Sortie

Manau - Panique celtique

Que ceux qui aujourd’hui s’arrachent les cheveux en voyant des succès qualifiés de « rap » alors qu’ils n’en seraient pas se rassurent : d’autres générations ont eu affaire à cet agacement. Par exemple, l’immense et improbable réussite de Manau. Si le gratin de l’industrie du disque, rarement au fait de ce qu’est et sera notre musique préférée, avait jugé nécessaire de leur octroyer la victoire de la musique rap et groove en 1999, les « faux-Bretons » (ils avaient tout de même des origines Breizhadezed) et vrais-Franciliens de Manau n’y pouvaient pas grand chose. Mais deux millions de singles vendus de « La Tribu de Dana », ce n’était plus un malentendu, c’était d’abord un raz-de-marrée. Manau n’était pourtant pas programmé pour ce succès. Ce n’était pas non plus un groupe d’imposteurs. C’était juste un trio (puis un duo) de rappeurs parmi d’autres mais pas tout à fait comme les autres à Villetaneuse, dont le DJ était l’un des rares gars de la ville à posséder des platines, comme le racontait Martial Tricoche au micro de RTL l’été dernier. « Tous les rappeurs profitaient de ses platines et de son statut de DJ. Au lieu des habituelles boucles de jazz et de funk qu’il utilisait, il a eu l’idée de coller de la cornemuse et des harpes sur mes paroles un peu différentes, pour suivre mes thématiques un peu « celtitudes » » Voilà d’où est né cet immense malentendu : la passion d’un apprenti rappeur pour l’heroic fantasy et les histoires de druides. Commercialement, ça a été de la potion magique. « Mes textes ont évolué, les cités sont devenues de châteaux, les ronds-points des plaines. » Le terme de « rap celtique » leur est accolé et Manau précipitera la sortie de son album à la demande de sa maison de disques. C’est comme cela qu’un groupe mené par un jeune ouvrier attiré par la culture celtique est devenu une sorte d’écueil à l’exotisme franco-breton ponctuant l’histoire des incompréhensions répétées entre rap et milieu français de la culture. Milieu de la culture qui aurait pu avoir le bon goût de classer Manau en variété. Ça aurait épargné beaucoup de salive, clarifié les choses pour Manau et permis à la rédaction de ne pas se coltiner ce texte.

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