Nos 25 morceaux du second semestre 2016
Rap US (et AUZ)

Nos 25 morceaux du second semestre 2016

La deuxième moitié de l’année 2016 a été traversée dans le rap outre-Atlantique d’une querelle vieille comme le monde entre les classiques et les modernes, quand les jeunots eux-mêmes ne se sont pas cherchés des poux entre eux. Essayons de réconcilier tout ce petit monde à travers trois modèles de sagesse. E-40 rappelle que ce qui compte surtout, c’est d’encaisser. A Tribe Called Quest, que les années qui passent n’effritent pas nécessairement le talent ni l’amitié. Et D.R.A.M., qu’il est parfois plus communicatif de sourire que de tirer la tronche. Dans un effort de paix, on a réuni les générations et les genres dans cette sélection semestrielle de nos coups de cœur.


Danny Brown – « Pneumonia »

« Pneumonia » est le parfait résumé d’Atrocity Exhibition, retour de Danny Brown à l’atmosphère corrosive de XXX après la parenthèse orgiaque Old. Le producteur anglais Evian Christ allie une boucle de jazz noir à une rythmique bruyante, qui fait penser à un beat de grime pris d’une crise de toux. Aucun rappeur autre que Danny Brown ne s’y serait risqué. Avec son tableau bordélique, chargé en sexe et en drogues, « Pneumonia » est d’après son auteur le seul morceau festif de son dernier album. Imaginez un peu la noirceur du reste. – Raphaël

ScHoolboy Q – « JoHn Muir »

Il y a bien des titres que l’on aurait pu piocher dans Blank Face LP. Mais il faut avouer que « JoHn Muir », avec son clip mémorable, son interprétation habitée et sa production rutilante et rebondie par Souwave, s’impose comme un morceau de choix. Caméra embarquée dans la Cadillac volée, Q nous conte ses années collèges, passées à déambuler sur L.A. South, les mains dans le froc et le feu à portée. Premier deal à douze piges, premier flingue à treize, premier coup tiré à quatorze. Finalement plus occupé à passer les examens du 52 Hoover Gangster Crips que ceux de fin d’année, celui que ses camarades surnommaient « l’écolier » vit une lente descente dans les entrailles pourries de South Central. Entre les poings américains qui virevoltent, les douilles qui fument et les tubes d’OxyContin. Si la John Muir Middle School est devenue malgré elle l’école de la rue, alors Quincy Hanley ne l’a jamais vraiment quittée. Il est même devenu, avec force conviction, le premier de sa promotion. – David2

Westside Gunn feat. Conway the Machine – « The Cow »

« The Cow » se trouve sur Hitler Wears Hermes 4, la mixtape de Westside Gunn. Mais c’est bien Conway, le frère de Wes’, qui tient la vedette ici. The machine devient humain le temps d’un couplet poignant, se livrant sur la fusillade qui lui laissa une partie du visage paralysée et sur la mort de son ami Machine Gun Black. Le tout entrecoupé des bravades d’usage, comme pour diluer la peine (« I might shed a tear listening to this shit« ). La confession trouve un support parfait avec la production de Daringer, toujours à l’aise dans le registre de la mélancolie et salué par Conway (« I needed West and Daringer, I couldn’t do it alone« ), comme WSG, qui conclue avec un seize rimes qui maintient l’intensité du morceau à défaut de pouvoir tenir la comparaison avec la prestation de son frangin. – Kiko

Nipsey Hussle feat. Overdoz. – « Picture Me Rollin »

Si la paranoïa de YG a pris des couleurs rouges écarlates cette année, la musique de Nipsey Hussle a été d’un bleu céleste. Sur « Picture Me Rollin », le regard toujours fixé sur les avenues de Los Angeles quelques pieds sous lui, le rappeur de Crenshaw donne l’impression de flotter dans les airs, comme un Icare muni d’ailes faites de dollars (« Feeling connected to God, tryna get closer »). Avec le duo Mike & Keys, compositeurs de cet instru nuageux, il a trouvé tout au long de Slauson Boy 2 la parfaite partition à ce sentiment de sommets au-dessus des artères californiennes, entre nappes lumineuses et basses goudronneuses. – Raphaël

Atmosphere – « Perfect »

Au regard de l’excellent Southsiders sorti il y a deux ans, Slug et Ant livrent avec Fishing Blues un disque globalement neutre. Pourtant, le duo continue à sortir des morceaux bien réalisés. Ant sait magnifier ses samples et maîtrise l’art du dosage entre classicisme et territoires à explorer dans ses productions. Quant à Slug, il garde évidemment cette aisance de celui qui rappe comme il se raconte, entre confidences et story telling.  Où est le problème alors ? Tout tient dans ce que les anglais appellent le middle age, et qu’en France on aime appeler « la crise de la quarantaine ». Slug philosophe sur des thèmes généraux, mal cadrés, et entrelace maladroitement estime de lui-même et l’émo-rap dont il a été l’un des chantres. Un trop plein de conviction en somme, qui musicalement crée un vide. En effet, dans Fishing Blues, pour la première fois, Sean Daley rate sa mise en scène de lui-même, se donne mal en spectacle. « Perfect » est à la fois la quintessence et le démenti de ce phénomène, de deux quadras qui touchent presque à la perfection au moment où ils reconnaissent qui ne le sont pas. “I’ve been an asshole before it was fashionable/ And when it’s out of style/ I’ll be the last to know,” – zo.

Boosie Badazz – « Angels All Over Me »

Boosie est un revenant des enfers. De ceux qui ont tout vécu et ont appris à outrepasser la violence de leur existence : les morts, la prison, la maladie, et toutes sortes de tragédies. Comment un homme peut-il encore dégager une once de positivité quand il a le passé de Torrence Hatch ? Lui seul le sait. Peut-être porté par la foi, peut-être transcendé par le sourire d’une mère aimante ou par l’amour que lui portent les rues de Baton Rouge, Boosie Badazz arrive encore à délivrer une parole de Bien. De sa voix nasillarde, il nous raconte la bénédiction dont il est l’objet, dans une histoire à laquelle peu auraient survécu. Des chérubins armés assurent sa protection, la Bible lui sert à la fois de pare-balles et de bijou, et Boosie Badazz nous aime. – B2

Apollo Brown & Skyzoo feat. Joell Ortiz – « A Couple Dollars »

C’est la bande son de ceux qui scrutent tous les jours l’état de leur compte courant avec la crainte de voir les « – » s’y succéder – « quand tu retournes tes poches, la poussière te pique les yeux », rappait East. Dans un album traitant des mirages de la réussite sociale, « A Couple Dollars » en donne le souffle. Sur les violons mélancoliques et la rythmique sèche d’Apollo Brown, Skyzoo et Joell Ortiz racontent sans fard le charbon des petits dealers, loin des scénarii de grossistes qui peuplent le rap. Ici, c’est la précarité qui est narrée, ces moments où tu « chies tes sentiments pour chaque centime », comme disait encore un autre rappeur français, Oxmo Puccino. – Raphaël

D.R.A.M. – « Cash Machine »

Sampler du Ray Charles en 2016, c’est cramé ? Peut-être. Mais il suffisait de tronquer ce piano de « Hallelujah I Love Her So » et d’y ajouter la créativité et le bagout de D.R.A.M. pour en faire quelque chose de novateur. Toujours très à son aise, il virevolte entre chant et rap pour débiter ses vantardises de nouveau riche sur des bruitages de machine à compter les billets. Le fond n’est donc pas neuf, mais D.R.A.M. n’en tire pas moins l’un des morceaux de l’année avec son sourire irrésistible, sa bonne humeur contagieuse et sa maîtrise parfaite au micro cachée sous ses airs je-m’en-foutistes. Drake lui a peut-être piqué un single, mais il en a encore plein d’autres sous le coude. Un personnage définitivement à part dans le paysage du rap, bien parti pour briller dans la durée. – David

Noname – « Yesterday »

On aurait vite fait de dire que Telefone de Noname est la B.O. parfaite des matins ensoleillés mais ce serait très réducteur. Sur les productions lumineuses et entre les parties chantées particulièrement soignées, il y a les textes complexes et au final plutôt sombres de la rappeuse de Chicago. « Yesterday », qui fait quelque part office d’introduction au disque, en est l’exemple parfait. L’instrumental est agréable et doux, le timbre de voix fragile et chaleureux, le flow en place. Mais Noname parle bien, sans avoir l’air d’y toucher, d’addiction, de mort et de remords. Avec toujours une forte nostalgie, qui enveloppe le projet dès le premier refrain (« When the sun is going down/When the dark is out to stay/I picture your smile, like it was yesterday« ) et même avant (« Me missing brother Mike, like something heavy/Me heart just wasn’t ready/I wish I was a kid again »). De la musique à la fois grandiose et profondément humaine. – Kiko

Isaiah Rashad – « Park »

Pour qui a saigné Cilvia Demo dans les grandes largeurs, The Sun’s Tirade laisse d’abord une petite musique étrange dans les tympans. Comme si le premier album d’Isaiah Rashad était finalement moins abouti que son aîné, EP de son état. Il n’en est rien pourtant : tout ce que requiert The Sun’s Tirade, ce sont plusieurs écoutes pour en tirer toute la teneur et la complexité. Pour, aussi, s’enfoncer dans sa torpeur estivale qui en aura paradoxalement refroidi plus d’un. Pas de banger, pas de morceau de bravoure, rien qu’une suite de titres tous un peu engourdis mais tous très dégourdis. Et puis « Park », peut être le meilleur d’entre eux, qui vient faire étalage de toute la technique et de la force d’interprétation d’un véritable auteur, le genre à se battre avec ses démons à coups de mégots et de tessons de bouteilles. « All of my limits could die » veut bien dire ce que ça veut dire : le chemin vers Nicki est encore long mais nul doute qu’il en verra le bout. – David2

Meek Mill – « Blue Notes »

On n’avait pas entendu Meek Mill si accablé depuis longtemps. Le type a eu une année chargée : après s’être mis à dos Drake, The Game et Beanie Sigel, une rumeur insistante évoque une rupture avec Nicki Minaj. Malgré les incroyables morceaux de bravoure qu’il a sortis cette année, de ses EP 4-4 a son DC4, c’est finalement ce « Blue Notes » qui souligne sans doute le mieux sa solitude actuelle. « This is my blues, ’cause I’m back down on my own again », chante Snowy White dans le sample de ce « Blue Notes ». Sur les airs de la guitare et de l’orgue du blues man anglais, Meek Mill raconte le cafard du bicraveur (« Was it the money that made me a savage ? ») dans une ambiance qui rappelle plus Ridin’ Dirty de UGK que les instrumentaux de Jahlil Beats. – Raphaël

Drapht – « Another Juliet »

Il est désormais loin le temps du flamboyant et underground Syllabolix Crew, au sein duquel Drapht excellait en délivrant un rap ciselé, aussi agressif que nasillard, et balayant avec aisance tous les exercices propres au emceeing. Désormais, en Australie, le natif de Perth est une pop star, dont l’ascension a été définitivement consacrée par son précédent album The Life of Riley. Un succès suivi de cinq ans d’absence discographique. Mais en 2016, Drapht est de retour avec Seven Mirrors et assume plus que jamais son virage pop révélé par des orchestrations goûtant à tous les crossovers. Une orientation qui, lorsqu’elle se mêle à son pedigree originel, fait mouche. C’est rare mais c’est le cas avec « Another Juliet », où sur une production minimaliste séquencée entre un saxophone et un clavier en arrière-plan, Drapht enchaîne les interventions en entremêlant formats courts et formats longs. Ici, refrains, ponts introductions et couplets sont polymorphes au point de se confondre les uns avec les autres. Comme pour mieux clamer, en poussant sa voix avec brio (à condition de savoir dépasser son timbre nasal et l’accent local), qu’il n’ira pas à l’affrontement pour conserver l’amour. Pas besoin d’une Juliette de plus. – zo.

Caleborate – « Consequences »

Ceux qui ont suivi l’Abcdrduson ces derniers mois auront sûrement remarqué que notre fidèle Captain Nemo n’a cessé de placer le jeune Caleborate ici et là. Au détour d’un sidekick, d’une mixtape ou d’un calendrier de l’Avent, il était partout. En écoutant son dernier disque 1993, il faut dire qu’il y a de quoi être impressionné : charismatique, éclectique, et talentueux, le natif de la Bay Area fait figure de secret le mieux gardé du rap californien de cette année. Avant de se révéler au grand jour en 2017 ? À l’écoute de son single « Consequences », ses blips rythmiques, ses synthés dansants et son refrain hyper entêtant, on a de quoi avoir de beaux espoirs. – Brice

Rae Sremmurd feat. Lil Jon – « Set the Roof »

Quand ils lâchent un gros morceau festif, Swae Lee et Slim Jimmy ne font pas semblant. Mike Will, DJ Mustard, tout le monde est là. Les mecs sont même allés tirer Lil Jon de l’abîme d’eurodance où on l’avait oublié. Et ils ont eu raison. Qui de mieux pour ambiancer un refrain et se fondre dans leur délire de soirées complètement allumées avec des aliens et des strippers. Alors oui, c’est simpliste et ouvertement racoleur, mais le résultat dégage une énergie folle et condense l’esprit de la fête en quelques notes de synthé et quelques claps secs. Les deux furieux enchaînent les déraillements de voix et les rimes improbables, toujours au meilleur de leur forme lorsqu’il s’agit de foutre le boxon. Le nom change peut-être, mais le crunk n’est pas mort. Le crunk ne meurt jamais. – David

Yelawolf – « Daylight »

Dans le palmarès 2016 des pétages de fusible sur scène, Kanye West tient un superbe concurrent avec Yelawolf. Pas de burn-out chez le rappeur de l’Alabama : sa limite a été le ‘sky de trop. Un alcoolisme déjà assumé dans des précédents morceaux, mais magnifié comme jamais avec « Daylight ». Sur ces airs entre blues et country sur un vieux break de funk, Yela rappe sa solitude, et sirote bourbon après bourbon, en regardant la pluie tomber. « Daylight » sonne comme une musique de desperado en Air Forces, et pourrait bien être un chant du cygne : après une cure de désintoxication et une volonté affichée de sobriété, il a décidé d’abandonner le nom de Yelawolf pour MWA, acronyme de son vrai nom Michael Wayne Atha. – Raphaël

A Tribe Called Quest – « We the People…. »

Dix-huit ans après leur dernier fait d’armes sur disque, le retour de Q-Tip, Phife Dawg (RIP), Ali et Jarobi pouvait laisser perplexe. Et pourtant. Pas une seule rime, pas une seule note ici ne vient entacher le légendaire héritage d’A Tribe Called Quest. Mieux, We got it from Here… Thank You 4 Your service est l’un des albums de l’année 2016 et se pose comme une nouvelle et indispensable pierre à l’édifice du groupe. Un édifice qui ressemblerait à un pont construit entre deux générations et que viennent traverser, dans un même élan contestataire, Busta Rhymes, Anderson .Paak, Kendrick Lamar ou Talib Kweli. Pour exemple d’un savoir-faire intact et qui n’a rien perdu de sa pertinence, prenons au hasard « We the People…. », brûlot sociétal mené au refrain guilleret et à la production jazzy par un Q-Tip en pleine possession de ses moyens. Un brûlot qui s’achève aussi par cette question, éternellement rhétorique, de Phife : « Who can come back years later, still hit the shot ? ». – David2

G Herbo – « Gutta »

De tous les jeunes rappeurs dont Chicago a accouchés après Chief Keef, Lil Herb (devenu G Herbo) est l’un des meilleurs. Strictly 4 my fans, son dernier projet en date, est de grande qualité, comme l’étaient ses prédécesseurs depuis 2014, et il compte son lot de merveilles. Parmi elles, impossible de manquer ce « Gutta » et son sample de soul. Herbo y écrit encore la cruelle histoire de sa génération, sacrifiée par le fer et le feu, dans les bas-fonds de l’Illinois. Il y écrit aussi sa propre histoire, celle d’un garçon ambitieux et déterminé, qui éponge ses larmes avec des liasses de Benjamin Franklin. – B2

U.G. – « Megatron »

S’il existait un prix Lionel D du rappeur qu’on croyait mort, U.G. aurait toutes ses chances pour l’édition 2016. La moitié de Cella Dwellas est revenue de nulle part cette année pour balancer Portals, son premier album solo. La belle histoire s’arrête là : loin d’être inécoutable, Portals ne marquera pas l’histoire. Il contient quand même certains bons moments, où, selon l’expression consacrée, « les planètes s’alignent ». Pour parler plus trivialement, il s’agit des morceaux où U.G. pose sur des productions qui ne semblent pas avoir été trouvées sur un cd-r gravé en 2002 par un beatmaker du gouffre. « Megatron » est de ceux-là. Le rappeur new-yorkais a gardé son timbre de voix lourd et son flow sentencieux, qui ont fait la sève de Cella Dwellas. Ils sont parfaitement mis en valeur sur l’instrumental anxiogène d’IDE, fait de nappes de synthés et de claps puissants sur les couplets. On attend maintenant des nouvelles de Phantasm, l’ancien collègue d’U.G. au sein de Cella Dwellas. – Kiko

Vince Staples – « Smile »

Un couplet, un refrain, un pont, un break, et une longue outro servant à introduire le titre suivant : voilà une bien étrange façon de construire un morceau. Peu embarrassé par les conventions, le rappeur de Long Beach conte les affres de sa nouvelle célébrité et les regrets qui vont avec dans un titre tantôt dansant tantôt lancinant, poussant sans mal la réflexion un peu plus loin que la moyenne et ce avec une technique qui force le respect (« I know that money come and go so money not my motive no more, I made enough to know I’ll never make enough for my soul »). On pourrait presque s’inquiéter pour son sort si, deux pistes plus loin, « Prima Donna » (qui est aussi le titre de l’EP) ne venait pas remettre en cause la réalité, foncièrement aléatoire, de l’idée de célébrité. Qu’on se rassure donc : Vince Staples a beau être un peu torturé par tout ça, il est sûrement trop intelligent pour vraiment prendre la grosse tête. – David2

Young Thug, Travis Scott, Quavo – « Pick Up The Phone »

Sur JEFFERY, Young Thug se mue en pirate des Caraïbes, avec le même style cabotin que Jack Sparrow. Et comme on affronte jamais mieux les flots tumultueux qu’en équipage, Travis Scott et Quavo l’accompagnent dans cette traversée des mers tropicales, au son du steel-drum sautillant de Vinylz et Frank Dukes. Les trois trappeurs chantent d’ailleurs les mêmes délices que les flibustiers d’antan : les faveurs des femmes, les coffres remplis d’or, et l’ivresse, le sirop codéiné remplaçant le rhum. Mais sur le podium de la piraterie, c’est Thugga qui arrive en tête : loin d’être un mercenaire avide, il raconte aussi le code de l’honneur transmis par sa mère et l’apport financier qu’il apporte à sa famille grâce à ses larcins. Coeur de pirate. – Raphaël

Sick Jacken feat. Big Duke & Bacardi Riam – « Hell’s Bells »

Ne demandez jamais à Sick Jacken de faire autre chose que du Sick Jacken, à savoir une resucée de Psycho Realm. Du duo qu’il formait avec son frangin Big Duke avant que ce dernier ne se fasse tirer dessus et devienne paraplégique, Jack Gonzalez a gardé l’identité de Pico-Union et d’une musique qui sent la sierra mexicaine, tout en ne sautant pas à pieds joints dans le cholo rap. Production muggsienne portée sur les aigus et parfois discrètement balayée à la flûte de pan ou par des guitares mariachis, discours conscient et unificateur, ambiance de fin du monde et énorme nuage de fumée, tel est le standard qu’a développé Sick Jacken sur tous ses disques. Le dernier né, Psychodelic, n’échappe pas à la règle et réjouira tous les soldats qui ne se lassent pas de la formule. Avec, sur ce « Hell’s Bells », la voix nasillarde de Sick Jacken contre-balancée par un sample du Gros Duke extrait du premier LP du groupe. Une incursion brutale, éraillée et martiale, qui rappelle à quel point Jack est orphelin de son frère Gustavo. Frères de sang et de son. – zo.

Young Dolph feat. T.I. – « Foreva »

Young Dolph ne percera sans doute jamais auprès du grand public – un peu trop brut, un peu trop tourné vers la rue – mais il est désormais bien installé en tant que petit baron de la trap. Sur « Foreva », il fait la démonstration de ce qui le démarque de ses nombreux concurrents sur ce créneau de rap de dealer sur des instrus atlantesques. Le premier couplet est un modèle du genre, entièrement construit sur le ton de la conversation, jusqu’au refrain répété avec un énervement qui va crescendo. Il est comme ça, Dolph : pas le plus imposant d’une bande, mais le plus inquiétant, une vraie boule de nerfs, celui qui peut partir au quart de tour et exploser à tout moment. Du rap de Joe Pesci, en somme. Cerise sur le gâteau, T.I. est là pour faire le pont entre deux générations de trap et prouver avec sa nonchalance habituelle qu’il est encore loin d’être rouillé. – David

Googie – « Big Mouth Arcade »

Googie est membre du collectif The Karma Kids et arrive de West New York, dans le New Jersey. « Big Mouth Arcade » raconte d’ailleurs avec beaucoup de bonne humeur l’enfance du rappeur dans cette ville de banlieue, entre jeux dans le parc et vols à l’étalage. Googie brille par sa voix puissante, qui lui permet de verser dans le ragga au détour de certains couplets, sur une production assurée par l’éternel Blockhead. Assurément un MC doué et charismatique dont l’album, ‘Tis What ‘Tis, mérite une écoute à défaut d’avoir marqué l’année. Le clip de « Big Mouth Arcade », fort sympathique également, permet de faire plus ample connaissance avec Goog’, sa dégaine à la Jimi Hendrix, ses parents, ses potes et les chats du quartier. – Kiko

Smoke DZA & Pete Rock feat. Dave East – « Limitless »

Pete Rock serait-il de mauvaise foi ? En septembre dernier, une querelle via réseaux sociaux l’a opposé à Young Dolph, à qui il reprochait, à propos du titre « In My System », de faire l’apologie de la consommation de la cocaïne – alors que Dolph soulignait simplement qu’il était un bébé du crack. Visiblement, cela dérange moins le légendaire producteur que Smoke DZA raconte la flamboyance d’un dealer de blanche sur certains titres de leur album commun, Don’t Smoke Rock. Mais on pinaille : le Soul Brother #1 prouve  sur cet album qu’il n’est pas encore totalement dépassé, surtout derrière les machines. Sur « Limitless », les hi-hats roulant discrètement et les cuivres victorieux font presque penser à une réinterprétation des codes de la trap d’il y a dix ans. En endossant le manteau en fourrure du gangster new-yorkais, Smoke DZA sort aussi de sa zone de confort de rappeur sous THC, tout en gardant son style très harlemite rempli d’assonances et d’insolence. – Raphaël

Ka – « $ »

« I spill my guts about the suicide, seppuku ». L’image est belle, et en dit long sur le rap du MC de Brownsville. Il est vrai que peu d’artistes ont le courage de s’éventrer sur la musique comme les samouraïs pouvaient le faire sur le tatami il y a quelques centaines d’années. Ka, lui, semble prendre une nouvelle lame à chaque morceau et mourir à chaque fois un peu plus honorablement. Comme bien d’autres titres sortis en 2016 et avant, « $ » est une ode à faire de l’argent. Sauf qu’ici, la seule motivation de l’intéressé est l’amour de la veuve, de l’orphelin et l’aide à son prochain. Et, un peu, tacler le rappeur matérialiste appréciant assez exhiber ses nombreuses richesses (« You tellin’ stories that’s celebratory in times of war, with bars of greed, I plead, how many cars you need ? »), quitte à mettre la réalité des autres au placard. On pourra tergiverser longtemps sur cette position bien-pensante, reste que ce sont toujours ceux qui ont le moins qui donnent le plus. Et Ka a depuis longtemps prouvé, à travers ses disques toujours plus minimalistes et sobres, qu’il n’avait pas besoin de grand-chose pour faire de grandes choses. – David2

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