Nos 25 morceaux du premier semestre 2017
rap anglophone

Nos 25 morceaux du premier semestre 2017

MikeWillMadeIt et 2Chainz sur les rives du Styx, Gucci Mane en quête de rédemption, Shawn Carter qui s’est trouvé un consigliere ou encore la résurrection de Jonwayne, retour en vingt-cinq titres sur un semestre de rap américain, anglais et canadien.

Don Q – « Chosen One »

Il y a encore dix ans de cela, une sortie comme Corner Stories de Don Q serait passée inaperçue dans le flot des mixtapes new-yorkaise. La donne a changé, la grosse pomme n’est plus ce qu’elle fut, et quand un rappeur du Bronx parvient à faire parler de lui au-delà de la ville, la chose a des allures d’exploit. En 2017, il y a donc A Boogie qui s’affiche parmi les freshmen en une de XXL, et plus au fond, dans l’ombre, son compère Don Q reste discret. Sur sa deuxième mixtape, il raconte son passé de drug dealer sans exotisme, sans fioriture. Pur produit de NYC, Don Q a grandi en écoutant Big, se rêve en Jay-Z et assume pleinement sa filiation à Styles-P et Jadakiss, tous deux invités sur Corner Stories, dont est issu « Chosen One ». Pleinement représentatif du style du rappeur, le titre laisse espérer –une fois de plus- que New York en a encore sous la pédale. – B2

Dj Shadow – « Systematic » feat. Nas

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Cet adage pourrait bien s’appliquer à ce titre de Dj Shadow et Nas extrait de la bande originale de la série Silicon Valley diffusée sur HBO. Grosse boucle bien funky, batterie qui cogne et Nas au micro. La recette n’a rien d’innovant mais au vu des qualités des deux protagonistes cela s’avère d’une efficacité redoutable. « Systematic » c’est un peu comme ce plat de pâtes à l’ail et l’huile d’olive qui ne va pas changer la face du monde mais qui fait vraiment du bien. – Bachir

Strange U – « Bullet Proof Mustache » feat. Lee Scott

On ne va pas se mentir : on a découvert « Bullet Proof Mustache » fin 2016, quand le clip est arrivé sur Youtube. Mais le morceau figure sur #LP4080, l’album de Strange U, sorti en février de cette année et il n’est assurément pas trop tard pour en parler. Sur une production aux sonorités très 8-bits de Zygote, Kashmere, la lourde voix de Strange U, et Lee Scott content les folles aventures d’un superhéros à la moustache pare-balles, rendant hommage aux films d’action des années 1980. La sobriété et la pondération ont clairement été jetées aux oubliettes. Les références, évidentes comme obscures, se succèdent, et Lee Scott trouve un rôle à sa mesure, celui de l’anti-héros taiseux et torturé, mais quand même trop balaise (« Fuck a president’s blessing/I win quiet wars with deafening weapons/You’ll die before the lion roars/Fuck the credits I don’t like awards/I save us all while you shine your swords »). Kashmere, plus habitué aux diatribes politiques qu’à la parodie, s’en sort plus que bien. – Kiko 

Wiley – « Speakerbox »

« Kool Aid » de Danny Brown, « 9 Milli » de Kekra, « Crabs In a Bucket » de Vince Staples : les déclinaisons du son garage britannique infusent la musique de quelques têtes chercheuses sonores en dehors du Royaume-Uni. Outre-Manche, ces genres se muent avec des artistes comme Stormzy ou J Hus. Mais les pionniers du grime montrent aussi des signes de vitalité sous la bannière du label Boy Better Know. Après Skepta en 2016, c’est Wiley, l’Eskiboy, qui a sorti avec Godfather un album brut, bordélique, fidèle à son esprit d’origine, à l’image de la pochette de l’album. Sur « Spearkerbox », Skepta rappelle justement en intro l’insularité du clan BBK, avant que Wiley revienne avec son flow haché sur son parcours, de la rue au radios pirates en passant par les premières instrus bricolées. La mélodie métallique de « Speakerbox » évoque d’ailleurs celle d' »Eskimo », l’une de ses premières marques discographiques, dont la légèreté est ici balayée par une rage qui colle à l’esprit de revanche de Wiley. – Raphaël

Stormzy – « Cold »

Nouvel héritier du grime, Stormzy a connu un début d’année retentissant. Son album, Gang Signs and Prayer, n’a pas tenu toutes ses promesses, mais il contient une poignée de singles ultra efficaces, « Big For Your Boots », « Shut Up » et « Cold », qui ont contribué à lui donner une bonne visibilité. « Cold », c’est 2 min 30 d’une énergie survoltée, épuisante, avec une pointe de résonances africaines dans le rythme. Stormzy s’y défoule tout en restant en parfaite maîtrise. Une pépite qui donne envie de danser mais qui prend presque à contrepied avec sa caisse claire qui semble arriver chaque fois un peu plus tôt. Espérons que l’Anglais saura concrétiser tout son potentiel sur son prochain projet. – Shakalak

Kendrick Lamar – « HUMBLE. »

Pertinent. Voilà un mot qui définit Kendrick. Bien plus qu’un autre mot qu’on lui accole souvent : politique. Après avoir secoué le rap et l’Amérique avec To Pimp A Butterfly, K-Dot faisait face à une pression incroyable au moment de revenir avec un nouveau disque, qui plus est avec Donald Trump à la Maison Blanche. Alors pourquoi ne pas en faire tout un disque? Et pourquoi ne pas sortir un ego-trip pour bien surprendre ? Voilà le message de “HUMBLE.”, vrai pied de nez à ceux qui dissociaient trop souvent le natif de Compton du reste du rap américain en le présentant comme le dernier garant d’une musique dont certains lui reprochent de ne plus être consciente. Ici, Kendrick revient à une musique foncièrement rap, pleine d’arrogance, tout en gardant des piques adressées à la société en général, le tout accompagné d’une production de l’iconique Mike Will. Un des premiers tubes de cette année 2017 qui aura eu le mérite de surprendre tout le monde tant l’Amérique s’attendait à recevoir un nouveau brûlot politique. Car en plus d’être pertinent, Kendrick est aussi surprenant. La marque d’un grand homme. – Brice

Jonwayne – « These Words Are Everything »

Bip d’un électrocardiogramme en guise d’intro comme un réveil après coma, Jonwayne revient alors qu’on ne l’attendait plus. Alcool et dépression, le MC californien semblait sombrer dans un puits sans fond, mais la résurrection a bien eu lieu. À partir de là tout n’est que bonus, d’où cette sensation de tristesse légère présente sur ce titre, qui serait comme une gueule de bois heureuse. Au-delà du contexte tristement inspirant pour un rappeur, Jonwayne fait mouche grâce à son timbre de voix si reconnaissable qui confirme la pensée de Guru « mostly da voice » qui fait de Rap Album Two l’une des belles surprises de ce semestre. – Bachir

Evil Ebenezer – « Ski Mask Way » feat. Merkules

Certes, ce n’est pas grand-chose à côté de Kanye, de 50 Cent ou même de l’âge d’or de Diplomats mais, toutes proportions gardées, la scène white trash a également marqué le rap des années 2000. Aujourd’hui, le registre est tombé en désuétude et ses représentants les plus illustres ont mis de l’eau dans leur bière tiède et bon marché pour continuer d’exister. Les Canadiens Evil Ebenezer et Merkules ont visiblement un peu plus de mal à tourner la page. « Ski Mask Way » fleure bon le rap de gros blancs cradingues, avec ses moments de poésie (« Gorilla with a mask on/Sniffin’ up your bath salts/Shittin’ in your backyard/And pissin’ on your dad’s lawn »), son instru acide et les voix éraillées des deux protagonistes. Ajoutez à cela le sample de Biggie qui revient en boucle et les scratches en fin de morceau et vous avez un morceau efficace, dans un style bourrin et rétrograde fièrement assumé. Et, parce que derrière leur allure de hooligans les deux garçons ont de la suite dans les idées, « Ski Mask Way » a fait l’objet d’un clip, à base de boue, de tronches hideuses et, forcément, de cagoules. – Kiko 

Vince Staples – « 745 »

Au milieu d’un étrange flot de titres puisant dans une musique électronique dansante et dense, « 745 » de Vince Staples ralentit le tempo et ressemble d’avantage à une promenade côtière à 30 à l’heure plutôt qu’à une virée nocturne. Vince, flow désabusé, disserte avec désenchantement sur l’amour, le matérialisme, et les liaisons dangereuses entre les deux. Alors que la mélodie de Jimmy Edgar semble flotter comme de l’air chaud, la basse gluante et étourdie souligne la gravité des pensées de Staples. Derrière le maquillage, les restaurants clinquants, les berlines luxueuses, il s’interroge sans la désinvolture qui le caractérise habituellement : y a-t-il encore une place pour la romance ? « This thing called love real hard for me », conclue-t-il, sans désintérêt ni posture. Pour un type si prompt à livrer des opinions tranchées, c’est un aveu de faiblesse qui tourne en acte d’humilité. Dans un album appelé Big Fish Theory, Vince prouve qu’il n’a rien d’un gros poisson dans une petite mare. – Raphaël

Problem – « Did It for the Culture »

To do it for the culture est une expression qui peut recouvrir plusieurs sens. Littéralement faire quelque chose dans un but désintéressé, pour le seul amour de la culture à laquelle on appartient, avec la notion de perpétuer une tradition, de respecter des codes. Une tradition et des codes qui peuvent rapidement se retourner contre ceux qui les entretiennent et les enfermer dans une forme de fatalité. Problem joue sur cette ambiguïté en racontant sur ce titre deux destins de personnes qui finissent par reproduire des schémas vus cent fois en jouant pour ainsi dire « innocemment » le rôle que le monde attend d’eux. Un morceau d’un réalisme sombre, cru, et d’une finesse à laquelle le rappeur de Los Angeles ne nous avait pas forcément habitués.  – Shakalak

Migos – « T-Shirt »

Qu’il est dur de choisir un morceau de Migos en 2017. Reconnu comme influence du rap américain ces dernières années, le trio Atlanta s’est carrément offert le monde de la pop ces derniers mois. D’abord avec un album, Culture, qui se classe déjà parmi nos classiques de 2017, et ensuite avec des featurings dont on n’arrive plus à faire la liste (Katy Perry, Calvin Harris, et la moitié des disques de ce début d’année pour Quavo). “T-Shirt” résume pourtant parfaitement le nouveau palier franchi par la bande : un rap entêtant, plus mélodique, capable d’entrer dans la cour des tubes. Hyper codé (“Cookie!”), « T-Shirt » est de ces morceaux qui ne vous lâcheront pas avant un bon moment. Exactement ce qui permet au trio de marcher sur l’eau en cette année 2017.  – Brice

Fly Anakin & Koncept Jackson – « Dime$ »

Chapel Drive, l’album commun de Fly Anakin et de Koncept Jackson ne brille pas par l’originalité de ses productions. Néanmoins, il nous a permis de faire connaissance avec les deux compères du crew Mutant Academy et en particulier avec l’étonnant Anakin. Si Koncept Jackson est un rappeur tout à fait correct mais un peu quelconque, son collègue nous pousse immanquablement à tendre l’oreille à chacune de ses apparitions par sa verve ainsi que par sa voix particulière et juvénile, qui rappelle un peu celle d’AZ ou de Westside Gunn. « Dime$ », avec son instru aérien et soulful signé par le beatmaker maison Sycho Sid, est le morceau idéal pour découvrir le talent de Fly Anakin. Un blaze qui, on serait prêts à le parier, va pas mal tourner dans les prochains mois.  – Kiko 

RJ – « Hennebeeto » feat. ScHoolboy Q

RJ jurait sur sa mère qu’il était prêt dans sa série de mixtapes OMMIO. Il a sorti avec MrLA un album incisif, quelque part entre l’irrévérence de YG et l’exubérance de G Perico (responsable lui aussi d’un très bon cru 2017 avec All Blue). À l’image de YG sur Still Brazy l’an dernier, RJ parvient à mêler l’énergie de la ratchet à l’héritage du g-funk d’il y a vingt ans. L’instru de DJ Swish et Larry Jayy pour « Hennebeeto » invoque la sirène de « Gin & Juice » de Snoop sur des accords de piano rappelant l’époque Aftermath, en conservant le groove claquant de l’actuel son angelino. Sur ce terrain de jeu purement californien, RJ déroule son style de flambeur désinhibé par son cocktail champagne et cognac. Débit nerveux sur son premier couplet, mélodieux sur le troisième, RJ fait presque oublier la présence de son invité, le pourtant infaillible ScHoolboy Q. Ce n’est pas un mince exploit. – Raphaël

Rick Ross – « Idols Become Rivals »

Les morceaux de clash, c’est assez convenu. On montre les muscles, on balance les dossiers les plus honteux sur une instru rageuse, on cogne le plus fort possible, quitte à s’autoriser quelques coups sous la ceinture. Rick Ross, lui, renouvelle le genre en y apportant son habituelle patte cinématographique grandiloquente. Une fois de plus, l’homme au cœur de l’affaire est Birdman, avec ses pratiques frauduleuses à la tête de son label Cash Money dénoncées depuis des années par ses producteurs et ses poulains successifs. Rick Ross se pose ici en arbitre, joue le ponte qui se voit obligé d’intervenir pour rétablir l’ordre et trancher la situation depuis son fauteuil en cuir dans son bureau aux boiseries rutilantes. I loved you, nigga, hate it came to this. Il endosse jusqu’à la caricature la posture du mafieux qui prend à contrecœur les mesures qui s’imposent, navré de devoir en arriver là. Pas de refrain, juste des interludes parlés pour laisser l’instru respirer. La confrontation vue de loin, vécue sans haine, filmée au ralenti. Et à travers toute cette mise en scène, le résultat paraît étonnamment sincère, plus intime, plus personnel qu’un diss énervé. – Shakalak

Kyle – « Nothing 2 Lose »

Souvent dans le rap, il manquait quelque chose : le sourire. Rarement affiché, rarement mis en avant, il reniait une certaine forme de crédibilité selon les puristes. Kyle, lui, s’en fiche complètement, et a bien raison. “Boy I’m doing good how about you?” démarre le jeune musicien de 24 ans sur son dernier single “Nothing 2 Lose”, un titre hyper accrocheur, joyeux, et prêt à prendre la suite de son dernier tube “iSpy” en compagnie de Lil Yachty. Il faut voir le clip pour le croire : sous le soleil de Los Angeles, le garçon affiche une bouille heureuse qui pourrait bien l’amener très loin dans les charts. Le sourire, encore et toujours. – Brice

Mach-Hommy – « Band Anna »

Avec Tha God Fahim et Heem Stogied, Mach-Hommy est en quelque sorte le troisième larron d’une équipe qui n’a pas de nom mais a clairement animé ce premier semestre. Le résident de Newark, New Jersey, est un talent brut : il chante, rappe, expérimente, avec une direction artistique assez illisible (euphémisme) mais une spontanéité appréciable. Forcément, ça fait un peu de déchets dans la production, surtout quand on sort un projet toutes les quinzaines. Mais ça donne également des morceaux remarquables et quelques objets sonores difficilement identifiables, comme l’envoûtant « Band Anna ». L’agréable voix du Haïtien d’origine hante un instru étrange de Daringer, composé de cuivres tourmentés, de tintements et d’un clavier inquiétant. Addictif. – Kiko

Freddie Gibbs – « Crushed Glass »

Il y a un peu plus d’un an, en juin 2016, Freddie Gibbs vivait une affaire qui aurait pu lui coûter sa carrière. Accusation de viol, arrestation en France, extradition en Autriche : trois mois durant lesquels l’opprobre flottait au-dessus de son nom, jusqu’à son acquittement le 30 septembre 2016. Dans « Crushed Glass », Fredrick Tipton souligne même une certaine ironie à voir sa femme pleurer derrière la vitre du parloir pour une histoire pareille, lui qui a esquivé les stups pendant des années. Rien d’amusant pourtant dans ce morceau : il sonne marqué par son incarcération autrichienne, qu’il raconte en trois couplets suivant une construction similaire. Freddie Gibbs tire de cette amertume une envie de vaincre palpable, sur cette boucle triste de Sade entendue sur le « Where Your Heart At » de Mobb Deep. Difficile d’ailleurs de ne pas penser à Prodigy dans l’état d’esprit de Gibbs, le dos au mur de sa cellule, quand il relie son sentiment d’injustice à tous les maux connus par les siens depuis des siècles, de l’esclavage à l’emprisonnement en passant par la survie via l’économie parallèle. – Raphaël

Devin the Dude – « We High Right Now » feat. Rob Quest et Jugg Mugg

Odd Squad, le groupe originel de Devin the Dude, se réunit sur le nouvel (et excellent) album de Devin, Acoustic Levitation. L’équipe officie désormais depuis plusieurs années sous le nom de Coughee Brothaz, une entité aux contours plus flous qui comprend d’autres membres plus ou moins actifs. Au-delà de la réunion sympathique entre vétérans, « We High Right Now » offre surtout l’occasion à Rob Quest de voler la vedette à ses comparses. Le producteur et rappeur qui se surnomme lui-même « le Stevie Wonder du hip-hop » (il est aveugle depuis ses dix-huit ans), signe à la fois l’instru hypnotique, le meilleur couplet et le refrain de ce nouvel hymne à la fumette, le thème éternel de cette vieille bande de potes. – Shakalak

MikeWillMadeIt – « You Ain’t Ready » feat. 2Chainz

Réunissez deux hommes au meilleur de leur forme et faites en un morceau fou : voilà la recette de ce “You Ain’t Ready” qui célèbre l’union du producteur MikeWillMadeIt et de 2Chainz au coeur des enfers. Volcanique et ténébreuse, leur collaboration marque autant pour sa production hors sol (voix d’opéra funeste, basses saturées et rythmiques lancinantes) que pour l’interprétation de 2Chainz, menaçante et royale du début à la fin. S’il fallait faire une image, on dirait que l’on s’imagine bien six pieds sous terre pour y retrouver les deux hommes au milieu d’effusions de laves et d’âmes errantes. Comme des rois dans leur monde chaotique. – Brice

Morriarchi & Stinkin Slumrok – « Sour Grapes » feat. Black Josh

Les mauvaises langues diront que Morrstinkin, l’album commun de Morriarchi et Stinkin Slumrok, aurait pu sortir il y a vingt ans. Les beats poussiéreux du premier et le flow cartoonesque du second ne laissent, il est vrai, pas beaucoup de doutes quant aux influences. Mais le projet est d’une densité et d’une qualité assez remarquables et, surtout, il se caractérise par une ambiance particulière, sombre et poisseuse de bout en bout. « Sour Grapes » est un peu le parangon de ce style. Le duo y accueille Black Josh pour un refrain nonchalant, entre deux couplets où Stinkin fait montre de sa technique et de sa versatilité. Le beat lent et lourd est associé à quelques notes de clavecins qui rappellent (à juste titre ?) le mythique « 16 Rimes (Le chargeur est surchargé) » de La Brigade et Lunatic sorti… il y a pile vingt ans. – Kiko

David Dallas – « Hood country club »

Sur son quatrième album, Hood Country Club, le néo-zélandais David Dallas s’attache sur plusieurs titres à se détacher des conventions sociales liées à la réussite matérielle. Déjà dans « Don’t Rate That », en 2015, il s’inquiétait par exemple des banques qui spéculent sur des quartiers pauvres de la banlieue d’Auckland pour y construire des résidences onéreuses. Sur le morceau-titre de son album et sa boucle de jazz méditative travaillée par SmokeyGotBeatz, Dallas s’attriste de la pression sociale des signes extérieurs de (fausse) richesse (« Fuck plans for retirement / got cash for the Yeezys, we buying it »), et du rapport culturel à l’argent différent d’une classe sociale à l’autre qui accentue la fracture sociale. Moins énergique que d’autres titres (comme le remuant « Fit In » notamment), « Hood Country Club » donne pourtant le « la » d’un album qui rappelle par moment les derniers de J.Cole ou Kendrick Lamar.  – Raphaël

Jonah Cruzz – « Once Upon a Time »

Après son excellent Cruzz Control en 2015, Jonah Cruzz s’est fait discret. Le jeune rappeur d’Atlanta revient cette année avec une nouvelle mixtape, Just To Get By, dans la même lignée que son précédent projet. Loin du son trap dominant de ces dernières années, sa musique convoque l’esprit d’Outkast des années 1990, avec un mélange de sonorités aériennes, jazzy voire spatiales. Au micro, Jonah prend encore une nouvelle dimension en approfondissant son sens de la mélodie et en se livrant sans fausse pudeur à l’introspection, comme sur « Once Upon a Time ». Avec son rap intimiste, intelligent et attachant, Jonah n’a pas vraiment le profil pour devenir une tête d’affiche, mais il a tout pour devenir un grand. – Shakalak

Gucci Mane – « Dance With The Devil »

Depuis sa sortie de prison à l’été 2016, Gucci Mane reprend des forces étapes par étapes, sans un seul faux pas. Que manquait-il alors au prince d’Atlanta pour s’imposer définitivement à nouveau ? Sans aucun doute, les productions malicieuses de Metro Boomin : réuni sur un projet complet, le duo signe là une des meilleures sorties de Gucci depuis bien longtemps. En témoigne “Dance With The Devil”, morceau intime écrit par Gucci sous la forme d’une auto-réflexion sur sa vie, ses excès et son succès, plus largement rapportée à ses congénères d’Atlanta. Un guide de la fame ponctué d’avertissements que Metro Boomin orchestre parfaitement avec sa production inquiétante qui transforme définitivement le titre en comptine pour adulte. Un registre qui va bien à Gucci Mane, aujourd’hui en quête de rédemption. – Brice

Berner – « Star »

C’est peut-être le terme de « facilité » qui caractérise le mieux la musique de Berner. Aucune prise de tête, pas d’artifices, à peine distingue-t-on le travail. Ce n’est certes pas très sexy, mais ce rap a le mérite de l’honnêteté, et Berner ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. Il a assez d’argent pour s’amuser, et assez de goût pour ne pas faire n’importe quoi. Cela fait une décennie que ça dure, et s’il y a à boire, à manger et (surtout) à fumer dans sa discographie, Berner demeure un personnage comme le rap les aime, un drug-dealer devenu plug pour tout rappeur de passage à San Francisco. Il ne sera jamais le meilleur de la Bay, mais il serait bien injuste que l’histoire oublie ce genre de Mexicain ayant fait fortune dans un pays où tout se monnaie. « God bless the dope game, [Berner] live the life of a star ! » Le morceau est extrait de Sleepwalkin, dernier album studio en date du rappeur. – B2

Jay-Z – « The Story of O.J. »

Chaque nouveau projet de Jay Z est accompagné d’une déferlante de commentaires, dont certains imaginables, tant l’aura de Shawn Carter a depuis longtemps dépassé la sphère du rap. Mais cette année, 4:44 est aussi l’occasion de souligner et applaudir le travail accompli par No ID, qui assure toute la production du projet, ce qui est une première pour Jay Z, mais pas uniquement. Dans un entretien passionnant accordé au Rolling Stone magazine, No ID explique la genèse de cet album et son rôle central qui ne se réduit pas à celui d’un beatmaker. Directeur artistique, mître dans l’art du sampling, homme de l’ombre, No Id est un peu le consigliere de Shawn Carter. Plus que le retour de Jay Z, 4:44 marque la constance remarquable de No I.D, qui de Common en passant par All Natural ou Vince Staples ne cesse de se renouveler depuis plus de 20 ans. Chapeau bas ! – Bachir

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