Sortie

Hocus Pocus - Seconde formule

Gamin, 20Syl est un batteur et un skateur. Comme tous les skateurs du milieu des années quatre-vingt-dix, son sport et la musique « fusion » lui apportent le rap sur un plateau. 20Syl délaisse alors son tabouret et ses fûts cerclés de peaux tendues pour choisir les kicks et snares des machines. Nous sommes en 1996 et avec son ami, Cambia, ils fondent (H)ocus Pocus. Encore adolescents, ils se jettent tête baissée dans leur nouvelle passion en rappant sur des beats construits par 20Syl qui imitent leurs influences américaines. Ils distribuent leur son via une cassette tirée à quelques dizaines d’exemplaires. Elle s’appelle Première formule et elle est pleine de maladresses, ni plus ni moins que ce que produit n’importe quel jeune qui se rue avec plein d’enthousiasme dans le rap au milieu des années quatre-vingt-dix. Mais peu importe, l’intention et l’envie sont là. Alors 20Syl et Cambia remettent le couvert deux ans plus tard avec un album autoproduit. Son titre ? Seconde formule, comme une évidence pour ce second coup d’essai d’un groupe qui cherche la sienne. Si le disque n’est pas représentatif de ce qu’est devenu HP, il en est néanmoins une pierre fondatrice. D’une part, Greem rejoint le groupe en tant que DJ. D’autre part, Seconde formule introduit ce qui sera la signature ultime de HP quelques années plus tard : le recours à des instruments joués « en live ». Et même s’il ne s’agit ici « que » d’une contrebasse, celle de YDR, qui n’est autre que le frère de 20Syl, cela fait de Seconde formule la (lointaine) antichambre du Hocus Pocus version Hip-Hop Quintet qui rencontrera bien plus tard un vrai succès. Mais c’est aussi l’album qui affirme le 20Syl producteur, puisque ce dernier placera de nombreux sons dans le rap français du début des années 2000. De Nakk à Kohndo, en passant par Disiz, Ol’Kainry, Sully Seffil, la Scred Connexion ou encore le « Stupéfiants » de Fabe et Koma sur La Rage de dire, le Nantais a en effet été l’un des beatmakers référence du rap français. Avant de trouver la formule magique de sa version « acoustique ».

20Syl

(MC et beatmaker d’Hocus Pocus)

« Pour nous, tout a commencé avec les vidéos de skate 411. Les playlists qui illustraient les images étaient bourrées de rap américain. Je jouais de la batterie et plusieurs instruments et ça m’a intéressé. Au début, j’ai commencé avec un quatre pistes cassette et un extender, plus un Atari 520 et Cubase. On jouait les batteries en live par exemple. Mais pour Seconde Formule, c’était uniquement de la programmation, hormis une intervention de mon frère à la basse. La première cassette on l’avait faite par pure passion, avec nos influences du moment, Les Sages Po’ aussi bien que la scène locale comme le collectif Bastion. On était dans la reproduction et un peu dans le défouloir aussi, même si Cambia a rapidement trouvé son ton et sa personnalité. Pour Seconde formule, on avait le même état d’esprit mais un peu plus de réflexion dans le concept et les textes. Le thème de l’autoproduction nous tenait à coeur. Il y avait aussi ce côté second degré dans l’écriture qui a suivi Hocus Pocus par la suite. On était conscients qu’on ne venait pas forcément du même milieu que la plupart des rappeurs du moment et on ne voulait pas passer pour ce qu’on était pas. C’est aussi pour ça que déjà à l’époque on mettait le côté musical du rap très en avant. Seconde formule, c’est aussi l’arrivée de Greem et c’est même le premier support physique sur lequel apparaissent le nom et le logo Coup 2 Cross. [Signification de l’acronyme C2C, NDLR] Atom était là aussi d’ailleurs. Nous étions tous en apprentissage. Mais ce disque, on ne peut pas totalement le déconnecter du Hocus Pocus qui a suivi. Il y a Greem et moi qui sommes un peu la colonne vertébrale de l’aventure. En travail de production, c’est là que j’ai appris à travailler avec des samples, à avoir cette culture organique dans les choix de boucles. L’humeur Hocus Pocus est déjà là aussi. Après, ça reste un disque différent de ce qu’on a commencé à proposer à partir du maxi “Malade”. Seconde formule était en plus resté hyper local, avec une distribution de la main à la main, des dépôts dans des disquaires locaux. Quand je commence à placer pas mal de productions au début des années 2000, c’est bien plus grâce à  Yann. On s’est mis à travailler ensemble un peu après Seconde Formule, jusqu’à monter Onandon records quelques années plus tard. Yann avait mon catalogue de productions avec lui à Paris, là où il bossait. Tout a commencé par mes participations aux projets de Bombattak. Yann travaillait aussi avec Marc et c’est comme ça que mes productions ont commencé à tourner. Au fur et à mesure les contacts se sont faits et je me suis focalisé sur le beatmaking. C’est finalement seulement vers 2001, quand on a commencé à faire des répétitions avec un groupe, pour le fun, qu’on a senti qu’il y avait un truc. Au même moment on montait Onandon et on poursuivi dans cette direction, celle pour laquelle on a été plus connus ensuite. » – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2018.

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