Diamond in the Rough

Jo A

Jeune producteur franco-camerounais, Jo A commence à se faire un nom outre Atlantique après avoir produit un titre du dernier album de Wiz Khalifa. Présentations.

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L’année 2012 aura été fructueuse pour l’exportation des producteurs français aux États-Unis. Au hasard : Soufien3000 a participé à l’album d’A$AP Rocky, le « Platinum Producer » SLAM a collaboré avec Jim Jones, et le duo SoFLY & Nius a fait sabrer le champagne à ses éditeurs en se plaçant sur l’album d’un jeune Canadien appelé Justin Bieber. En fin d’année, c’est le Franco-Camerounais Jo A qui a marqué les esprits avec « Let It Go », quasi-single du deuxième album de Wiz Khalifa. Après un rendez-vous manqué à Paris fin décembre, le jeune producteur a répondu à nos questions par mail, quelque part entre Yaoundé et Los Angeles, où il habite depuis deux ans.


Abcdr du Son : Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de la musique ?

Jo A : La musique a toujours été une deuxième langue maternelle pour moi, un moyen d’expression et de partage. Quand j’avais sept ans, ma mère m’a offert un petit piano à touches colorées et lumineuses. Je me suis rapidement rendu compte que je pouvais rejouer toutes les mélodies que j’entendais à la télé et à la radio. C’est devenu une « drogue ». Ensuite, à l’âge de dix ans, je me suis mis à jouer sur un vrai piano et esquisser mes premières compositions. Le déclic est vraiment arrivé lorsque j’ai découvert la MAO [Musique Assistée par Ordinateur, NDLR]. Un ami m’a installé Fruity Loops et ça a été la révélation. Je restais nuit et jour devant mon ordinateur pour être meilleur et matérialiser parfaitement ce que j’avais dans la tête. J’étudiais Quincy Jones, Mozart, The Neptunes, Beethoven, Timbaland, Scott Storch ou Femi Kuti. J’ai réalisé mes premières prods pour le groupe du collège, dont Mr Ice [l’autre moitié de son groupe, The Ets, NDLR] faisait partie. En arrivant en France à 18 ans, j’ai posté mes premières prods sur Myspace et des vidéos de beatmaking via YouTube ou Worldstarhiphop. L’engouement  du public et des professionnels m’a encouragé dans ma voie.

A : As-tu une méthode de travail particulière ?

J : Je travaille en général à l’instinct, mais je sais aussi planifier et construire un projet à partir de zéro ou d’une ligne directrice. Je n’ai pas de méthode particulière pour composer mais j’ai une philosophie. Je pense comme MacGyver : il y a une idée à réaliser avec une problématique. Je regarde les outils et les paramètres à ma disposition et je m’adapte pour matérialiser mon idée le mieux possible avec ce que j’ai. J’essaie de maîtriser le maximum d’outils – composition pure, samples, jeu instrumental, synthèse sonore, mixage et mastering, séquenceurs – pour ne jamais être limité par mon environnement. Je mise sur la polyvalence et j’affectionne toutes les configurations. L’important est d’obtenir un rendu final équilibré et fidèle à l’idée que tu voulais réaliser. J’ai juste quelques habitudes : travailler dans l’obscurité et la nuit, téléphone éteint pour me couper du monde, travailler dans le silence et seul. Rien de bien méchant.

A : Tu joues de plusieurs instruments. Es-tu entièrement autodidacte ?

J : Oui, je joue du piano-synthétiseur, de la guitare, de la basse, de l’ukulélé, de la batterie (je suis nul), de la flûte. Je dis depuis trois ans que je veux essayer le violon, il va falloir que je m’y mette. Je suis entièrement autodidacte. J’ai appris au fil des années qu’il vaut mieux faire les choses soi-même pour ne pas dépendre de la disponibilité d’autrui et ne pas bloquer son flux créatif. Tu gagnes en liberté et ça t’ouvre de nouvelles perspectives artistiques. J’ai toujours été impressionné par les musiciens qui pouvaient jouer de plusieurs instruments, notamment Prince qui peut créer seul et modéliser son propre univers. Je duplique ce raisonnement aux autres domaines que j’affectionne : la vidéo, l’editing, la peinture, la photo…

A : The Et’s, le duo que tu formes avec Mr Ice, a sorti un premier album il y a deux ans. Quel regard portes-tu sur ce disque et cette expérience aujourd’hui ?

J : L’album de The Et’s a été une formidable expérience artistique et humaine. Mr Ice est un frère pour moi. On a commencé à faire de la musique ensemble au Cameroun, quand on avait 14, 15 ans et on continue. The Et’s est un projet familial. La découverte était d’ailleurs la thématique de l’album. On essayait d’avoir un regard « neutre » sur des faits de sociétés, des situations ou des émotions, à la manière de deux extraterrestres qui découvrent la planète Terre. J’ai énormément appris sur moi-même et sur la nature humaine. Ça a été une des meilleures formations artistiques que j’ai reçues. Nous avons d’ailleurs sorti l’EP de Mr Ice, TOYBOY, que j’ai entièrement produit. Nous travaillons actuellement sur plusieurs autres projets.

A : L’album s’appelait Nous venons en Paix, en référence notamment à votre statut de Camerounais à Paris. Maintenant que tu es émigré aux États-Unis, te sens-tu aussi comme un extraterrestre là-bas ?

J : L’album était davantage en référence à notre statut de nouveaux venus dans la planète Musique en France, avec de nouvelles idées et une vision particulière de la société qu’on pouvait retrouver dans notre approche, autant la musique que l’image. Le titre voulait rassurer en portant le message « N’ayez pas peur de l’inconnu« . Je ne me sens pas comme un extraterrestre aux États-Unis. J’ai l’impression d’être rentré à la maison et je m’y sens vraiment bien.

A : Tu as produit et écrit le refrain de « Let it go ». Comment s’est passé la collaboration avec Akon et Wiz Khalifa ?

J : Je travaillais dans un studio à Los Angeles, je composais et écrivais plusieurs chansons, dont « Let It Go ». J’avais eu l’idée et le concept de la chanson après un débat musclé avec mon manager et ami Malik Koyate qui ne comprenait pas mon point de vue sur un sujet. J’ai écrit et enregistré le refrain pour lui lancer une pique [rires]. Wiz était dans un studio juste à côté et il a adoré le morceau. Le lendemain, il nous a invités en studio. Super rencontre, Wiz est vraiment quelqu’un d’humble et positif. Il a enregistré un premier couplet et m’a dit juste après qu’il voulait garder la chanson pour son album O.N.I.F.C.. Il a ensuite envoyé le morceau à Akon qui a réenregistré mon refrain et le gimmick vocal des couplets que j’avais fait sur ma démo. On entend toujours les ad-libs que j’avais enregistrés sur la version finale. [NDLR : voir la même histoire, racontée par Wiz Khalifa]

A : Quelles différences vois-tu entre le monde de la musique en France et aux États-Unis ?

J : Les différences sont nombreuses. Pour résumer, il y a plus d’opportunités de travail aux États-Unis, plus de chances de vivre de la musique car il y a plus d’artistes à succès avec leur propre public. Les artistes sont plus accessibles, plus ouverts et plus humbles. Le public est plus « large » tant démographiquement qu’au niveau des goûts musicaux. Ça crée davantage de concurrence et de compétition entre les compositeurs et auteurs, donc il faut travailler plus, quantitativement et qualitativement. Il faut être prêt à payer le prix de ses rêves avec beaucoup de travail.

A : Sur ta page Facebook, on te voit en studio avec des musiciens comme Scott Storch ou Ryan Leslie. Qu’as-tu appris ou observé de particulier à leur contact ?

J : J’ai beaucoup appris sur la simplicité et l’humilité, tant humaine qu’artistique. Dans les détails, j’ai appris chez Ryan Leslie la maîtrise de l’image et la force du marketing. Chez Scott Storch et Chad Hugo, la simplicité et la singularité artistique. Chez Jerry Wonda, la passion et l’énergie dans le travail. Il déborde d’énergie ! DJ Toomp m’a donné des conseils sur l’industrie du disque et on échange en permanence des conseils sur l’utilisation du logiciel Reason. Tous m’ont donné des secrets de productions que je continue d’utiliser et je leur en suis vraiment reconnaissant.

A : Quel est le disque qui t’a le plus marqué au cours des trois dernières années ?

J : Sans hésiter l’album d’Adele, 21.

A : Tu viens de placer une première production marquante sur un disque très médiatisé. Quels sont tes projets pour les mois à venir ?

J : En France, je travaille avec Mr Ice sur un version 2.0 de son EP TOYBOY pour le mois de mars. Vous pourrez aussi écouter une de mes productions sur le prochain EP de Joke, Tokyo, en mars-avril. D’un point de vue personnel, je travaille sur un EP instrumental pour mi-2013 et un EP « artiste » pour fin 2013. Pour les États-Unis, je ne veux pas trop m’avancer. Je préfère vous réserver des surprises pour le reste de l’année.

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2 commentaires

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  • kasper,

    bah bravo morray! t’as fait ton trou aux states. nan sérieux c’est beau.

    peace.

  • Man,

    HWPO