Nos 25 morceaux du second semestre 2017
Rap français

Nos 25 morceaux du second semestre 2017

Têtes d’affiches et indépendants, anciens et jeunes, le rap de l’hexagone fractalisé en 25 titres pour illustrer le second semestre d’une année d’une diversité exemplaire.

Freez – « La Der des der » feat. Hifi & JP Manova

Sur un EP où il se bat avec la pendule, Freez marque un temps mort à l’occasion d’un trio avec Hifi et JP Manova sur « La Der des der ». Sur un beat de Chilea’s qualifié à juste titre de « tribal » par le Hif’, les trois rappeurs offrent des visions complémentaires sur le climat social actuel. Hifi superpose la froideur urbaine à l’époque de l’esclavage avec sa nonchalance autoritaire, JP distille ses observations sociétales caustiques à mesure que son flow devient plus véloce, et Freez use de ses acrobaties verbales pour décrire un quotidien qui ressemble à une guerre de tranchées. Des performances singulières et distinctes, qui semblent pourtant partir d’un même facteur, ainsi décrit par Freez : « la vie est injuste, et les germes du chaos ont musclé mes vers et ajusté mes termes ». – Raphaël

Hooss – « La Provence »

Voilà près de trois ans que le « son Katrina Squad » s’est fait une place de choix dans la production rap française et dans l’univers de certains artistes, dont Hooss. Pour lui, comme pour SCH d’ailleurs, la collaboration avec Guilty et son équipe est un facteur essentiel à la production d’une musique de qualité, et les expériences avec d’autres beatmakers ne sont pas toujours fructueuses. Alors c’est un plaisir d’entendre le tag du Katrina Squad sur l’instru de « La Provence ». Pour le moment, ce titre est -de loin- le meilleur extrait du prochain album de Hooss, dans un univers qu’il maîtrise à merveille : une French Riviera sale, des HLM en bord de mer, des larcins sur la côte, les pages faits divers dans La Provence. – B2

Guizmo – « Amicalement vôtre »

Face à la rudesse de la vie, Guiz’ va chercher l’amour où il est, que ce soit dans le cul d’un joint ou dans la chaleur d’un vagin. L’objectif n’est ni la fuite ni la plainte, mais bel et bien le partage. Guizmo a compris que pour donner de l’amour il faut savoir en recevoir. Sur le dernier titre de son album – comme sur la plupart des pistes de ce dernier – l’ancien rappeur de L’Entourage se livre à nu. Un témoignage de confiance, une place privilégiée donnée à son public, voilà le Guizmo version « Amicalement vôtre » : introspectif sans jamais être exhibitionniste. Pudique en somme, notamment sur cette production de Lord Mac qui ajoute au spleen ambiant et permet à Guiz’ de dérouler sa pensée et de répandre de l’amour. Au fond, Lamine Diakité c’est cet ami pour lequel on est à la fois inquiet et fier, celui sur qui on peut compter mais qu’on a aussi envie de protéger. – Bachir

Kalash – « Mwaka Story »

L’amour pour toute musique transparaît si fortement de Kalash qu’il convertirait un métalleux à un morceau dancehall. Chaque track de Mwaka Moon est une illustration sublime d’un sous-genre qui côtoie ou compose les musiques hip-hop aujourd’hui. Côté instru trap, c’est finalement la simplicité de « Mwaka Story » la plus envoûtante. Signée X-Plosive (« 92i-Veyron », « LVMH »), fondée sur quelques mélodiques accords de guitare innervés par le beat, elle est à la hauteur du chant qui l’accompagne. Inutile de comprendre le créole pour saisir la nostalgie pleine de violence qui se dégage de ce récit personnel – écrit en quelques heures, paraît-il. Mwaka Moon serait-il aussi réussi si ce n’était pas cette chanson qui l’ouvrait ? – Manue

Hugo – « Exercice »

Cela aurait pu être « Les Vieux de mon âge », « Pauvre roi », « Rei », ou en fait n’importe quelle piste de Tant qu’on est là. Mais non, ce sera « Exercice ». Pourquoi ? Car le titre condense en deux minutes toute la discipline d’Hugo. Martial comme jamais, le rappeur du TSR Crew offre une incroyable succession de ses meilleurs katas. Chaque geste est précis, radical, sans concessions et conscient de l’environnement dans lequel il est exécuté. Tatami de bitume, deux séquences de guitare sèche qui font s’ouvrir les paupières de Forest Whitaker et une détermination en capuche, bienvenue dans le dojo de Paris Nord, celui où Hugo s’exerce. Training day music. – zo.

Kekra – « Proprement Dit »

Encore au charbon en cette fin d’année, Kekra n’aura sans doute pas tutoyé le haut des charts mais impressionné à nouveau par sa musicalité. Entre l’Angleterre, Atlanta, et les Caraïbes, son dernier projet Vréel 3 aura ainsi offert un beau voyage de fin d’année au monde du rap français. Une impression qui se confirme sur « Proprement Dit » et sa production signée Jay Fase : d’abord ultra-mélancolique et synthétique comme une bonne musique de jeu 80’s, le morceau s’envole ensuite aux Caraïbes sur son refrain avec une rythmique dancehall bien placée. Un mélange des genres et un sens de l’univers qui souligne encore une fois le talent (incompris ?) de Kekra au sein du rap français. – Brice

Népal – « Niveau 1 »

La musique de Népal est nocturne, éclairée par la lumière bleue des écrans. Sur « Niveau 1 », le rappeur de la 75e session laisse la sensation d’enregistrer avec des poches sous les yeux, fatigués par le défilement d’animés, de matchs, et de pornos matés en streaming. Les notes perçantes et hypnotisantes de la prod de Vidji sonnent d’ailleurs comme un enchainement de 0 et de 1 verts fluo, façon entrée dans la matrice. De son flow hyperactif, Népal revendique son refus du sommeil (« j’repousse l’heure de dormir, mes rêves pourraient régler mes problèmes trop vite ») et moque ce que le réel lui présente (« neuf du mat’ ligne 10, pour m’endormir, j’compte les Stan Smith »). D’aspect inoffensif derrière sa rafale d’images parfois sarcastiques, Népal développe presque un côté Elliot Alderson de Mr. Robot dans ses deux couplets. – Raphaël

Ichon – « Maintenant »

Ichon, Myth Syzer. Bons gamins. Beaucoup plus bons que gamins à vrai dire, ils sont forts et leur musique est mature. Syzer est un orfèvre, Ichon est un esthète, ensemble ils donnent la sensation que tout est facile. Pourtant, ce n’est pas facile de construire des beats comme celui de « Maintenant », pas plus que ça ne l’est de se libérer artistiquement comme le fait Ichon. Il n’est pas simple non plus d’être aussi sûr que lui dans tout ce qu’il entreprend, ni de rendre « nos mères contentes, maintenant. » Mais Ichon n’en a cure, son credo est simple : « il suffit de le faire » (du nom de son album). Dès lors, plus rien n’est vraiment compliqué. – B2

LK de L’Hôtel Moscou – « Carravagio »

Minute culture : invité à se pencher sur l’œuvre du Caravage et plus particulièrement sur son usage du clair-obscur, l’historien de l’art Ralf van Bühren explique que « la lumière brillante est chez Caravaggio une métaphore qui aide le public à chercher la miséricorde dans sa propre vie ». Minute rap maintenant : les albums de LK de L’Hôtel Moscou commencent toujours dans une noirceur totale, avant de se diriger lentement vers la lumière, racontant des histoires de rédemption. Dans Xanadu, « Caravagio » est un moment faussement grandiloquent. Cathédralesque presque d’un point de vue sonore, il constitue pourtant une confession redoutable de vulnérabilité. Elle est l’un des principaux tournants d’un parcours de vie guidé seize pistes durant vers la lumière. Ce moment de miséricorde, sur une instrumentation ample comme du Vangelis 2.0, flirte avec le biopic. Et après tout, n’est-ce pas ce que faisait déjà le Caravage lui-même il y a quatre-cents ans de cela ? – zo.

Lefa – « Sang Froid »

Le kicker c’est celui qui sait faire corps avec la rythmique, celui qui aime le rap et qui n’intervient que pour bouffer du micro. Lefa, qui a toujours réussi cet exercice de style depuis ses débuts, n’est rien d’autre que cela : un kicker ; et c’est déjà énorme. Sur « Sang froid », son flow se greffe à la batterie, qu’il vient habiller de sa voix qui s’apparente à un sample. Extrait de son deuxième album solo, intitulé Visionnaire, l’ancien rappeur de la Sexion d’Assaut n’est jamais aussi bon que lorsqu’il s’amuse d’un instru. Ici, il fait du pur Mr Fall : du rap sans thème, où l’esprit se laisser emporter, considérant que le seul squelette sur lequel les mots doivent se greffer est la rythmique. Sorti de sa retraite spirituelle, semblable à Sylvester Stallone dans Rocky 3 à la recherche d’un œil du tigre qu’il n’a jamais perdu au fond, tel est Lefa. – Bachir

YL – « 4 tours »

YL a les « flows américains » (« Plata o Plomo »), et de ses classiques marseillais l’écriture soignée, l’allitération millimétrée, les diérèses abusives, le goût pour les images filées. Sorti quelques semaines après le très bon « Sarrazin », « 4 Tours » constitue un vrai pic d’émotions. La rage est contenue, la tristesse déborde à peine, portées par un flow impeccable. Il raconte l’enfermement social, géographique, psychologique de ces quartiers méprisés des politiques de la ville, haut-parleur d’une jeunesse brisée mais à la loyauté intacte et la détermination accrue. Et c’est si beau qu’on lui souhaiterait presque de ne pas en sortir. Ce morceau, c’est la confirmation : la relève du rap marseillais, dans ce qu’il a de splendeur et d’ouverture, a vingt et un ans et habite entre quatre tours d’Air-Bel. – Manue

Siboy – « Mobali » feat. Damso & Benash

L’immense réussite commerciale de « Mobali » dissimule le succès en demie-teinte de Spécial, l’album de Siboy. C’est le seul morceau ensoleillé d’un disque sombre, et c’est aussi la preuve que Damso, Siboy et Benash sont capables de faire quelque chose ensemble. On attribuera sans trop de peine l’impact de « Mobali » au premier, mais le deuxième signe un des refrains les plus entêtants de l’année et un couplet étonnamment mignon. Quant à Benash, sujet à toutes les critiques depuis son arrivée dans le rap, il allie comme il en a l’habitude une violence certaine, une spontanéité parfois maladroite et une part de conscience politique, faisant de son couplet le plus épais du morceau : « Génocides sur génocide, Mama Africa perd tous ses enfants… » B2

Alkpote – « Plus haut » feat. Vald

Que serait une année rap français sans un grand Alkpote ? Déjà omniprésent avec la deuxième saison des Marches de L’Empereur en début d’année, voilà qu’ALK annonce une troisième fournée pour 2018 avec « Plus Haut ». Réalisé en compagnie d’un de ses meilleurs disciples, le morceau est tout simplement l’une des meilleures collaborations de l’année, si ce n’est la meilleure. En effet, on prend un énorme plaisir à entendre Vald et Alkpote s’affronter durant six minutes au travers de couplets dans lesquels la technique, la variation des flows et l’attitude sont tout simplement irréprochables. Duo royal. – Brice

Lucio Bukowski – « Déserts » feat. Arm & Fayçal

L’histoire de la musique est peuplée de trios mythiques. Le jazz, des instrumentations classiques voire baroques, le rock, le grunge évidemment, le punk et bien sûr le rap. Avec « Déserts », extrait de son dernier album en date au moment où ces lignes sont écrites (avec lui, une énième sortie annuelle est toujours possible), Lucio Bukowski donne naissance à un joyau triangulaire. Avec Arm et Fayçal invités sur une production spatiale d’Oster Lapwass, l’Animalier Lyonnais crée un morceau référence de quasi six minutes. Successions d’images nocturnes, immense sensation de vertige, faisant cligner les yeux d’Alain Damasio, du monde moderne et d’un gyrophare bleu saphir, les trois rappeurs dessinent une constellation supplémentaire dans le ciel. De celles qui permettent de se repérer dans les déserts modernes et les océans de vacuité technologique. – zo.

Grems – « Fantomas »

Si Grems et son rap teinté d’électronique auront été plutôt discrets cette année (quelques morceaux livrés ici et là) c’est pour mieux revenir : annoncé depuis un certain temps, le septième album de Mickael Eveno sortira finalement en janvier prochain après de longs mois à charbonner et des dates de sorties repoussées. « Fantomas », son premier extrait, est en tout cas une bonne surprise par son mélange d’ingrédients Grems-certifiés et de nouveautés, avec sa prod’ de musique de film hantée et ses chœurs féminins. 2018 se fera bel et bien avec Grems et c’est une bien belle nouvelle. – Brice

Guy2bezbar – « Strike »

C’est l’un des plaisirs de l’écoute des volets de R.I.P.R.O : l’esprit de partage de l’auto-proclamé « rappeur le plus aimé dans toutes les tess ». Lacrim a pour coutume de laisser plusieurs pistes à ses jeunes, avec parfois de belles réussites. C’était « Millions » de SCH sur R.I.P.R.O 1, et deux ans après, sur R.I.P.R.O 3, le morceau d’un ex-joueur du Red Star, récemment signé chez Plata o Plomo et dédicacé par un autre rappeur aimé de toutes les tess, JuL. Par une présence qui laisse un effet physique, instantané, plus que par une maîtrise technique notable, Guy2bezbar vient briser le rythme de croisière de l’album. Brut, direct, irréfléchi, il vise dans le tas mais vise juste – un strike, en effet. Comme dépassé par une « haine », ou plutôt, une vitalité un peu folle qui dicterait sa voix, rendrait sa « teuté dure comme une barre de fer » et expliquerait l’ambition qui va avec. – Manue

Fitzroy – « Lucifer »

C’est la première piste d’un EP qui en contient quatre. Quatre pistes aux guitares de feu, à la ponctuation qui se jette dans le vide et au flow incroyablement rauque et sentencieux d’un rappeur qui s’était fait terriblement rare depuis presque dix ans. On aimerait dire de « Lucifer », que ce soit l’EP dans son intégralité ou son titre éponyme, qu’il est un brûlot nihiliste, un chef d’œuvre qui raconte l’infini de la dépression autant que l’extension interminable de l’absurde du monde. Mais il est encore plus que ça. Il est l’affranchissement ultime. Même pas une trace de lutte. Juste une longue chute qui réussit à se transformer en envol. Vingt-et-un grammes lestés d’ailes. – zo.

Infinit’ – « Intro »

L’intro du EP NSMLM d’Infinit’ est un savant équilibre. Il y a déjà ce clin d’œil à La Haine tourné en bras d’honneur au premier édile de sa ville. Ensuite, il y a cette prod de Hologram Lo’ et VM the Don, dont la mélodie obscure ressuscite l’esprit de 45 Scientific, couplée à une basse sinusoïdale typique de notre époque. Enfin, il y a le style du Niçois, entre le rap de détaillant de hall d’immeuble et la technique détaillée héritée du grand rap new-yorkais, avec ces enchainements de rimes internes complexes comme des passements de jambes. « On crachait c’feu bien avant les teintures et les dabs », rappelle-t-il d’ailleurs crânement. Pas tout à fait d’hier sans être exactement d’aujourd’hui, les pieds dans le 06 et les oreilles à Harlem, Infinit’ est un cas unique, inclassable sans être inaccessible. – Raphaël

Hatrize – « Novembre 2049 » feat. Arm

À quoi ressembleront les nuits urbaines dans trente-deux ans ? Les rappeurs habitués à errer les soirs de nouvelle lune verront-ils leur musique recomposée par des villes tentaculaires, plus verticales que jamais, où le temps est mis en apesanteur entre deux voitures de police volantes, des leds crépitantes et des ruelles froides enserrées par des parallélépipèdes de verres et leur panoptique dormante ? La réalité du monde sera-t-elle sur le sol ou dans les airs ? Début de réponse avec le Strasbourgeois Hatrize, qui invite Arm pour rapper le onzième mois de l’an 2049. Grave et planant, futuriste autant que prolongement des problématiques d’hier, d’aujourd’hui et donc probablement de demain, entre âpreté et autotune, « Novembre 2049 » voit deux hologrammes se balader d’un coin de rue clignotant à un coin de ciel noir, avec les restes du vieux monde coincés quelque part sous leurs pompes. Apparitions prémonitoires. – zo.

Hamza – « Mucho Love »

Ça y’est, enfin : Hamza a rencontré son public. Consacré par la presse mais aussi par les auditeurs (Cigale complète, Olympia fin 2018) le jeune lutin belge aura finalement réussi à rendre sa musique et son personnage audibles avec sa dernière mixtape 1994. « Mucho Love » en est la preuve : rap et r’n’b à la fois, salace mais toujours romantique, le titre rentre en tête dès la première fois et donne envie d’être réécouté afin de découvrir les nombreux détails qui le composent, des paroles à la production minutieuse de Freaky. Un mini-tube dont on se lasse très difficilement et qui pourrait bien donner des idées à Hamza pour la suite de sa carrière. – Brice

Keros-N – « Black »

Issu de son album Bipolaire, « Black » est l’un des titres les plus forts de Keros-N. Au delà du beat assez minimaliste et d’une mélodie touchante, c’est le propos de l’artiste qui fait de « Black » un morceau réellement puissant. Il porte en lui les stigmates de trois territoires français d’outre-mer : la Guyane, la Martinique, et la Guadeloupe natale de Keros-N. Résonnent en ce son des siècles d’esclavage, de colonisation, d’expropriation, de mépris, de violences sociales, physiques et symboliques… « Black » est tout à la fois une chanson triste, un morceau de rap engagé et une expression artistique enragée. Il ne faut pas passer à côté d’un titre aussi fort, et si le créole employé par Keros-N est une barrière, des sous-titres sont disponibles. – B2

Hash & Colfer – « 16 mots 16 mesures »

Colfer était passé dans nos radars lors de Première pression, son EP avec DJ Crabees. Il y revient sur une production boom bap pêchée à Chicago, avec les indispensables scratches de DJ Bastos et un compère Montpelliérain, Hash. L’exercice de style est absolument quelconque : seize mots à placer dans un versus entre les deux emcees. Mais ce n’est pas la banalité de la consigne qui compte ici, c’est ce timbre de voix et cette nonchalance parfaite dont Colfer fait preuve à chaque fois qu’il saisit un micro. Hash, complémentaire, n’est pas en reste. Alors si le duo se contente d’offrir ici un moment qui ressemble à une petite série de jongles sans autre intérêt que la beauté du geste et la remise en jambes, il y a tout le potentiel pour livrer de grosses frappes. – zo.

LaCraps – « Poignée De Punchline 3.0 »

Voilà un rappeur qui se place comme une interface intergénérationnelle et il a bien raison. Ni nostalgique ni futuriste, ni nouvel arrivant ni old timer, Lacraps est un mec de son époque, de ceux qui s’inscrivent constamment dans le présent. Sur cette « Poignée De Punchline 3.0 » les mots fusent et le MC assoie une fois de plus son style hybride et sa signature vocale. Coté production, le binôme qu’il forme avec Mani Deïz a déjà fait ses preuves et donne foi en l’avenir. 2018 devrait être un bon cru au vu de la productivité du Montpelliérain. – Bachir

OrelSan – « Dans ma ville, on traîne »

Dans La Fête est finie, OrelSan opère des constants allers-retours entre son présent et son passé, sa vie d’adulte sur Paris et sa jeunesse à Caen. Le long couplet de « Dans ma ville, on traîne » est à ce titre un pivot de son troisième album. La rapidité de la rythmique anglaise, placée « derrière la brume » de l’orchestration de Skread, permet à OrelSan de dessiner en un plan séquence un portait juste, tantôt affectueux, tantôt amer, des villes moyennes et de leur périphérie rurbaine. Ennui, non-mixité sociale, multiculturalisme : autant de thèmes suivant le parcours fléché des voies de transports et de la voix d’OrelSan, dont l’aisance dans les variations de flow n’a d’égale que son écriture réduite à l’essentiel. « Elle est même pas foutue de pleuvoir correctement ma ville aux cent clochers… À chaque fois qu’ils détruisent un bâtiment, ils effacent une partie de mon passé ». Simple, basique. – Raphaël

Niro – « Avant de partir »

Sorti le sept juillet 2017, conçu en sept jours, OX7 est le septième album de Niro. Tout a été calculé pour que les chiffres soient alignés et que rien ne soit laissé au hasard. L’alchimie avec Therapy est évidente, tant le beatmaker livre sur l’ensemble du disque une production sur mesure, riche et soignée. « La forme c’est le fond qui remonte à la surface » et Niro l’a bien compris. Extra lucide, sincère, tout y passe dans l’écriture du rappeur : le rap, la rue, sa carrière, ses proches. Ainsi, « Avant de partir » ressemble presque à un au revoir, titre que Niro présente d’ailleurs comme (peut-être ?) son dernier. « Toutes ces années pour être rabaissé à une semaine de ventes » assène entre dépit et réalisme l’auteur d’OX7, qui est sans nul doute une des meilleures sorties de cette année. – Bachir

Booba – « Drapeau Noir »

Trône n’aura pas brillé par ses prises de risques mais n’en reste pas moins constitué de quelques très bons morceaux. À quarante-et-un ans, Booba reste en effet un homme dans le coup tout en affichant sa singularité dans le rap français, et le montre extrêmement bien sur « Drapeau Noir » : voix brute, arrogance de nouveau riche, piques à la concurrence et références à l’Afrique et à l’esclavage, l’écriture de Booba continue de surprendre sur ce titre que le duo Twinsmatic magnifie par des notes mélancoliques et battantes qui siéent bien à son interprète. – Brice

 

Vous pouvez également retrouver l’intégralité de cette sélection sous forme de playlist sur Spotify et Deezer.

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