Gil Scott-Heron en cinq samples
Hommage

Gil Scott-Heron en cinq samples

Si « The Revolution Will Not Be Televised » fut l’un des premiers morceaux proto-raps, d’autres de leurs compositions plus ou moins connues ont inspiré rappeurs et producteurs. En voici cinq, manière à nous de rendre hommage à un grand artiste.

« RIP GSH… and we do what we do and how we do because of you. » Cet hommage posthume à Gil Scott-Heron n’a rien d’anodin quand il vient de Chuck D, rappeur et tête pensante de Public Enemy. De son vrai prénom Gilbert, né un 1er Avril 1949 à Chicago, Scott-Heron fut un artiste protéiforme, musicien, poète, écrivain, « slameur » avant le mot. Disparu vendredi 27 mai, il est l’une des figures de la musique noire américaine qui a sans doute le plus influencé la naissance du rap, par sa posture contestataire assumée et certains de ses textes déclamés sur des musiques brutes.

Mais avant d’être « le parrain du rap », comme le répètent ad nauseam les articles de la presse généraliste, Gil Scott-Heron était un chanteur de soul talentueux. Sa voix, aussi douce qu’elle pouvait être emplie de verve, servait sa plume sans n’être qu’un simple outil. L’émotion qu’il mettait dans ses performances prouve qu’elle était un vrai instrument, se mêlant aux productions de son ami, le pianiste et claviériste Brian Jackson. Tous deux passionnés par le jazz, les œuvres musicalement riches de leur discographie ont accueilli la participation d’artistes comme le contre-bassiste Ron Carter ou le flutiste Hubert Laws. Et si « The Revolution Will Not Be Televised » fut l’un des premiers morceaux proto-raps, d’autres de leurs compositions plus ou moins connues ont inspiré rappeurs et producteurs. En voici cinq, manière à nous de rendre hommage à un grand artiste. « Peace Go With You, Brother ».

« We Almost Lost Detroit » (Bridges, 1977)

Gil Scott-Heron « We Almost Lost Detroit »

En mars dernier, lorsqu’il alluma sa télé ouvrit son journal et lut qu’un nuage radioactif menaçait le Japon, Gilbert a du se dire « bande de cons, je vous avais prévenu ». Quand en 1977, sur son huitième album Bridges, il critiquait le manque de moyens mis en œuvre à la sécurité autour du développement de l’énergie nucléaire sur le sublime « We Almost Lost Detroit ». Inspiré d’un livre traitant du même problème, le propos de la chanson se révéla d’autant plus pertinent deux ans plus tard après l’accident de Three Miles Island, et davantage une vingtaine d’années plus tard après celui de Fukushima au Japon. Pourtant, sur cette chanson mid-tempo, point de rage ni de hargne, mais un chant presque murmuré, des claviers galactiques et une guitare atmosphérique. En 1998, J.Rawls reprenait la douce mélodie de l’originale de Scott-Heron pour le romantique « Brown Skin Lady » de Mos Def et Talib Kweli, tandis que Kanye West, en 2007, le découpait superbement pour l’optimiste « The People » de Common. Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où Mos et Common ont rappé sur un sample de Gil : « Mr. Nigga » reprenait le jazzy « Legend in His Own Mind », et « My Way Home » l’enflammé « Home Is Where The Hatred Is ».

Black Star - « Brown Skin Lady » (1998)

Common ft. Dwele - « The People » (2007)

« 1980 » (1980, 1980)

Gil Scott-Heron « 1980″

Gil Scott-Heron et Brian Jackson ont toujours su capter l’air du temps sans changer l’esprit de leur musique. A l’aube des années 1980 et de leurs transformations musicales, les deux compères se sont essayés à des morceaux plus funky, comme ce bien nommé « 1980 », chronique d’un monde robotisé et déshumanisé. Démarrant sur un délire spatial et futuriste, le morceau est appuyé par une ligne de basse groovy et une batterie entraînante. Il n’en fallait pas plus pour que Johnny « J », collaborateur récurrent de 2Pac disparu en 2008, sorte un beat G-funk délicieux pour le défunt rappeur et son pote Big Syke.

2Pac ft. Big Syke - « Ready 4 Whatever » (1997)

« Did You Hear What They Said ? » (Free Will, 1972)

Gil Scott-Heron « Did You Hear What They Said ? »

Au coeur de Free Will, son troisième album, « Did You Hear What They Said ? » est probablement l’une des chansons les plus tristes et amères de Scott-Heron. Le piano aigre-doux et la flûte mélancolique qui s’expriment tout au long du morceau y sont sans doute pour beaucoup. MadIzm a été déniché cette boucle en 2001 pour conclure sur une note plus douce le premier album, pourtant frontal, de Salif, Tous Ensemble – Chacun Pour Soi. Quelques années plus tard, Freeway ouvrait son second opus, Free At Last, sur le même échantillon, pour raconter son histoire, des rues de Philadelphie aux studios de Roc-A-Fella. Avec une seule impression, « this can’t be real », reprenant l’affirmation pleine de dépit de GSH dans l’originale.

Salif - « O…o » (2001)

Freeway feat. Marsha Ambrosius - « This Can’t Be Real » (2007)

« Angel Dust » (Secrets, 1978)

Gil Scott-Heron « Angel Dust »

Malgré son thème grave et son récit émouvant (et probablement un peu autobiographique), « Angel Dust », chanson sur les ravages de la drogue, est portée par un funk doux et laid-back grâce aux claviers de Brian Jackson. Loin de la gravité de l’original présent sur … De La Planète Mars, le remix par Easy Mo Bee du « Tam Tam de l’Afrique » d’IAM repose sur le même principe que « Angel Dust » : faire passer un message sur une musique accrocheuse, grâce à l’utilisation de la boucle de Scott-Heron. Du côté de The Game et Common, l’addiction est assumée, contrairement au message de la chanson de Gil. Sauf qu’ici l’ange n’est pas de la poudre, mais de la musique. Et de la bonne.

IAM - « Tam Tam de l’Afrique (Easy Mo Bee Mix) » (1992)

The Game feat. Common - « Angel » (2008)

« Delta Man (Where I’m Coming From) » (Bridges, 1977)

Gil Scott-Heron « Delta Man (Where I’m Coming From) » (1977)

Triste ironie du calendrier, le « boss » du Texas, Slim Thug, a sorti trois jours avant la mort du chanteur le clip de « Coming From », virée dans le vieux Sud en compagnie de son acolyte J-Dawg et du nouveau héraut du Mississippi, Big K.R.I.T.. Le producteur du morceau, KC, y reprend le « Delta Man » de Scott-Heron, chanson au groove moite et poisseux narrant l’histoire d’un homme noir à différent moment de l’histoire des États-Unis. Sur un instrumental bluesy au style texan inimitable, les trois rappeurs rouvrent le livre écrit par GSH, et perpétuent ainsi son héritage en y ajoutant leur propre histoire.

Slim Thug ft. J-Dawg & Big K.R.I.T. - « Coming From » (2010)

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12 commentaires

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  • Baboune,

    L’article a l’air super bien, mais j’attends que les vidéos fonctionnent parce que là je l’ai pas fini. Ya que moi à qui ca fait pas ? on me dit d’activer les plug ins, et adobe mais c’est fait. vous pouvez m’aider ? svp

  • […] D et Nate Dogg, pour les soldats de l’ombre Tony Hill, Slim Dunkin ou Brams, mais aussi pour Gil Scott-Heron, Sylvia Robinson et Cesária Évora. Merci pour tout. – […]

  • Juste un mot « D'Acadie en Côte Salish,

    […] J’aimerai juste ajouter une dernière petit chose; vous n’êtes peut être pas au fait de la chose mais le 27 mai dernier disparaissait Gil Scott-Heron, poète, écrivain et musicien de talent défenseur de la cause noire aux USA dont l’héritage musical et intellectuel nourrit une bonne partie de la culture américaine actuelle sans même que nous nous en apercevions. Pour ceux qui aimeraient en savoir un peu plus sur l’homme et l’artiste, le blog abcdrduson propose une courte rétrospective en 5 titres et leur influence sur des artistes des générations suivantes. A voir ici. […]

  • Lartiz,

    Merci pour ce petit revival bien mortel. Aaaaah « the people »… Kanye le roi du sampling malin…

  • Blondin,

    j’connaissais même pas le remix d’Easy Mo Bee.

    Bon article évidement.

  • jeeash,

    Il restera à jamais l’un de mes artistes préférés! Merci pour cet article , voici ma modeste contribution : http://jeeash.howtodebut.org/?p=483

  • Aissaoui Ali,

    GSH m’accompagnais depuis 1982 alors grosse perte… Mais son oeuvre reste et ss « mots » sont eternels. Peace go with you brother…
    ALI

  • Audiomicid,

    Sympa cet article et merci au passage pour les mp3, un petit coup de flashgot et hop, c’est sur le disque dur !

  • Guedin,

    Rest in Peace Gil Scott Heron.

    Tenez pour ceux qui veulent pousser un peu le truc, une reprise d’angel dust superbe a la sauce gfunk encore une fois, c’est Mass 187 qui s’y colle :

    http://www.youtube.com/watch?v=RI6mpQgZx-c

  • Nicobbl,

    Un Grand Monsieur disparait !

  • borsalino,

    R.I.P GSH

  • karim lyazid,

    Juste merci pour le récap et les les petits articles.
    Bravo pour tout le taf.