a déjà enregistré quelques titres dont « Weed Parade » avec The End, Eko du 9.4., Zekwé Ramos & Zii, le chanteur Daaf. Autrement, on pourra retrouver Hits Alive sur le projet Résolution de Take-A-Mic et normalement sur le nouveau projet de Kennedy.

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1 commentaire

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  • BCONELOVE,

    Super article comme d’hab !