D.R.A.M. en dix collaborations
Article

D.R.A.M. en dix collaborations

Un sourire resplendissant et un caniche : Voici comment D.R.A.M. a souhaité se présenter au monde avec son premier album sorti en 2016. Big Baby D.R.A.M. ne joue sur aucune ambiguïté. Il contient entièrement cette énergie communicative, il inspire une confiance sans faille avec un humour inné. Toute sa musique est traversée d’une légèreté salvatrice entre optimisme débridé et folie douce. Il serait le parfait chaînon manquant entre Biz Markie, Georges Clinton et Ol Dirty Bastard (qui aura d’ailleurs Big Baby Jesus parmi ces nombreux alias, heureuse coïncidence ?). Ce rayonnement incontestable est doublé d’une versatilité musicale impressionnante, explosant tous les carcans avec une voix cartoonesque prête à tous les exploits. Pour mieux appréhender le phénomène, explorons ses associations, ses duos ou trios, ses croisements de fer tous aussi éclectiques, mêlant jeunes génies, diva capricieuse et rock stars électroniques. Dressons ensemble le portrait de D.R.A.M. en dix collaborations. Quelle est la plus folle ? Quelle est la plus réussie ? Voici quelques éléments de réponse, même s’il parait impossible de battre le caniche.

D.R.A.M. & Gabe Niles Les RBLE de Virginie

L’histoire de D.R.A.M. commence en Virginie. Né en Allemagne, Shelley Marshaun Massenburg-Smith grandit à Hampton et s’entoure assez rapidement de personnages hauts en couleur, notamment Gabe Niles qui va devenir son principal producteur et son conseiller numéro un jusqu’à aujourd’hui. Gabe emmène Shelley dans le sillage de son groupe iconoclaste Sunny & Gabe et ils vont développer ensemble au fil de l’eau cette touche si particulière d’expérimentation sans fin. Ils se créent ainsi dans l’adversité, au sein d’une ville des plus traditionnelles, pas vraiment enclin à l’ouverture d’esprit et à la nouveauté.

Entre Hampton, Virginia Beach et Norfolk, D.R.A.M. et Gabe Niles vont créer un pont futuriste, fuyant la normalité à tout prix, rejoignant une équipe de rebelles, sobrement nommée RBLE. Animé par le vétéran Ced Hughes, ce laboratoire comporte aussi des talents cachés comme Max Fullard ou Artel Carter. De ce vivier créatif va sortir #1EpicEP, la première carte de visite de D.R.A.M. et son fameux “Cha Cha” à l’histoire téléphonée assez chargée. Quand on creuse un peu plus, toutes les collaborations avec ses acolytes de Virginie cherchent la petite bête. Elles la trouvent le plus souvent.

D.R.A.M. & DP Virginie côté obscur

En Virginie, D.R.A.M. a fait une autre rencontre plus improbable. Décliné sur plusieurs morceaux, son duo avec DP l’emporte vers de nouvelles contrées plus lugubres.  La connexion s’est pourtant faite simplement, de vendeur à consommateur, une belle histoire de verdure. DP entre dans la tradition plus froide des rappeurs de Virginie, celle forgée par The Clipse. Proche d’artistes du même acabit comme Sha Hef, il dévoile un univers criminel de l’instant, qui ne laisse aucune seconde chance.

Sur Designer Casket,  le premier album mortuaire et dépouillé de DP, D.R.A.M. apparaît deux fois comme un glas qui sonne dans la nuit. Ce mélange de personnalités fortes est presque chimique. A la fin de chaque morceau, la montée est totale comme une bonne drogue de synthèse. Ensemble, DP et D.R.A.M. ont inventé la crasse psychédélique.

D.R.A.M. & Chance The Rapper Funkadelic Social Experiment

C’est ici que la trajectoire de D.R.A.M. prend un autre virage. A la base, il y a un tweet :

Les deux artistes sont comme deux montagnes qui devaient se rencontrer, une destinée sous le signe du gospel. D.R.A.M. a d’abord commencé à travailler avec The Social Experiment, l’équipe de production de Donnie Trumpet, les hommes de l’ombre de Chance. D.R.A.M. croisent donc toutes ces futures stars pendant l’élaboration de Surf, créé comme un album de Parliament ou Funkadelic, avec de multiples artistes collaborant tous ensemble vers une pièce maîtresse. Le modèle de Georges Clinton et ses potes revient d’ailleurs souvent dans la vision de D.R.A.M., ces esprits libres sans étiquette, brassant soul, funk et rock dans un grand foutoir spatial. Cette expérience accouchera de la première version de “Caretaker” que D.R.A.M. transformera avec SZA sur son propre disque GAHDAMN!

Cette passion commune pour le schéma P-Funk amènera l’équipe de Chicago à inviter régulièrement D.R.A.M. jusqu’à ce court mais indispensable “D.R.A.M. Sings Special” sur Coloring Book, l’album le plus plébiscité de l’année 2016. D.R.A.M. y décline alors ce qui deviendra sa marque de fabrique, la comptine pour adulte, de la littérature pour enfant mise en musique avec un regard lointain. Une prouesse bienveillante qui prend tout son sens dans l’univers de Chance mais aussi sur l’album de D.R.A.M. avec “Cute”. Depuis Chance The Rapper a invité D.R.A.M. de nombreuses fois sur scène, notamment pour l’extraordinaire live au Tonight Show de Jimmy Fallon. Les deux artistes partagent un regard différent, plein de bonté dans ce monde de plus en plus sombre. Une bulle d’air frais qui devrait continuer à renverser la tendance.

D.R.A.M. & Allan Kingdom Stranger Voodoo Things

L’année 2016 a juste été parfaite pour D.R.A.M. Chaque apparition, chaque couplet, chaque refrain ajoutent une croix sur le mur, une pierre blanche sur le kern. Mais sur cette collaboration avec le jeune Allan Kingdom, on est surtout marqué par l’intensité et le tourbillon qui emporte ainsi le morceau vers un tout autre territoire. Originaire du Minnesota et proche de Spooky Black, Allan Kingdom est produit par le légendaire Plain Pat et commence à se faire une belle place dans le rap indépendant exigeant. Parmi les meilleurs morceaux de son très bon projet Northern Lights, « Renovate » est la parfaite plateforme pour capturer la versatilité des deux artistes sur des arpèges de jeux vidéos et des rythmiques lentes, saccadées qui évoluent vers une incantation futuriste au milieu de la forêt. Du vrai vaudou à la sauce Stranger Things, en constante mutation.

D.R.A.M & l’électronique Gospel N Bass

Le profil singulier de D.R.A.M. l’amène rapidement à aborder d’autres sphères, de la pop pure à la musique électronique sans frontière. Sa tessiture particulière intéresse des producteurs de tous les horizons. Cela commence avec un remix pour « Powerful » que Major Lazer rendra officiel. Une belle entrée en matière mais la véritable concrétisation se fera en 2016 (encore) avec l’artiste aux masques tribaux, SBTRKT. L’invitant sur l’enivrant « I Feel Your Pain », le producteur anglais propose une Soul électronique qui s’entremêle facilement avec la voix âpre et pleine d’émotions de D.R.A.M. Et la cerise se nomme Mabel, jeune chanteuse anglaise à la douceur extrême qui se pose doucement comme une plume après un coup de vent. Toute la douleur est ressentie, entre petite piqûre répétée et caresse coup de poing. D.R.A.M. réussit son entrée dans la grande famille des machines musicales.

D.R.A.M. & Lil Yachty Et au milieu coule une rivière

Après le succès de « Cha Cha » et l’exposition grandissante offerte par l’équipe de Chicago, D.R.A.M. est à la recherche d’un titre simple et percutant. Pour se faire, il va s’allier avec un autre personnage de Looney Tunes en plein essort, un diable tout juste sorti de sa boite de strip d’Atlanta : Lil Yachty le controversé. Traînant derrière lui un paquet de polémiques et préjugés, de « Biggie n’est pas une légende » à « Ma couleur de cheveux est aussi importante que ma musique », cet énergumène se spécialise dans la petite mélodie imparable, les trois notes claires de clavinova qui bouclent à l’infini quand on s’ennuie. La rencontre avec D.R.A.M. est donc des plus naturelles, entre dessin d’enfant aimanté sur le frigo, bagarre de gros mots scatophiles et métaphore filet végétal.

« Broccoli » flirte entre l’outrancier et le vulgaire avec ses popotins graisseux sur piano blanc dans le lit d’une rivière boueuse. Mais à l’inverse, chaque blague potache fait mouche et chaque cliché nous emporte dans une grande ronde infantile à l’imagination débordante, catapultée dans les cases de Calvin & Hobbes ou Little Nemo in Slumberland. Tout devient crayonné aux couleurs criardes, entre gommage dommage et comique cosmique. D.R.A.M. va standardiser ce style jingle et clochette sur d’autres apparitions comme ce tube siffloté de Rob Stone, volant la vedette à un parterre de grands kickeurs avec une insouciance libératrice. Les nouveaux funky excentriques  sont aux manettes. Georges, Bootsy, Junie, Bernie et les autres peuvent être fiers.

D.R.A.M & E-40 Slappin Cul Côte 2 Côte

Parmi ces collaborations déjà fructueuses, il y a un coup de coeur, un patron vétéran qui donne toujours de l’amour pour les nouveaux artistes. En effet, la légende E-40 est venue chercher D.R.A.M. pour son dernier album et un de ses nouveaux hits. Volubiles et grivois, les deux artistes partagent une passion pour le verbe vert et l’imagerie Tex Avery. C’est d’ailleurs E-40 qui a pour la première fois parlé de « Broccoli » pour identifier la substance stupéfiante qu’ils consomment avec parcimonie (« hum… »). La chanson de D.R.A.M. et Lil Yachty citée plus haut sonne presque comme un hommage, une reprise de bagout ultime. Les cercles se touchent, le cycle recommence et D.R.A.M. est parfait en distributeur de refrain caustique sur ce « Slappin » plus vrai que nature. On se met à rêver d’une carrière à la Nate Dogg, donnant le La à toute une industrie avec des refrains simples et ciselés, entre efficacité et mélancolie. Ici accompagnés de la jeune étoile de la Bay, Nef The Pharaoh, les deux compères entament un nouvel hymne de la fête débridée, dans une entente merveilleuse. E-40 avouera être un véritable fan de la musique de D.R.A.M. dès qu’il l’a découverte. Et ce vieux briscard en a vu de toutes les couleurs donc on peut avoir en lui une confiance totale. L’alliance plus parfaite que l’arche. Tout le monde remue du fessier en cœur et toujours dans la bonne humeur. Toujours.

D.R.A.M. & Rock Stars Rick, Travis & Neil

Autre sphère improbable mais pas si éloignée, D.R.A.M. travaille de plus en plus avec des personnalités du rock. Le prestidigitateur Rick Rubin le cite comme un de ses artistes préférés du moment et ils collaborent actuellement sur plusieurs projets. Le batteur d’exception Travis Barker apparaît aussi en live avec lui chez Conan. Mais ces deux mastodontes électriques sont déjà très proches du milieu rap aux États Unis. Plus surprenante rencontre, D.R.A.M. apparaît comme un esprit farceur, un crooner en bottes de cowboy sur Earth, le dernier album de Neil Young + Promise of the Real. L’ambiance : été de l’amour modernisé, 69 à l’envers, ça fait toujours 69. La boucle est continue. D.R.A.M. et Neil seraient en train de bosser sur une collaboration plus conséquente mais on en sait peu pour le moment. Cela prouve juste encore une fois que le positivisme à toute épreuve du rappeur de Virginie traverse toutes les modes et coutumes. Le D.R.A.M. est global.

D.R.A.M. & Young Thug Merry Melodies

Placer la collaboration avec Young Thug après le passage sur les rock stars n’est pas anodin. En effet, « Misunderstood » que l’on trouve sur le premier album de D.R.A.M. est composé comme une ballade de stade, une sorte de « Bohemian Rhapsody » version trap Bugs Bunny. D.R.A.M. commence au piano enjoué comme Elton John, ponctué de guitare FM à faire pâlir Europe de jalousie. Ça dégouline presque mais ça tient toujours avec un sens équilibriste comme cette glace à l’italienne un soir d’été au bord d’une fontaine. Puis arrive Thugga robotisé, on croit à une erreur de mixage, un raté informatique mais après quelques mesures tout prend son sens, comme si le Phantom of Paradise apparaissait en plein jour. En parfait Swan, D.R.A.M. a l’audace de lui proposer la déconstruction totale, le glam rap dans toute sa divine décadence. Injustement boudée, ce choc des titans est le plus récréatif et visionnaire depuis longtemps, s’écartant de toutes les routes tracées, puisant toute sa finesse déguisée chez les rois de la permanente 80’s. Freddie doit en perdre sa moustache.

D.R.A.M. & Erykah Badu The Age of Innocence – The End

La meilleure pour la fin. Ou la pire, l’avenir nous le dira. Et tout repart de ce foutu téléphone. Retour en arrière. En 2015, Drake pompe donc « Cha Cha » sur « Hotline Bling » et Erykah Badu est tout de suite inspirée pour en faire sa version glamoureuse. Il lui vient alors l’idée géniale (sic) d’une mixtape concept autour du téléphone et de son utilisation actuelle. But You Caint Use My Phone est totalement spontané, enregistré en 11 jours avec son producteur White Chocolate dans sa ville de Dallas. C’est alors la fin d’une traversée du désert pour Erykah qui n’avait rien sorti depuis 2010. Et comme par hasard, c’est aussi le moment où elle découvre D.R.A.M., à l’origine de Hotline Bling et de sa quasi renaissance (suivez un peu). Et là, la magie opère, Erykah voit en lui un soleil, un mélange de Ol Dirty Bastard et D’Angelo, une énergie nouvelle. Toujours dans cette métaphore sans fin de la communication, ils se mélangent sur « Wifi », une longue ode langoureuse de cache cache sensuel.

À peine le morceau dévoilé, ils annoncent qu’il s’agit du premier morceau d’un EP commun. La magie vaudou opère, surtout avec ce duo live totalement complice au Soul Train Awards. Et soudain, on prend un peu peur. Car Erykah a déjà été une muse, une déesse, une reine, une compagne de chaque instant pour d’énormes talents comme Common, Andre 3000 ou même The D.O.C. Et chacune de ses légendes en a pris un coup dans l’aile, disparaissant du paysage ou sortant des disques totalement psychédéliques, comme sous envoûtement profond. Comment D.R.A.M. va sortir de cette expérience hors norme, ce voyage mystique intemporel ? La musique sera toujours incomparable mais le futur, que nous réserve-t-il ? Ce qui est sûr, c’est que cette combinaison infernale devrait faire des aurores boréales dans les mois qui viennent. Et comme toutes les apparitions de D.R.A.M., on sera là pour les admirer, le regard vers le ciel, les yeux dans le vague.

D.R.A.M. sera en concert le vendredi 24 février 2017 au Badaboum à Paris. L’occasion rêvée pour voir l’artiste le plus cool du moment sur scène ! Plus d’informations sur l’évènement.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*