Rap français

Nos 25 morceaux du premier semestre 2015

Si 2014 avait été une triste année pour le rap français, les six premiers mois de 2015 ont été des plus réjouissants. Têtes d’affiches et jeunes pousses, vétérans et figures de l’underground, tous ont eu à coeur de se dépasser et de livrer des projets aboutis. Panorama du semestre avec un focus sur 25 morceaux essentiels.

Swift Guad – « Fleur de Lys »

Pas facile d’être plus royaliste que le roi. Swift Guad est de ceux qui peuvent se le permettre. « Fleur de Lys », freestyle en vue de Vice & Vertu volume 2, salope quelque peu le trône sur lesquels certains éditorialistes pensent être assis une fois sur un plateau TV. Il remet en place les MCs qui prennent le micro pour un sceptre, et préconise à la France un sérieux ravalement de façade. De l’échafaudage à l’échafaud, on ne signe pas d’Édit à Montreuil. — zo.

Kaaris – « Le bruit de mon âme »

Une lettre. C’est fou ce qu’on peut réussir à dire en ajoutant une seule lettre à une phrase. « J’ai longtemps hésité entre écouter le bruit de mon âme, ou écouter le bruit de mon arme. » Voilà. Une lettre, et Kaaris écrit le refrain qui domine son album de la tête et des épaules. Cette lettre, elle laisse espérer que le jour où Kaaris aura fini d’enfourner des cargaisons d’électroménager dans le rectum des gens qui l’écoutent, il réussira à proposer un rap à deux ou trois dimensions. Visiblement, le rappeur de Sevran a d’autres priorités : dans le clip du morceau, il apparaît, main dans le calbute, devant une piscine où trône un jet ski. Soyons patients. — JB

Lucio Bukowski, Anton Serra & Oster Lapwass – « Posca Sec »

Sur « Posca Sec », Lucio Bukowski transforme Darwin en mort-vivant héroïnomane et fossoie l’époque, avec les habits de Pierre Tombal. À moins que la tache en incombe à Anton Serra, ici avare en grimaces verbales mais généreux en ironie dans son éloge funèbre. Un titre qui fait office de complémentarité ultime entre les deux compères de l’Animalerie, et qui est en plus suivie d’un interlude magnifique. Alors, peut-être que pour les deux MCs, « ce siècle ne laissera pas de traces, tel un posca sec. » Mais leur écriture, elle, restera indélébile. Comme un épitaphe. À graver dans le marbre et à ressortir au 31 décembre 2099. À 23h59 précisément. — zo.

Booba ft. Lino – « Temps Mort 2.0 »

Avec son titre en réminiscence de toute une époque, « Temps Mort 2.0 » était attendu au tournant jusque par les plus hermétiques au Booba des années 2010. Et la présence de Lino sur le morceau n’y était sans doute pas étrangère. D’ailleurs Lino, comme à son habitude, est impeccable. Mais la véritable attraction, c’est évidemment Ellie Yaffa. Et il a beau se défendre de kicker à l’ancienne pour impressionner ses détracteurs (« Moi je sais que je sais encore rapper » qu’il s’amuse à répondre), l’entendre bouffer du micro de cette manière a dû mettre pas mal de monde d’accord. La voix nue de tout artifice, Booba enchaîne sans s’arrêter les fulgurances (« J’arrive chez eux, six heures du mat’, avec la tête de leur chef »), avec suffisamment d’énergie pour faire oublier un instrumental qu’on aurait aimé moins simpliste. Peu importe, cela prouve au moins une chose : ni du passé ni du futur, l’ourson est de partout et de tout temps. — David²

Deen Burbigo & JP Manova – « Fonte des glaces »

Kyoto, Rio, et en cette année 2015 : Paris. Autant de rencontres au sommet – donc un tant soit peu hypocrites – pour lutter contre le réchauffement climatique. « Pour oublier qu’on est pas loin d’un gros désastre » dirait Burbigo. Sauf qu’avec Manova, il n’attend pas que le niveau de la mer monte pour élever le sien (déjà habituellement bien élevé). « Fonte des glaces » proclame peut-être « qu’à la première occas’ on se casse », mais il brise surtout la glace. Celle censée servir en cas d’urgence. Et c’est là qu’on verra que les absents n’ont pas toujours tort. Tu peux les appeler MC. — zo.

Joe Lucazz – « Je ne suis pas mieux »

Malgré son titre de bootleg gravé à l’arrache sur un CD-R, No Name est un album savamment articulé. Après « Gastby » en mise en bouche, Joe Lucazz envoie avec « Je ne suis pas mieux » un autoportrait balançant constamment entre l’egotrip et l’introspection. Sur son instrumental rappelant ses racines musicales et son goût pour le rap côte Est flamboyant, Joe y condense son irrévérence pour les institutions, ses réflexes tenaces de grossiste, ses références (Expression Direkt, Lunatic et Le Rat Luciano sont reliés en deux mesures), et dessine en arrière plan un décor digne du dernier livre du Nouveau Testament (« mes démons n’ont pas de couleur, ce paradis est triste », « la bête avait tout, voulait plus, et je ne suis pas mieux »). Entre son penchant (« comme la tour de Pise ») pour l’alcool et son talent pour se dépeindre par touches successives, Joe Lucazzi prend sur ce morceau des airs de Van Gogh, les deux oreilles encore bien accrochées et fonctionnelles. — Raphaël

Le Pakkt – « Pushers »

Les gars du Pakkt, alias les « morts vivants dotés d’une conscience », reviennent avec le bien nommé Cadaverik. Et dans la lente descente aux enfers de ses dix neufs titres, « Pushers » se distingue par son délire hallucinatoire. Vargas y met en mots ces delirium tremens de beatmaker. Nikolas H se replie sur lui même en faisant des cercles concentriques. Quant à Zippo il te protège de ton psy et conclut en t’expliquant qu’il fait « de la soupe pour tes oreilles de pauvres ». Normal pour un groupe qui « n’a pas vraiment les mêmes problèmes que Fauve ». — zo.

La Rumeur – « Inventaire d’hiver »

Les inédits de La Rumeur sont autant un moyen de garder la main en attendant la reprise des albums canoniques, que d’expérimenter de nouvelles approches. C’est, aussi, l’occasion de laisser les individualités s’exprimer. Dans ce troisième volet, Hamé tire encore son épingle du jeu avec ce dépressif « Inventaire d’hiver ». Avec un sens de la formule beau à pleurer (« J’ai baillé comme un ourson, un sac de plâtre au plafond m’est tombé sur le front »), le Franc-Tireur dresse un portrait sociétal implacable, ponctué d’images fortes et d’instants volés à une vie livide et morne. La plume toujours plus rêche, la voix toujours plus accrochante. De quoi susciter une vraie impatience de le voir opérer sur le successeur du sous-estimé Tout brûle déjà. — David²

Médine – « Démineur »

Au fil de ses projets, Médine s’est construit une identité d’une cohérence que peu de rappeurs français peuvent se targuer d’avoir. « Panther Arabian », « Don’t Panik/Laïk », « Protestataire »… Autant de mots et d’images récurrents pour former un univers socio-politique pleinement maîtrisé, et dont il joue au point de semer le trouble, parfois jusque chez ses plus fervents auditeurs. Pour son dernier EP, c’est le terme « Démineur » (que l’on découvrait dans « Trône » sur Table d’écoute 2) qui est mis en avant, avec toute l’ironie dramatique qu’il peut laisser entendre. Dans le morceau éponyme, Médine enfile sa tenue kaki « marquée co-exist » pour régler ses comptes avec l’hexagone avant qu’il n’explose de l’intérieur. Trois couplets virulents pour trois fils, bleu, blanc et rouge à désamorcer. Entre provocations et amalgames (« J’écroule les murs pour faire des ponts »), ressort finalement l’essentiel : le barbu du Havre n’a rien à la bouche que le vivre-ensemble. — David²

Rezinsky – « Une parmi les milles »

Le duo Rezinsky se proclame hérétiques et renverse les saintes écritures du rap avec un boom bap de poète à deux sesterces. C’est du moins ce qu’ils proclament sur leur EP de sept titres sorti cette année. Et qui se confirme sur « Une parmi les milles ». Pepso Stavinsky convoque sur les productions de RezO les Borgia, la luxure, les jolies mômes et les bouteilles de gin avides de confidences. « Une parmi les milles », pas une cuite parmis tant d’autres, mais plutôt quelques précipices mis en lumière sur la corde raide de l’écriture nocturne. Du son pour bonifier ses pires lacunes. — zo.

Jul – « Dans ma cité »

Ce n’est ni son rythme de marathonien (cinq projets en deux ans), ni ses 390.000 albums écoulés qui font de Jul un phénomène à part, mais sa musique. Elle ne ressemble toujours à rien d’autre dans le rap français – malgré une tentative à demi-mot de Booba de s’essayer à son style avec « All Set ». Sur « Dans ma cité », Jul continue de rapper l’ennui sur un rythme hyperactif et une bande sonore qui ressemble à un rejeton en T-shirt E&A de Mode de vie béton style. Celui qui s’est fait connaître en faisant la roue avant sur un scoot volé donne ici plus l’impression d’user sa paire d’Asics dans les rues de sa ville, en ruminant sa méfiance des autres, son isolement relationnel, et sa rage mal dirigée (« je garde tout en moi, j’ai envie d’te fouetter même si j’t’apprécie »). A l’image de « Je tourne en rond », autre titre rempli de spleen, « Dans ma cité » montre surtout la progression de Jul dans l’utilisation de l’Auto-Tune, entre ses vocalises pleines de vertige et son interprétation toute en tristesse retenue. Au fond, Jul porte encore haut la mélancolie autant louée que décriée du rap phocéen. — Raphaël

Youssoupha – « Mourir mille fois »

Il y a d’abord cette ambiance de recueillement posée par la composition de Céhashi, qui rappelle celle de « The Vent » de Big K.R.I.T.. Et il y a évidemment le clin d’œil à la dernière piste d’Opéra Puccino. Mais « Mourir mille fois » est plus qu’un simple hommage au rap (français), exercice récurrent chez Youssoupha. C’est un passage de témoin. En racontant de manière personnelle l’éventail des émotions liées au deuil, Youssoupha reprend l’esprit de titres comme « Regretté », « A Ton Enterrement » ou « Des Fins ». A la fois méditatif, empathique et résilient, Youssoupha apporte à cette lignée de morceaux sur la mort ses propres réflexions et doutes, nourris, on l’imagine, d’abord par la perte de ses parents. « Pourquoi c’est moi qui m’étouffe quand c’est toi qu’on enterre ? », « Je mène une double vie, est-ce que j’aurai une double mort ? » : dans cette veillée fictive autour de tous ses proches disparus, Youss s’interroge sur la Faucheuse comme on allume les cierges pour prier des âmes perdues. Et quand il rappe « à ton enterrement, je ne pleurais pas mon père, je pleurais le grand-père de mon fils », c’est une double peine cruelle et aussi profonde qu’une tombe qu’il parvient à exprimer en quelques mots. — Raphaël

Scarz le Rapologist – « Introcérébrale »

Il y a l’art et la manière. En ce qui concerne la façon d’ouvrir un album, Scarz possède les deux. Avec « Introcérébrale », le Rapologist fait grésiller les encéphalogrammes sur une production aux allures d’un titre de Vangelis retaillé par une marbrerie funéraire. Une première piste pour un septième album, nommé Prémédité, qui fend un monde embrumé à la façon d’un vaisseau fantôme. Ici, pas de faisceau de présomptions sur le monde de la surinformation et du travail, mais plutôt les vérités de Scarz, assénées comme des coups de poing dans l’abdomen de Krang. — zo.

Zekwé Ramos – « Zombies »

Alors que l’an dernier il tenait avec « Premier Métro » une vraie balade bien calibrée (finalement clippée cette année), « Zombies » est un morceau bordélique, hypnotique, long, ou Zekwé Ramos s’interrompt volontairement en plein couplet pour retourner à un refrain construit en trois séquences. A la fois paresseuses et infectieuses (comme un mort-vivant quoi), les six minutes de « Zombies » sont un étalage du talent de Zekwé, genre tripailles sur un trottoir. Déjà dans son rap, avec ses inflexions du flow à la mode dans chaque couplet et son humour plus romeresque que romantique. Ensuite avec sa prod, où l’insistance percussif de sa rythmique donne tout son sens à sa « Frappe musique » – une impression laissée aussi sur l’instrumental du « Initiales BB » de Black Brut. Entre son rap décomplexé et l’empreinte qu’il commence à imposer a sa production, Zekwé Ramos ressemble moins à un marcheur blanc qu’au terrifiant chef qui les mène. Et les fait danser comme des zombies. — Raphaël

Dosseh – « Bando »

Après des années d’indépendance et de travail dans l’ombre, Dosseh a enfin signé en maison de disques. Enfin parce que, selon ses dires, cela semblait nécessaire afin de lui permettre de passer un cap. Depuis qu’il est chez Def Jam France, la rappeur orléanais affiche une productivité remarquable et a promis d’inonder 2015 de contenus, en s’apprêtant notamment à sortir le troisième volume des Summer Crack seulement quatre mois après Perestroïka. Un album avant l’album qui a déçu quelques-uns des fans de la première heure alors que, tout le long des seize pistes, Dosseh confirmait qu’il est l’un des artistes les plus talentueux de sa génération, capable d’embrasser les dernières sonorités du moment avec une aisance déconcertante. C’est le cas sur « Bando », un tire qui ne réinvente pas la roue mais qui s’est imposé comme l’un des singles de rap hexagonal les plus efficaces de ce premier semestre. — Mehdi

Sinik – « D.E.A.D »

Il ne faut pas se mentir : Sinik n’a jamais réinventé le rap français, et ne se réinventera probablement jamais lui-même. Mais son nouvel album, Immortel 2, renoue avec les qualités qui ont mis en lumière l’Assassin. On y retrouve l’introspection autocritique, le rapport à la femme toujours marqué par une certaine « morale » (voire notre interview), des punchlines bien senties poussées par un flow mécanique et bulldozer. Et enfin, probablement le son le plus engagé de 2015 pour le moment, qui diagnostique « Le cancer de la banlieue » (écoutez-le sans les aboiements de chiens, ce sera mieux). Bref, vous l’avez compris, Sinik revient avec ses qualités et ses défauts, mais aussi et surtout avec ce côté increvable. Un peu comme ces projectiles impossibles à faire dévier de leur trajectoire. Ça c’est « D.E.A.D » qui le représente. Semi règlement de compte, semi mise-au-point, le MC des Ulis rappelle que médiatiquement, il a beau désormais évoluer dans un monde parallèle, personne ne l’enterrera. Et plus étonnant encore, il semble y avoir quelque chose d’assez apaisé dans le refrain de cet acronyme. Comme une sérénité à évoluer en marge. Autant dire loin de l’ombre ? — zo.

Atis ft. Infinit – « Jette ça en l’air »

Un jour, il faudra prendre le temps de rencontrer DJ Weedim, véritable stakhanoviste qui enchaîne les projets avec une régularité épatante. On le connaissait DJ, il prouve depuis une poignée d’années qu’il est également un producteur doué, capable de prendre en charge la production complète d’un disque. En 2015 seulement, trois rappeurs ont sorti des EP’s en commun avec lui : Driver avec Go Fast, Infinit avec Plusss et Atis avec #5PanelVol2 dont est extrait ce « Jette ça en l’air ». Un titre qui cumule à peine 15 000 vues au moment où ces lignes sont écrites malgré des allures de banger. Si la prestation pleine d’arrogance d’Infinit vous séduit, on vous recommande vivement son EP, concentré de technique et de bons mots. — Mehdi

Rufyo – « 00h92 »

Il y a à peu près un mois, on recevait un mail pour nous dire que le rappeur Rufyo venait de sortir le EP 00h92. Si le nom de Rufyo nous faisait d’abord penser à l’illustre pote de Robin Williams dans Hook, cette mystérieuse pochette comprenant des inscriptions en braille avait fini d’attiser notre curiosité. Sept titres plus tard et Rufyo s’impose comme l’une des découvertes les plus fascinantes de ces derniers mois. C’est sûrement lui qui définit le mieux sa musique en la qualifiant d' »égo-triste », ses couplets étant sans cesse partagées entre des rêves de triomphe et une langueur touchante. La réussite de 00H92 tient également à Frensh Kyd, producteur surdoué dont les instrumentaux font corps avec les textes de Rufyo, quitte à les sublimer parfois comme lors de ce final aux airs de samba. On reparle très bientôt de Rufyo sur l’Abcdr. — Mehdi

Lino – « Au jardin des ombres »

Un jour, il faudra disserter sur les rendez-vous (en partie) manqués de Lino avec ses albums solos. Comme Paradis Assassiné il y a dix ans, Requiem pèche par sa direction artistique, avec plusieurs refrains et productions pas toujours inspirés. Mais comme Paradis Assassiné encore, Requiem est aussi porté par un Lino au-dessus du soleil, et il n’est pas difficile d’y trouver de vraies pépites. Parce que son sujet est particulièrement sensible et personnel, « Au jardin des ombres » n’est pas la plus évidente d’entre elles. Sur un instrumental piano/violon dépouillé de tout artifice, Lino pose au sol son fusil à punchline et se met à nu le temps d’un pudique hommage à son paternel. Le résultat est saisissant de sobriété, et l’on en vient à regretter que cette belle simplicité ne soit pas plus souvent de mise dans les envolées solitaires de Monsieur Bors. — David²

Nessbeal – « Jeune Vétéran »

« J’ai vendu mon cauchemar, je t’ai pas vendu de rêves ». Extraite de « Jeune vétéran », le morceau qui annonce le retour de Nessbeal dans le paysage rap français, cette phrase donne un bout d’explication quant à l’absence de succès dont a souffert le membre des Dicidens dans la deuxième moitié des années 2000. Unanimement reconnu comme l’une des plumes les plus aiguisées de sa génération, auteur de trois premiers albums de très haute facture, le rappeur, trop mélancolique et probablement pas assez bankable, avait fini par se décourager et se faire (beaucoup trop) rare depuis 2011 et la sortie de Sélection Naturelle. Avec ce nouveau titre, Nessbeal prouve qu’il n’a rien perdu de son sens de la formule et qu’il est particulièrement en verve, comme en atteste également le couplet posé sur le morceau « Red Zone » issu de la mixtape de Lacrim. Les sorties de retraite sont souvent risquées mais celle de Ne2s semble plus judicieuse que jamais. — Mehdi

L.O.A.S – « Parce que »

Après ses sorties prometteuses aux côtés de Hyacinthe sur Ne Pleurez Pas Mademoiselle, L.O.A.S a livré son tout premier projet solo en 2015. Le temps de dix morceaux, NDMA confirme non seulement le potentiel du rappeur parisien mais prouve qu’il a encore progressé. Partagé entre un rap dur et criard (« Déjà Mort », « Bagdad Wagner ») et des pistes sur lesquelles il s’essaye au chant avec brio (« Quand Tu M’Tueras », « Parce Que »), il prend le temps de dessiner un univers atypique dans lequel règnent la drogue, la haine, l’amour et ce foutu rap qui continue de l’obséder. Mélancolique et dérangé, « Parce Que » est probablement l’une des plus jolies réussites du disque, nous donnant envie de l’entendre davantage sur ce terrain. — Mehdi

Ali – « Lotus »

Ali n’est malheureusement pas un rappeur à la mode, mais c’est un homme de savoir-faire. La voix est droite, le propos clair, le son élégant : « Lotus » résume bien la force sereine qui traverse Que la paix soit sur vous, son troisième album en dix ans. Pendant qu’un torrent boueux submerge les esprits, Ali parle de paix, de spiritualité et de dialogue. Un peu de dignité au milieu du nihilisme ambiant : voilà qui ne peut pas faire de mal. — JB

PNL – « Le monde ou rien »

PNL. QLF. Derrière ces lettres, il y a Ademo et N.O.S, deux rappeurs issus du 91 qui ont impressionné la plupart des auditeurs ayant déjà écouté Que la famille. Porté par l’hypnotique « Je vis, Je visser », le projet a immédiatement installé le groupe comme l’une des entités les plus prometteuses du paysage rapologique français. Leur album, Le monde Chico, est annoncé pour la rentrée et « Le monde ou rien » en est le nouvel extrait après « Plus Tony que Sosa ». Et Tony Montana a beau être la référence la plus téléphonée du rap français, elle n’a jamais semblé autant à sa place que dans les bouches d’Ademo et N.O.S. Aérien en même temps qu’il transpire le bitume, ensoleillé et morose à la fois, leur dernier clip a été tourné dans la Scampia, la cité de Gomorra. Les plus attentifs remarqueront qu’on retrouve les mêmes visages de visuels en visuels comme pour rappeler qu’ils avancent exclusivement en famille. Autant d’éléments qui, eux aussi, sonnent comme des évidences. Vivement la rentrée. — Mehdi

Nekfeu – « Égérie »

« Égérie » est fascinant à plus d’un titre. D’abord, car il est une sorte de prise de contrôle – façon détournement – de l’ascenseur social, réputé pour ne pas être très fiable. Ensuite car si l’on met en perspective le Nekfeu qui apparaît dans le premier clip de Feu à celui qui rappait dans une laverie ou avec A2h, on a affaire à une véritable transformation. Chaque couplet d’Égérie commence d’ailleurs par « je suis devenu. » Entre rêves atteints et attitude revancharde, celui qui est depuis un moment l’un des (le ?) rappeurs le plus technique de France, laisse transparaître un étrange mélange d’onirisme, de détermination et d’usure sublimée. — zo.

Mac Tyer – « Outro »

« Nique la punchline, c’est du rap de vécu. » « J’ai passé le 31 décembre seul avec mon inspi, j’ai pas d’amis. » Ces deux phrases résument à elles seules la dernière piste de Je suis une légende, septième album de la moitié de Tandem. « Outro » est un titre douloureux dans lequel Mac Tyer rappe à coeur ouvert, avouant sa mélancolie (« Je suis toujours triste« ), crachant à la face du monde son amertume, ses regrets et son dégoût pour un milieu rap qui l’a toujours fatigué (sa phase sur les rappeurs qui reprennent le flow de Quavo est sans équivoque). Un morceau fort qui vient ponctuer d’une jolie manière ce qui s’apparente au disque le plus réussi d’un véritable passionné. — Mehdi

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6 commentaires

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  • D"URB4AINE,

    Préparez vos trousses à maquillage pour la rentrée mes petites biatches.
    On est pas en règle, on n’est pas des rapporteurs, mais on va continuer à toutes vous calculer sur la tête de la Reum à Pythagore. On va vous bouffer le sinus et le cosinus en mode hypoténuse.

    http://youtu.be/kRcLSO3im4w

  • zo.,

    Tout à fait. J’ai volontairement déformé la citation puisque je parlais « d’époque », mais j’ai oublié de décaler les guillemets pour ne pas fausser la citation ! Mea Culpa.

  • Scorpy,

    J’avoue qu’il y a pas mal de lourd dans ce top!
    Par contre c’est « CE MONDE ne laissera pas de trace, comme un posca sec ».

  • Kalko,

    Pas de TSR Crew ? Ben alors les copains..

  • TontonWalker,

    Pour info le Gouffre et le TSR crew ont sorti un album en 2015 !

  • tor Mougnette,

    Déçu de l’absence de VALD qui a sortit 3 morceaux, qui, même si ils ne plairont pas à tous le monde, ne peuvent laisser de marbre, et marquent par leur originalité, notamment dans le renouvellement de la trap. Alors si j’accepte la présence de PNL dans cette liste, je refuse l’absence de VALD qui envoie une grande claque (ou plutôt une biffle, vu son univers) dans la gueule (cul?…) du rap français.