A l’écoute

De Yelawolf à Médine

Cinq morceaux, trente-sixième édition et trente-six chandelles. Voilà ce qui sort de nos enceintes.

Yelawolf – « Shake N Bake » (The Ballad of Slick Rick E. Bobby, 2008)

Oh oui, le refrain de ce morceau n’a pas plus de sens que la devise de Ricky Bobby et son pote Cal, « Shake and bake ! », dans le film d’Adam McKay, mais il sonne terriblement bien et c’est tout ce qui compte. Pas le temps de se poser de questions existentielles, on enfile son casque avec des sponsors stupides et on tourne en rond sur un circuit. Avec un accent pas possible, Yelawolf reprend sur ce morceau (et sur cette mixtape) l’histoire du pilote de Nascar joué par Will Ferrell. C’est drôle, jouissif, entraînant, et c’est surtout le signe d’un talent certain pour réussir à nous faire ricaner sur un concept aussi foireux. — David

Médine – « Alger pleure » (Made In, 2012)

Si l’on devait schématiser grossièrement le répertoire de Médine, on pourrait le diviser en trois catégories : l’introspection (« je »), la fiction (« je » ou « il/elle ») et la revendication (« nous »). Peut-être pour la première fois, le barbu du Havre réussit sur « Alger pleure » à mélanger ces trois dimensions avec équilibre. Il y mêle regard subjectif et critique, narration, et surtout mise à nue de ses doutes sur son identité de métis franco-algérien, accompagné par une production au diapason (nappes augustes, guitare électrique troublée, mandole orientale). « Le plus grand combat est contre soi-même », rappelait-il en 2005 ; voilà sa part de lutte intestine. — Raphaël

Bangladesh – « Buy »  (Ponzi Scheme, 2013)

Mais qui est Charles Ponzi ? Un financier véreux, escroc notoire, parti de rien et devenu multimillionnaire grâce à un système pyramidal d’investissement : le Ponzi Scheme qui aurait pu inspirer Bernard Madoff. Ponzi Scheme c’est aussi un instantané de l’univers de Bangladesh : un recueil de ses dernières productions chargées d’absinthe et servies à un casting de fins soiffards (2 Chainz, A$AP Rocky, Pusha T, Future), un mélange d’interludes sur ces impitoyables chercheuses d’or et une (lettre de) recommandation d’un de ses pères : Ludacris. En d’autres termes, un apéritif offert par la maison, avant le plat de résistance Flowers & Candy, premier album de l’insaisissable faiseur de sons, toujours proche de Cash Money. Un premier long format qu’on imagine truffé de surprises, comme ce « Buy » avec son sample hautement improbable du gros hit « My Sharona ». — Nicobbl

Lupe Fiasco – « ITAL (Roses) » (Food & Liquor II : The Great American Rap Album pt.1, 2012)

Après la douche froide mâtinée d’électricité que fut Lasers, il est rassurant de savoir que Lupe Fiasco est toujours capable de franches réussites. Alors certes, Food & Liquor II : The Great American Rap Album pt. 1 peine à porter son titre, autant qu’à se montrer digne de l’excellent premier disque du natif de Chicago. Mais derrière une bonne demi-douzaine de beats peu inspirés et autres refrains aseptisés destinés à satisfaire les pontes d’Atlantic, il distille l’air de rien quelques-uns des meilleurs morceaux de son auteur. « ITAL (Roses) », par exemple, parvient à renouer brillamment avec la force et l’universalité qui faisaient la magie de titres tels que l’envoûtant « Hurt Me Soul ». Sur une armée de cornes éclatantes, Lupe y évoque la superficialité du rap, la con-sommation et en profite au passage pour clarifier ses déclarations à l’encontre d’Obama. Et surtout prouver qu’il n’a rien perdu de sa superbe. « Aiight nigga we know« . — David²

ZA – « Putain d’Prédateur » (Brutal Muzik, 2008)

Rares sont les MC chez qui l’on décèle à la fois la violence et l’intelligence de la rue. ZA est un funambule pressé, maintenant l’équilibre malgré le poids des maux. Il n’y a qu’à observer sa gestuelle pour comprendre. Tout est en lui. Pas d’habillage ou d’artifice, juste l’instinct de l’homme et du rappeur, du « vrai ». Et une question, une seule : et si le meilleur rappeur français était Belge ? — Diamantaire

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2 commentaires

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  • Nicobbl,

    Bien vu, trois coups de bâtons pour Raphaël !

  • Shyriu,

    Dans le texte sur Médine : il faut écrire « à mélanger ».