Nos 25 morceaux du premier semestre 2016
Rap anglophone

Nos 25 morceaux du premier semestre 2016

Les épiphanies de Kanye West et Chance The Rapper, la paranoïa écarlate de YG, le bouillonnement outre-Manche, le coup de menton de Meek Mill, les douceurs d’Anderson .Paak et Myka 9 : à défaut d’une cartographie complète du rap anglophone en ce début 2016, voici quelques directions qui nous ont séduits.

Kevin Gates – « Hard For »

Si les filles faciles, le coeur devenu pierre et la vie de gangster sont (apparemment) le lot commun de beaucoup de rappeurs, peu parviennent à le dépeindre avec la même authenticité que Kevin Gates. C’est en prison, alors qu’il ne captait que des stations de radio rock et country, que l’artiste a trouvé la mélodie qui allait constituer « Hard For », morceau central de son premier et excellent album Islah. En rupture totale avec le propos, la douceur de l’instrumental évoque une gentille balade campagnarde dans les bayous de Louisiane, et il faut bien la voix caverneuse et éraillée de Gates pour nous rappeler que l’endroit est surtout infesté d’alligators. Ou comment se faire entendre avec une tape sur l’épaule ET un coup de marteau. – David2

Royce da 5’9″ feat. Westside Gunn, Conway, Styles P – « The Banjo »

Les quatre salopards. Un carré de pistoleros enfermés dans une cabine, les Winchester chargées en saillies sanglantes. Si Layers, le sixième album studio de Royce da 5’9″, est une oeuvre au scénario appliqué (écoutez « Tabernacle »), Trust the Shooter offre des scènes de fusillade étrangement joviales, où l’on prend autant de plaisir à entendre Royce et ses invités canarder tout ce qui bouge que devant le huis-clos du dernier Tarantino. Sur « The Banjo », Royce empreinte les habits du diable plutôt que de pavaner en Prada, Styles P défie la mort en duel, et les meilleurs héritiers du Raekwon/Ghostface, Conway et Westside Gunn, dégainent à tour de rôle avec un stoïcisme aussi flippant que celui des cousins Salamanca de Breaking Bad. Il y a même quelque chose d’Ennio Morricone dans cet instrumental dramatique et étouffant d’un AraabMuzik décidément aussi doué pour les bandes sons spectaculaires que minimales. – Raphaël

Revolutionary Rhythm – « The Sky »

Ok, le blaze est un peu flippant et sent bon les grandes heures du rap conspirationniste, mais ne fuyez pas. Les jeunes Angelinos de Revolutionary Rythm tracent brillamment leur route depuis quelques années maintenant, plus dans le sillon de Pharcyde ou People Under the Stairs que dans la lignée de N.W.A. ou de Project Blowed. Leur musique toute entière semble être une ode à la vie californienne telle que d’aucun la fantasmerait : ensoleillée, douce, pleine de bonnes vibrations. « The Sky », avec sa boucle de piano et son refrain chantonné remplit bien le cahier des charges. C’est paradoxalement assez peu révolutionnaire mais ça fait le boulot quand il s’agit de rompre avec les sonorités plutôt âpres du moment.  – Kiko

ScHoolboy Q feat. Kanye West – « THat Part »

ScHoolboy Q sait se montrer appliqué, planter des ambiances travaillées, pondre des concepts. Bref, il a la panoplie du rappeur respectable à sa disposition. Mais son meilleur registre, et ce qui l’a toujours démarqué au sein de l’écurie TDE, c’est cette inclination à créer des morceaux un peu fous, rigolards, décomplexés, portés par son charisme et un épicurisme sombre. « THat Part » est l’un de ces morceaux. Il ne raconte pas grand-chose et le raconte simplement, sur une production inquiétante et légère à la fois. Le parfait terrain de jeu pour un Kanye possédé, qui en profite pour se lâcher comme jamais dans son couplet. – David

 YG – « Still Brazy »

On attendait l’album de YG pour que l’été commence. Teasé depuis plusieurs mois, il est sorti à point nommé, toujours codé, brutal et rouge sang. Fini la storyline de My Krazy Life, cette suite Still Brazy est plus simple, directe, à l’image de son titre éponyme, totalement hypnotique. Alors que le pays se radicalise, le propos se fait plus sec et politique, la culture gang est à son paroxysme. YG est toujours dans son temps, « bool, balm and bollective ». FUCK DONALD TRUMP. – Le Captain Nemo

Kanye West feat. Vic Mensa, Sia, Frank Ocean – « Wolves »

Sans doute parce qu’il a atteint avec Yeezus un point de non-retour dans la radicalité de sa musique, Kanye West n’avait d’autre choix que de faire de The Life of Pablo le disque hybride, instable et immatériel qu’il est depuis sa sortie. Symbole du Yeezy nouveau touché par le syndrome Georges Lucas : « Wolves » et ses multiples versions, dont sont retirés/déplacés à l’envie les passages des invités comme s’il s’agissait de Greedo et Jabba. Pour le reste, Kanye « Joseph » West continue d’écrire son mythe en réécrivant l’Histoire à grands coups de Tipp-Ex sur La Bible, drapant Kim dans les habits de la vierge Marie et protégeant ses deux agneaux des loups qui rôdent. Et s’il n’était, avant le génie ou le fou, qu’un père et mari aimant ? – David2

Meek Mill – « Gave Em Hope »

Plutôt que de passer pour une proie blessée par son populaire adversaire canadien, Meek Mill a décidé de sortir les cors de chasse sur « Gave Em Hope ». Quelques notes de cuivres synthétiques signées par le Chicagoan C-Sick, qui sonnent presque comme un olifant de chef viking prêt à traverser la mer du Nord. Dans son discours de général des armées, clamée de sa voix criarde et belliqueuse, le rappeur de Philadelphie ne promet pas sang, sueur et larmes, mais de l’espoir et de la drogue à revendre pour ses soldats, et surtout des canons fumants à ses ennemis. Et de son débit et phrasé Gatling en renfort de sa voix criarde, il inflige même quelques stigmates de balles supplémentaires à 50 Cent. Couplé à « Pray For Em » sur le même EP 4/4, « Gave Em Hope » montre que Meek Mill est du genre à ne pas signer de trêve. Qu’importe les récompenses des Grammy ou du Billboard. – Raphaël

Andy Cooper – « Chasing the Funk »

Un jour à Berlin, Andy Cooper lit un article de Wax Poetics sur un musicien à qui le succès n’a jamais réellement souri, malgré tous ses efforts. À ce sujet, l’article a cette formule : « he chased the funk ». Andy s’y reconnaît, ça lui plaît bien. À Berlin toujours, Andy Cooper est avec ses amis du crew de DJ True Beatz. Ces derniers sont plus spécialisés dans les fêtes que dans les enregistrements studio. Ça tombe bien, Ugly Duckling a toujours défendu un rap rassembleur et festif. Alors Andy Cooper et les cinq DJs iront ensemble en cabine pour appuyer sur le bouton record. Il en ressort ce morceau. Sa basse est généreuse, ronde et grasse ponctuée de quelques séquences en slapping. Son sample de voix est une invitation minaude à peloter le dancefloor. Et ses scratchs associés à une ligne rythmique montée sur ressorts n’ont d’égal que le bagout et l’aisance du MC d’Ugly Duckling, qui raconte la poursuite d’un funk un peu cruel, étant donné sa part de secrets bien gardés. Pour ce qui est des mystères du groove par contre, ce morceau les dévoile entièrement. – zo.

Rittz feat. Devin the Dude, MJG – « Propane »

Le chevelu au débit de mitraillette découvert sur « Box Chevy » de Yelawolf il y a quelques années poursuit sa discrète carrière avec ses hauts et ses bas, toujours signé chez Strange Music, le label de Tech N9ne. Sur « Propane », il reçoit l’appui de deux légendes, l’inénarrable Devin the Dude, le crooner de Houston, et MJG, l’un des tauliers de Memphis. Les vétérans ont sorti le grand jeu pour cette collaboration inattendue. MJG est remonté comme un coucou, et Devin toujours aussi drôle et attachant. C’est l’une des pépites cachées de ce premier semestre, idéale pour rouler tranquillement par une nuit chaude. – David

Blaq Poet – « Live Warrior »

Ambiance crépusculaire pour ce « Live Warrior », extrait du nouveau projet de Blaq Poet, le bien nommé The Most Dangerous. Le rappeur/beatmaker parisien Venom sort de sa manche une production flottante, mélancolique et cinématographique sur laquelle le MC de Queensbrige vient poser son style direct et rugueux. Un moment suspendu, entre chien et loup –  impression renforcée par le refrain chanté par l’Anglaise El Ay – au cœur d’un album bref et étouffé intégralement produit par Ninjustice, le duo formé par Venom et Kyo Itachi. La bonne connexion, une fois de plus. – Julien

Havoc feat. Method Man – « Buck 50’s and Bullet Wounds »

Memphis Bleek et Noreaga qui astiquent leurs croix de guerre, DMX et Styles P qui racontent leurs actes de bravoure : les vétérans défilent en ce début 2016, façon association d’anciens combattants. Aux Invalides du rap, Alchemist joue le meilleur rôle d’aide soignant de ces gloires du passé à la barbe de plus en plus poivre et sel. Après avoir fourni un chromage flambant neuf à MC Eiht et Spice 1 pour leur drive-by en déambulateur, Alan Maman offre un traitement sur-mesure à son pote Havoc avec leur album commun The Silent Partner. Sur « Buck 50’s and Bullet Wounds », la moitié de Mobb Deep affirme qu’aucun remède ne viendra à bout de son style de malade. Mais le producteur apporte une boucle suffisamment lugubre et nostalgique pour rappeler au rappeur et à son voisin de chambrée, Method Man, leur tranchant d’antan de petites frappes, entendu sur « Play IV Keeps » et « Extortion ». Les phalanges sont endolories par l’arthrose, mais la gouaille reste intacte (« I be spittin’ raw dawg, the sticky in my paws Southpaw, kill ya spirit, I get it from my Pa »). – Raphaël

Onry Ozzborn feat. Dem Atlas – « Figure It Out »

Il y a à boire et à manger sur Duo, l’album d’Onry Ozzborn, quitte à nous faire passer à plusieurs reprises de l’orgasme palatal à l’intoxication alimentaire. Parmi les moments de jouissance on compte ce « Figure It Out », où le rappeur de Seattle partage le micro avec Dem Atlas, du Minnesota (et de fait signé chez Rhymesayers Entertainment). Pas vraiment le rappeur le plus joyeux de la terre, la moitié du groupe Grayskull est maître dans l’art de planter des atmosphères anxiogènes. Il amène ainsi son invité dans sa zone de confort : une production poisseuse, matinée de synthés, au breakbeat lourd. En bref, si le morceau est une réussite, vous trouverez probablement mieux que « Figure It Out » pour ambiancer vos barbecues. – Kiko

Drake – « Views »

Si le dernier album de Drake a beaucoup divisé, le morceau éponyme « Views » qui le clôture a largement de quoi mettre tout le monde d’accord. Froid comme un hiver à Toronto, l’instrumental nanti de choeurs entrainants laisse libre cours au Canadien pour faire ce qu’il sait faire de mieux : rapper son intimité comme s’il était indispensable que le monde entier la connaisse. Entre les ennemis de confiance et les amis de méfiance, les choix et les regrets, les cotés pile et face de la célébrité, il se paie même le luxe de résumer son succès en une phrase : « My exes made some of my favourite music, I dated women from my favourite movies, Karma’s such a thing of beauty ». La boucle est bouclée, avec une certaine hauteur de vue. – David2

Curren$y feat. Lil Wayne – « Fat Albert »

En 2016, Curren$y noie l’auditeur sous les projets. Il n’en est pas encore au rythme de sortie effréné du Gucci Mane de la belle époque, mais c’est déjà beaucoup, et même déjà trop. Dans ce flot de mixtapes, la plupart tiennent la route et ont l’avantage d’être courtes, centrées autour d’un concept ou d’un producteur. Sur Carrollton Heist, c’est Alchemist qui s’y colle, ciselant une ambiance de film noir à tendance horrifique, comme sur ce « Fat Albert », où Lil Wayne vient voler la vedette de son hôte avec un couplet à rallonge bien senti, plus affûté que ce à quoi il a pu nous habituer ces dernières années. Zéro refrain, zéro format, juste les deux compères qui se font plaisir et alignent les associations d’idées sur un sample dont Alchemist a le secret. – David

 D.R.A.M. feat. Lil Yachty – « Broccoli »

Pour le moment, D.R.A.M. était surtout connu pour s’être fait voler le pattern de son « Cha Cha » sur « Hotline Bling » par le pompeur canadien numéro un. Mais à côté de cela, le rappeur-chanteur de Virginie fricote avec l’orchestre de Donnie Trumpet, sort un deuxième EP très consistant et atterrit même sur l’album de coloriage de Chance The Rapper, pour un track solo. Véritable touche-à-tout très sous-estimé, D.R.A.M. s’allie avec l’iconoclaste Lil Yachty, lui aussi le vent en poupe sur son Lil Boat, un premier projet lunaire. Avec « Broccoli », ils tiennent une chanson puissamment addictive et cartoonesque entre Adventure Time et Happy Tree Friends. Voici deux originaux dont la musique devrait résonner sur le reste de l’année 2016. – Le Captain Nemo

Kendrick Lamar – « Untitled 08 / 09.06.2014. »

Si ce morceau devait en remplacer deux autres sur le mémorable To Pimp A Butterfly, il prendrait sans doute la place de « How Much A Dollar Cost » pour le fond résolument engagé et de « King Kunta » pour la forme qui swingue. Nouveau coup de pinceau apposé à son portrait de la société américaine contemporaine, « Untitled 08 » dessine un peu plus les contours d’un capitalisme blanc et des problèmes d’argent rencontrés par la communauté afro-américaine. Le moyen pour King Kendrick de contextualiser sa réussite et de rappeler deux choses. Un : le vert des billets n’efface pas toujours le vert des visages qui les possèdent. Deux : il n’y a vraiment rien de mieux qu’un morceau traitant de la situation financière aux US pour twerker. – David2

DJ Shadow feat. Run the Jewels – « Nobody Speaks »

En accueillant sur son dernier album les Run the Jewels, DJ Shadow se rapproche définitivement du banger gonflé à bloc. À un tel point que « Nobody Speaks » est presque trop calibré, bien loin des belles subtilités du début de carrière du DJ (début de carrière auquel il doit être un peu lassé d’être toujours ramené). Il n’empêche, Josh Davis connaît son métier, connaît le rap, et ça s’entend. Alors si en 2016, il est définitivement clair que l’audace et l’inventivité sont plus du côté d’El-P que du sien, DJ Shadow s’offre tout de même une réalisation impeccable. Au point qu’associées à l’instrumental, les postures bad-ass du rouquin de Company Flow et de son monumental acolyte Killer Mike feraient figure de B.O parfaite pour l’entrée en scène des deux futurs héros les plus cools que le cinéma inventera. Côté rap, Run the Jewels fait déjà l’affaire, pas besoin de chercher plus loin. – zo.

Skepta – « Man »

« Man », c’est l’efficacité même, l’un des rouleaux compresseurs de ce début d’année. Sur une production frontale, lancinante jusqu’à l’épuisement, Skepta délivre sa hargne avec une pointe d’humour grinçant contre tous ceux qui essaient de gratter des miettes auprès de lui en bénéficiant de son statut. Un hymne pêchu qui a de quoi offrir un nouveau coup de projecteur international sur la scène grime. Tout comme le clip qui l’accompagne, le morceau est un déchaînement de violence jouissif avec un soupçon de malaise, comme lorsqu’on hésite entre se joindre à des rires féroces ou s’en inquiéter. – David

French Montana feat. Kodak Black – « Lockjaw »

Il y a des hits qui mettent du temps à devenir incontournables. L’improbable collaboration entre French Montana et Kodak Black traîne dans nos disques durs depuis l’hiver. Mais c’est finalement avec la vidéo sortie en juin qu’elle prend tout son sens. Il n’est plus possible de passer une journée de 2016 sans écouter cette ride incroyable entre le tonton du bled de Max B et le jeune Floridien qui brûle tous les feux rouges à une vitesse folle. French nous donne envie d’attendre son album pendant que Kodak Black s’impose comme la nouvelle star du rap actuel. En un seul morceau. Dernière évidence pour ceux qui hésitent : Gucci Mane vient de poser un couplet sur le remix officiel. Et les mâchoires sont toujours bloquées. – Le Captain Nemo

KA – « 30 Keys »

Il y a longtemps que l’efficacité des collaborations entre Roc Marciano et KA n’est plus à prouver. Ici, le premier est à l’instrumental : impérial comme toujours, il déniche l’une de ces boucles courtes et entêtantes dont il a le secret. Au micro, le second raconte sans fard la misère des petites gens des rues de Brownsville. Usant à bon escient de son timbre traînant et monocorde KA narre, avec ce mélange constant de recul et de bienveillance, l’existence sur le fil du dealer moyen. Ce pourrait n’être qu’une chronique de plus si, au milieu de la routine assommante, ne se posaient les questions du péché nécessaire, du talent douteux et de l’addiction à l’argent facile, toute aussi cruelle que la dépendance des acheteurs au produit. Trente kilos à porter sur le dos. – David2

Anderson .Paak feat. Talib Kweli – « The Dreamer »

L’un des albums les plus estivaux de 2016 est sorti au coeur de l’hiver. Malibu d’Anderson .Paak est une bande son parfaite pour l’été – et pas uniquement grâce au groove de tubes comme « Am I Wrong » ou « Lite Weight ». Rappeur, chanteur, compositeur : Anderson est un artiste assez complet pour planter le décor d’une journée de juillet, de son aurore (le doux réveil de « The Bird ») à son crépuscule. A ce titre, « The Dreamer » est une parfaite conclusion. Avec sa mélancolie, « The Dreamer » évoque ce sentiment devant le dernier coucher de soleil, l’esprit ressourcé, avant de rentrer et retrouver sa routine, rêvant des prochaines vacances. Les rêves : il en est question dans ce morceau. Ceux évoqués par Anderson .Paak et Talib Kweli, invité de circonstance, sont ici évocateurs et emplis d’espoir (« My job as an artist is making miracles /To show you how to struggle poetic and make it lyrical »). Un sentiment de légèreté retrouvée après les moments de galère qui traversent l’album de Paak. Et si, sensation estivale estompée, Malibu était simplement l’un des albums de l’année ? – Raphaël

Morriarchi feat. Jehst & Lee Scott – « Campbell & Algar »

Pour leur collaboration tant attendue, Jehst et Lee Scott ont choisi de camper Wayne Campbell et Garth Algar, personnages principaux du film Wayne’s World. Forcément, l’initiative a donné lieu à un clip, avec perruques et effet VHS. Mais le morceau n’est pas qu’un simple prétexte à une vidéo potache. Le duo fonctionne plus que bien, moonwalkant de façon synchronisée sur le fil ténu séparant le génie du ridicule. Les références obscures et les punchlines farfelues s’empilent, sur une production lente et vaporeuse de l’hôte Morriarchi. Forcément, ça donne envie d’en entendre plus. En attendant peut-être un Campbell & Algar LP, savourons déjà Buggzville Sessions, le très bon album de Morri, beatmaker de Sheffield. – Kiko

Chance the Rapper – « Blessings (Reprise) »

Tout au long de Coloring Book, la filiation avec le Kanye West de l’époque College Dropout est palpable et complètement assumée. Avec des titres comme ce deuxième « Blessings », qui clôt la mixtape en apothéose, Chance pousse même l’inspiration gospel plus loin que son aîné, en nous menant par la main jusque sur les bancs de la chapelle. Le morceau ne s’embarrasse d’aucune règle, d’aucune contrainte de construction. Après un unique couplet intimiste où Chance fait preuve d’une finesse d’interprétation touchante, « Blessings » évolue naturellement en un chant mystique, repris avec toujours plus de ferveur par un chœur composé de chanteurs de la nouvelle génération. Mais là où Kanye ne cesse jamais d’occuper le centre de son œuvre, Chance, lui, n’hésite pas à s’effacer, laissant la place à quelque chose d’autre, de plus grand peut-être. – David

 Bankroll Fresh – « Dirty Game »

Il s’agit du dernier morceau de Bankroll Fresh. Enregistré quelques jours avant sa mort, « Dirty Game » est prémonitoire avec son introduction qui conseille à tous de garder les yeux grands ouverts. Car tout part en sucette. Bankroll Fresh est un rappeur important d’Atlanta dont la musique commençait à sortir des zones numérotées de la ville. Avec sa voix écorchée, ses flows contagieux et sa motivation intacte, il rappelait Young Jeezy à ses débuts, toujours prêt à en défaire. Sa disparition marque 2016 de toute sa futilité et son incompréhension. Encore. C’est un jeu bien sale. Mais c’est le nôtre. – Le Captain Nemo

Myka 9 – « Loneliness & Sadness »

Retenez votre souffle : Myka 9 est au MCing ce que Miles Davis est à la trompette. Voilà, c’est dit, et c’est tellement gonflé que ça pourrait s’arrêter là. Sauf que comme pour Miles, il est impossible de résumer Myka en un morceau. « Loneliness and Sadness » ne fera donc pas l’affaire. Il n’empêche, en s’associant le temps d’un EP de vingt minutes avec AbnormL Injustice, obscur compositeur de bandes originales, Michael Troy étale avec un naturel désarmant tout ce qui fait de lui un MC inimitable. Sur des superbes mises en scène à base de piano, d’harmonies de violons et de traversées de flûte, il délivre ses passages chantés sur les refrains et les ponts montés sept pistes durant. Sa narration de griot en plein survol de la Cité des Anges habite chaque morceau, qu’il ponctue de flirts de crooner et d’un flow qui a autant d’intonations qu’un piano a de touches. Pour le dire définitivement et en une phrase : c’est fin, doux, rempli de variations de voix, immersif et peuplé de skills qui font du flow de Myka un jazz à lui tout seul. – zo.

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2 commentaires

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  • Daniel,

    Bonjour,
    excellente sélection. J’ai quelques remarques.
    Les sons sur Spotify c’est chiant lorsqu’on n’a pas l’application.
    Et aussi, pourquoi ne pas créer une playlist récapitulative qu’on pourrait laisser couler. C’est pénible de cliquer à chaque fois pour écouter un son.
    Vous faites un super taf. Encouragements!

  • Simon,

    Excellent comme d’hab !! Merci pour les découvertes. Il manquerai juste un son de logic pour moi