Suave House Records en 10 albums
Rétrospective

Suave House Records en 10 albums

Le rap du sud des États-Unis doit son émergence à ses labels indépendants mythiques : Rap-A-Lot, Luke Records, Cash Money ou No Limit. Tony Draper s’est distingué en créant la légende Suave House, une puissante comète propulsée par le duo 8ball & MJG. Focus sur une destinée fulgurante des 90’s.

Tout juste âgé de 16 ans, le jeune Tony Draper, originaire de Houston dans le Texas, regarde avec envie les clips de 2 Live Crew. Luke règne alors en maître sur la musique du sud avec les basses explosives de Miami et les gros fessiers qui vont avec. Il commence à s’intéresser au milieu et découvre les disques de Rap-A-Lot, le gangsta rap de sa localité. Il traine alors avec un artiste qui se fait appeler Big Mike. Il a du talent, un vraie originalité. Il veut lancer son label avec lui. Il le manage pendant quelques temps mais finalement Big Mike signe avec Rap-A-Lot pour rentrer dans les Geto Boys, une proposition qui ne se refuse pas. Mais peu importe. A seize ans, Tony se sent prêt, il pose la première pierre de son immense projet : Suave House est né.

Eightball & MJG – Coming Out Hard 1993

En 1992, Tony Draper découvre Eightball & MJG lors d’un concert à Memphis. Le duo est déjà en place, aiguisé, représentant une région entière. Mais malgré son héritage musical chargé, la capitale du Tennessee est complètement en dehors des radars du rap. Le sud commence tout juste à prendre sa place à Houston via J.Prince et son Rap-A-Lot. Draper flaire le bon filon, kidnappe les deux rappeurs et les enregistre dans l’appartement de sa compagne avec les moyens du bord. Le duo est venu avec des sacs blindés de disques en tout genre, ils vont produire ainsi leur musique eux-mêmes à partir de cette banque foutraque, instinctivement.

L’énergie des débuts, le vécu hardcore des pimps de Memphis, les productions en forme de collages MacGyveriens, l’indépendance totale, la liberté violente et la hargne communicative, tout cela est contenu dans ce premier album de Suave House Records. Le style très saccadé voir monocorde et austère des deux rappeurs, surtout de MJG, deviendra la véritable touche de Memphis, sublimée et déclinée à l’infini par la clique Three 6 Mafia quelques années plus tard. L’engagement exceptionnel de Draper et de Eightball & MJG en fera un succès régional rapide, une référence à ranger entre les premiers disques de Geto Boys et de UGK. La pochette est aussi mémorable vu qu’il s’agit d’une des toutes premières de Pen & Pixel, ces graphistes novateurs qui allait donner toute une nouvelle image au rap sudiste. Tony Draper a été un des premiers à croire en cette nouvelle esthétique bien avant Master P et les frères Williams de Cash Money. Tous les ingrédients étaient présents pour faire de Coming Out Hard un classique. C’est maintenant chose faite.

Eightball & MJG – On the Outside Looking In 1994

Après le succès fulgurant de Coming Out Hard, l’équipe Suave House veut créer sa légende. Tony Draper décroche un contrat de distribution avec Relativity qui viennent de signer Common, Fat Joe et distribue déjà le label Ruthless d’Eazy E. Le tournant du deuxième album est décisif. Fini l’ambiance homemade dans la cave, on voit apparaître Smoke-O Productions derrière la console. Derrière ce nom se cache en fait Eightball et MJG, toujours co-producteurs mais aussi et surtout un nouveau venu qui va prendre de l’ampleur, T-Mix. Ce nouvel associé va forger le « son » Suave House.

A cette période, Death Row est tout puissant, le son G-Funk est partout. C’est avec un savant mélange de sonorités californiennes et d’héritage sudiste que T-Mix va façonner l’identité de Suave House. Les claviers sirènes sont présents, les samples de Georges Clinton aussi, mais accompagnés de rythmiques saccadées et guitares planantes du Tennessee. La voix profonde de Eightball se pose, puissante et résonnante, puis le style plus acrobate de MJG, à la variation impressionnante : la symbiose se fait parfaitement. Sur le généreux « Sesshead Funk Junky », l’apparition de MC Breed, très en vue en cette année-là, ajoute une assise au duo, le rendant incontournable dans le midwest et le sud. Le succès commercial et critique de On the Outside Looking In place Eightball & MJG dans les groupes qui comptent, mais c’est aussi sur cet album que la famille Suave House s’agrandit. Sur « Lay it Down », hit de club au sujet et verbe annonciateurs de la déferlante crunk, on découvre Crime Boss et Thorough du South Circle, les deux nouvelles signature du label. Le premier posse cut 100% Suave House. L’histoire est en marche.

Crime Boss – All in the Game 1995

Tony Draper a été l’un des premiers à gérer un marketing global des sorties de son label. Le résultat est familial, très relié et commercial, bien avant les tsunamis No Limit et Cash Money. Ainsi l’année 1995 sera riche en sortie pour Suave House, avec en février le premier album de Crime Boss.

Dès la pochette toujours signé Pen & Pixel, le ton est donné : « featuring Eightball & MJG and South Circle ». Les liens se forment, Draper développe son équipe. Crime Boss est originaire du quartier Sunnyside de Houston et se trouve être le meilleur pote du cousin de Tony Draper. L’entourage. Sa seule apparition est très bien placée sur le précédent album d’Eightball & MJG, le hit « Lay it Down » fait brûler les dancefloors de la région. Avec All in The Game, le son Suave House s’étend tranquillement sur un registre plus hardcore et violent. Alors que Eightball et MJG défendaient une esthétique de « pimp » très ancrée à Memphis, le rappeur texan se place sur un registre beaucoup plus criminel, froid et implacable, plus proche des sorties de Rap-A-Lot.

Musicalement, T-Mix toujours aux manettes affine son style avec des titres comme « Story Goes » ou « The Chick » donnant toujours une grande cohérence à l’ensemble. Le résultat est toujours aussi atypique, entre gangsta rap générique et touche mélodique unique. Cet album a longtemps été réputé comme un des plus durs et violents du rap de l’époque. Sans grosse promotion, cet album d’un quasi inconnu est un succès commercial une fois de plus. Tony Draper éprouve sa formule, Suave House entre dans son âge d’or.

Crime Boss sortira un deuxième album chez Suave House en 1997, Conflicts & Confusion, produit par T-Mix mais aussi E-A-Ski & CMT. Toujours des apparitions de la famille Suave House et la musique qui va avec. Ce sera son plus gros succès. Pourtant, Crime Boss décide de quitter le navire peu après et disparaîtra peu à peu dans les limbes du rap sudiste.

South Circle – Another Day Another Balla 1995

Autre branche de la famille Suave House, South Circle est un duo composé de Mr. Mike et Thorough, originaire de Houston. Apparu via Thorough sur le fameux « Lay it down », le groupe sort son premier album en juillet 1995. Les deux rappeurs se complètent bien. Mr. Mike se démarque sur un registre acerbe très lyrical entre Ice Cube, Scarface et Eightball. Thorough, avec sa voix basse, se veut plus musical et varié. Il apportera d’ailleurs beaucoup de piquant sur la majorité des disques Suave House. South Circle devient une alternative à Eightball & MJG. Le propos est lui aussi tourné vers la vie de la rue, la criminalité, les passages en prison et le business de la drogue, mais le tout est traité d’une façon plus frontale.

Plus les projets se dessinent, plus le son du label se rapproche de celui de la Bay Area, des sonorités « mobb » d’Oakland avec moins de samples, plus d’instrumentation live, rendant le tout plus envoûtant et texturé. Cet album contient aussi son lot de morceaux familiaux dont le parfait « Unsolved Mysteries » où l’on découvre la nouvelle recrue du label, Tela, une révélation. Il s’agit aussi de l’époque de la vulgarisation des clips. Eightball & MJG avaient ouvert cette voie l’année précédente mais c’est surtout avec « New Day » et « Attitudes » que Suave House développe cet aspect visuel incontournable. Une nouvelle exposition qui va encore agrandir le cercle des fans de Suave House. L’âge d’or continue.

Peu après la sortie de l’album, le groupe se sépare. Mr. Mike sortira ensuite un album solo, Wicked Ways, toujours chez Suave House, à l’été 1996. Bien que l’album soit un succès, il décide de quitter le label pour aller chez Priority. Mauvaise idée. Son deuxième album Rhapsody ne fonctionne pas, Priority le largue. Depuis, pas de nouvelles…

Eightball & MJG – On Top of The World 1995

Dernière livraison de 1995 en novembre et pas des moindres, un nouvel album de Eightball & MJG. Leur renommée ne cesse de grandir et s’étend au delà des limites du sud. Alors que On the Outside Looking In introduisait l’univers musical du groupe et du label, On Top Of The World est celui qui va le finaliser, comme une réponse pour le rendre complet. Fortifié par les albums de South Circle et Crime Boss, Suave House devient une généalogie reconnue, une filiation de confiance. La communication est axée sur cette ambiance familiale et ce nouvel album devient la quintessence de l’esprit Suave House. La pochette met en place ce qui sera la référence des visuels sudistes : un montage tape à l’œil à l’angle approximatif, une belle bagnole, un reflet dans une boule de billard (la fameuse « eightball »), et Tony Draper qui domine le tapis et s’apprête à jouer, queue à la main. C’est la première et la seule fois que le boss de Suave House se mettra en scène sur la communication de ses disques.

Au niveau du contenu, les deux pointures de Memphis s’assagissent quelque peu, ils cherchent une nouvelle direction, entrevoient une porte de sortie à leur vie de la rue à travers la musique. Les sujets sont moins violents, plus généraux, basés sur leur vision urbaine mais avec un recul différent, une maturité grandissante. Musicalement aussi, le répertoire du duo s’adoucit, les mélodies se font plus funky, laidback, avec des basses de plus en plus rondes. T-Mix trouve réellement son style, y apportant parfois un style presque blues. Tout l’héritage de la vallée du Mississippi se précise, mélangé aux textures texanes et influences régionales de l’époque. La Bay se fait justement plus présente sur ce « Friend or Foe » en collaboration entre autres avec E-40 et Mac Mall. Cette connexion restera très forte entre le sud et la Bay avec entres autres les compilations de Sick Wid it (« Southwest Riders ») et No Limit (« I’m Bout It »). Et il y a bien sûr ce hit qui va placer Eightball & MJG sur toutes les lèvres : « Space Age Pimpin ». Une envolée onirique qui emboîte le pas aux délires fantasmagoriques de l’émergente Dungeon Family, Outkast et Goodie Mob en tête. Ce « pimpage » de l’espace est sûrement le morceau le plus emblématique du Suave House de la fin 1995. Délectable, sensuel, créatif mais toujours vrai et proche de son public. Une valeur sûre qui traverse le temps.

Tela – Piece of Mind 1996

Après Eightball & MJG, Tela est sûrement l’artiste le plus représentatif de Suave House, même s’il ne réalisera qu’un album et quelques apparitions avec cette équipe. Mais si l’impact a été si fort, c’est que ce Piece of Mind est plus qu’à la hauteur. 1996, le label est à son paroxysme, Eightball & MJG sont des stars, plusieurs fois disques d’or, toutes les sorties Suave House sont des réussites, et Draper sort Tela de son chapeau. Cet autre MC du Tennesse se fait tout de suite remarquer par son débit extrêmement fluide, son style de player et toute cette ambiance pimp si propre à Memphis. Il se place comme hybride de Eightball & MJG, en reprenant l’assise et le bagout du premier en le mélangeant à la technique et versatilité du second. A l’aise sur tous les rythmes et dans toutes les ambiances, il devient une des têtes les plus charismatiques du label.

Mais c’est surtout musicalement que Piece of Mind est une totale réussite. En effet, les productions de T-Mix, cette fois-ci accompagnées de Jazze Pha, Slice Tee et Tela lui-même, se font encore plus organiques, quasi-jouées en live ou avec des samples très bien intégrés. Les batteries claquent, les pianos sautillent, les guitares s’envolent. Le résultat est impressionnant de cohérence et de maîtrise, de la composition au mixage, un pur régal. Plusieurs moments forts, comme bien sûr « Sho Nuf » avec Eightball & MJG qui propulsera Tela dans les charts, mais aussi l’envoûtant « U Can’t Tell » , « Success » et ses cuivres vengeurs, ou « Suave House », le posse cut parfait, hymne à la gloire d’une des familles les plus complètes du rap des années 90. Au final, Piece of Mind est une pièce maîtresse de la saga Suave House, un parfait classique du sud totalement intégré à son époque, où Organized Noize et la Dungeon Family font des miracles. Tony Draper et son équipe leur emboîtent le pas pour notre plus grand plaisir.

Piece of Mind sera disque d’or. Pourtant suite à des différents à propos des royalties, Tela quittera Draper pour son concurrent premier : J.Prince. Il sortira trois albums chez Rap-A-Lot entre 1997 et 2002 mais ne retrouvera jamais vraiment l’aura ni la qualité de ce premier album, même si les ventes sont meilleures. Après Double Dose, il se fait plus discret pour finalement disparaître dans un silence assourdissant.

Suave House – The Album of the Year 1997

L’année 1997 est aussi très prospère pour Tony Draper et ses sbires, peut-être même la plus complète. Alors que Mr. Mike, Tela et Crime Boss font fructifier leurs nouveaux albums, l’idée d’un album regroupant tous les artistes du label voit le jour. La force de Suave House réside dans cet esprit familial, de productions communes. Il n’y a quasiment aucun autre featuring sur leurs albums que ceux de l’équipe. Tous sont mis en avant sur chaque projet et une nouvelle recrue est toujours présentée sur les sorties importantes du label avant de faire son propre chemin. Cet Album of the Year ne déroge pas à la règle vu qu’il s’agit ouvertement de placer quelques inédits des mastondontes (Eightball & MJG, Tela) mais aussi de présenter le futur de Suave House.

Ainsi on découvre surtout deux nouveaux artistes : The Fedz et Nola. Les premiers sont une sorte de super groupe extrait des ghettos de Houston, autrefois appelé The Scientists, proche de Big Mello et Crazy C. Très performants, ils feront finalement un passage éclair réussi chez Suave House. Ensuite, les deux têtes principales du group, OC & Mr. Lo-Key, feront leur chemin sous le nom de Hoodlumz chez Rap-A-Lot, proche de Scarface et Tela. Les trois morceaux qu’ils proposent ici sont parfaitement dans la lignée Suave House, nerveux et enjoués. La seconde recrue est plus atypique vu qu’il s’agit de la première MC féminine de l’entité. Apparue déjà en duo sous le nom Nuckleheadz sur On Top of the World puis sur l’album de Mr. Mike, elle devient le nouvel atout à percussion de Draper. Les deux morceaux qu’elle présente sur cet album sont très persuasifs, rappelant la hargne de Lady of Rage. A noter aussi le fracassant « Rider », et « Just Like Candy » des stars du label, parmi les morceaux les plus réussis de cette époque Suave House. Malgré un tracklist peu fourni (seulement onze titres) et quelques redites (« Getto Madness » était déjà présent sur l’album de South Circle, « Death Notes » sur celui de Crime Boss), The Album of the Year est un incontournable hétéroclite, dernière pierre cohérente d’une camaraderie communicative, d’une grande famille musicale derrière un patriarche visionnaire. Mais le verni commence à craqueler, les défections se multiplient en silence, les critiques internes se font moins sourdes. La dynastie Suave House commence à vaciller doucement.

MJG – No More Glory 1997

Après On Top of the World, les deux acolytes de Memphis décident de réaliser chacun un solo avant de reprendre la carrière du groupe. Le premier à sortir est celui de MJG en novembre 1997. Retrouver ainsi le « Pimp Tight » en toute liberté sur dix-sept titres permet de mesurer vraiment l’amplitude de son talent. Très technique, d’une musicalité hors norme, c’est aussi par son thème et ses sujets que MJG enfonce le clou sur No More Glory. Avec cette pochette controversée embrasant le drapeau des confédérés, MJG donne un bon coup pied dans le sud conservateur et dans le racisme latent, abordant une réalité plus dure et politique que ce qu’il avait pu faire auparavant.

En jouant sur un panel très large de sujets de la vie de tous les jours, MJG continue à prêcher sa vision de pimp mais d’une façon plus radicale. Son binôme Eightball vient lui rendre visite plusieurs fois pour des sommets de l’album. MJG croise aussi le fer par deux fois avec Bun B des UGK, groupe au parcours très proche de celui du duo. MJG a d’ailleurs de nombreuses similitudes avec Bun B, très technique, versatile, percutant avec des thèmes simples, directs et proches de la rue. Musicalement, la cohérence de No More Glory est parfaite, avec des textures de plus en plus fortes, très aérées, qui nous embarquent facilement dans un funk poisseux. Les refrains sont très accrocheurs, parfaitement intégrés aux morceaux, le plaisir reste intact du début à la fin. No More Glory est un album complet, injustement sous estimé, qui mérite sa place dans les classiques du rap.

Eightball – Lost 1998

Dans la deuxième moitié des années 90, le milieu du rap entre dans la mode des double albums. Deux feront date : All Eyes On Me et Life After Death. Tous deux ont un impact retentissant, un nouveau format est né, de nombreux artistes vont suivre : le Wu-Tang, Bone Thugs N Harmony, E-40… Pour son premier album solo, Eighball penche lui aussi pour cette solution. Il faut dire que Tony Draper n’a pas lésiné sur les moyens. Lost va devenir le projet de plus grosse envergure jamais réalisé par Suave House. En effet, fini les featurings uniquement intramuros, Eightball est le meilleur ambassadeur possible, et il va répandre la bonne parole dans tous les coins des Etats Unis. On croise ainsi sur ce double album, Redman, Goodie Mob, Bun B, Mystikal, Busta Rhymes, E-40, Psycho Drama, Spice One, Rappin 4 Tay ou encore Master P, et bien sûr MJG. Un panorama impressionnant du rap américain de l’époque qui va chercher le meilleur dans chaque région, dans chaque style. Côté production, même chose, T-Mix n’est plus seul à la barre, de nombreuses légendes comme Ant Banks, NO Joe ou The Legendrary Traxter pointent le bout de leur nez. Et malgré tout ce melting pot, Eightball gouverne sans problème, garde un cap excellent. Parfait raconteur d’histoires ou player inimitable, il s’affirme comme lyriciste hors pair, le parfait parrain d’un rap sudiste en pleine explosion médiatique.

L’empreinte de Suave House est partout, marquée au fer rouge comme un accomplissement. Tony Draper a enfin réalisé son chef d’oeuvre avec son atout majeur, son rappeur le plus fédérateur. Lost est dense, complet, visionnaire et parfaitement produit. II est par contre troublant de voir, comme sur le solo d’MJG, qu’aucun membre originel de Suave House n’est présent. Pas de Crime Boss, pas de Tela, pas de Mr. Mike ou  de Thorough, même pas de Fedz ou Nola. Le vent tourne, les rats quittent le navire, oubliés ou partis, mal payés ou avides devant des propositions plus alléchantes. Lost est le vrai tournant, au titre presque devin, l’album où Suave House change de direction, vise une nouvelle horizon. D’ailleurs ce double album est accompagné dans sa première édition d’un disque bonus rempli de morceaux produits par l’équipe Suave House qui donne des pistes sur la suite. En effet, cette très bonne compilation improvisée voit se croiser A+, Canibus, Psycho Drama, McGruff (des Children of the Corn), Crucial Conflict et même Too $hort. Le grand écart se précise entre New York, Chicago et Oakland, Draper veut aller plus loin, produire différent, s’exporter avec T-Mix et son équipe et sortir d’une logique trop locale. L’ambition est grande, mais Suave House va-t-il passer le bug de l’an 2000 ? Tony Draper sera-t-il au rendez vous pour sa véritable épreuve du feu ?

Eightball & MJG – In Our Lifetime Volume 1 1999

Maintenant que les deux protagonistes principaux ont réalisé leur solo et que le roaster de Suave House a beaucoup évolué, il est temps pour Eightball et MJG de reformer leur duo. Mais cette réunion se fait dans un contexte particulier. En effet, Tony Draper et le groupe veulent passer à la vitesse supérieure, avoir la reconnaissance nationale et enfin prendre la place qu’ils méritent. Draper quitte alors son partenaire de longue date, Relativity, pour signer en distribution chez Universal. Autre cour, autres règles.

Pour consolider cette avancée, le groupe décide d’aller chercher les meilleurs artistes sudistes actuels : la Dungeon Family. En cette fin de siècle, le crew d’Atlanta est l’exemple à suivre avec les succès de Goodie Mob et surtout d’Outkast, retentissants dans tout le pays. Avec Mr. DJ pour appuyer T-Mix, l’univers d’Eightball & MJG s’ouvre à tous ceux qui ont adoré le mélange rugueux et psychédélique d’Andre 3000 et Big Boi, de Cee-Lo et sa bande. Le résultat est parfaitement dans cette lignée, accomplissement des pionniers du genre mis en valeur par leurs héritiers plus ou moins directs. La symbiose entre Eightball et MJG est à son top niveau, les retrouvailles sont parfaites. Sûrement l’album le plus joué et musical du duo. Malheureusement, la formule ne fait pas de miracle auprès du public, l’album se vend comme tous les autres, pas de réelle poussée.

Et là, c’est le drame. Tony Draper perd sa distribution chez Universal. Le voici sans appui, avec un nouveau roaster sans artistes reconnus, sans finances. Le dernier coup de grâce : le groupe qui a créé la légende Suave House avec Draper, Eightball & MJG souhaite quitter le label suite à des divergences monétaires. La navire Suave House part complètement à la dérive, l’honorable Tony Draper se retrouve seul avec ses artistes émergents qui partiront un à un vers d’autres horizons, faute de pouvoir sortir un disque. La dynastie s’éteint, la longue traversée du désert commence. Restera une époque extraordinaire d’excellente musique, un marketing révolutionnaire qui influencera les plus grands, une vision et un empire omnipotent qui règna au delà de la ligne Mason-Dixon pendant la plus grande partie des années 90. Chapeau bas à l’honorable Tony Draper, T-Mix, Eightball & MJG et toute leur équipe.

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13 commentaires

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  • jordane,

    super article merci

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  • […] Draper Le fondateur de Suave House Records fait partie des premières personnes remerciées par Pusha T dans le livret de Hell Hath No Fury : […]

  • lecaptainnemo,

    Depuis qu’ils ne sont plus chez Suave House, ils sont beaucoup moins constants. Il y a souvent de très bons morceaux mais aussi des gros ratés.

    C’est quand même dommage de voir que leur premier album chez Bad Boy est finalement leur plus gros succès commercial…
    Et le passage chez Grand Hustle n’a pas servi à grand chose.

    Mais j’ai bien aimé la toute dernière tape de 8ball, Premro et leur featuring avec Big K.R.I.T aussi. Ils sont toujours au niveau, juste leurs albums sont mitigés.

  • Bob,

    Sinon vous pensez quoi des sorties plus récentes de MJG et de 8ball?

  • Gucci South,

    merci pour ta reponse moi, t est un vrai connaisseur, jpense que mon album prefere de Suave House c le No More Glory de MJG il est juste magique ce skeud quand jlecoute me jsens leger xD

    Si t aura d autres albums South ou d autres labels qui sont proche de la sonoriter de Suave House je suis prenneur si sa te derange pas trop 😉

  • lecaptainnemo,

    Tous les albums Suave House sont de qualité. J’aime beaucoup le solo de Mr. Mike et le deuxième Crime Boss qui tendent plus vers les sonorités west de l’époque avec E-A-Ski & CMT à la prod.

    Il y a aussi ceux qui ne sont jamais sorti comme le Pyscho Drama qui aurait été dingue. Et les albums qu’ils ont pris en distribution comme le fameux « Contradictions » de One Gud Cide, lui aussi excellent. Après c’est pas vraiment une production 100% Suave House, l’album était déjà terminé sans eux mais la marque de fabrique est respectée, que du bel ouvrage.

  • Gucci South,

    j aurai une question pour toi lecaptainnemo, tu pense quoi des autres albums de Suave House comme le deuxieme de Crime Boss ou Contradictions ?

  • le6,

    decouvre ces sons avec grand plaisir je connaissais pas mais maintenant c ban ! =)

  • lecaptainnemo,

    Ahah tu n’es pas le premier à me faire la remarque, le choix n’a pas été facile.

  • Gucci south,

    très bon article mais selon moi t’aurai pu mettre l’album de Mr Mike, meme si il est moins lourd que leur 1er album en groupe 😉