Sortie

Compilation Cercle Rouge

Les 11’30 et 16’30, respectivement contre les lois racistes et contre la censure restent les signatures ultimes de l’initiative de Jean-François Richet, White et Spirit. Mais entre ces deux morceaux fleuves et engagés, il y a un autre disque qui a assis toute la philosophie et l’image du label : Cercle Rouge, sa compilation éponyme. Avec un casting resserré et centré autour de proches des frères Kourtzer, le disque délivre plusieurs flèches politisées, notamment consacrées à déconstruire le discours colonial. La production, faite de beats secs et de samples mélancoliques et organiques, porte des flows sentencieux à la colère froide. Yazid, Mystik, Sinistre, Niro, un Eben de feu ou encore les Rootsneg (avec un couplet rappé de K-Reen plus que solide) rappent secs, et si le disque se permet quelques titres un peu plus chantés, tous justifient à coup sûr l’iconographie révolutionnaire et marxiste chère à Cercle Rouge. La parole populaire est ici illustrée par un recours à l’alphabet cyrillique, aux logos typiquement soviétiques et avec la photo d’un dissident moderne, tenant un fusil d’assaut et qui aurait pu finalement être aux côtés de Virigine Ledoyen un an plus tôt, dans la scène d’ouverture de Ma 6-T Va crack-er. L’esthétique du tract dissident n’était pas usurpée. La réputation d’hyper-réalisme du trio de Meaux non plus.

K-Reen

(Chanteuse et MC sur Cercle Rouge avec Rootsneg)

“Je suis entrée dans Rootsneg alors que j’étais en foyer. Je m’étais fait mettre dehors par ma mère. Je ne rappais pas avant de rencontrer le groupe, c’est avec eux que j’ai appris. Ce sont des gens hyper talentueux, Nob m’a apporté plein de choses. Les rencontrer a donné du sens à ma vie alors que j’étais dehors. Ça m’a remis le pied à l’étrier. Financièrement, ça restait la galère, mais humainement, c’était hyper important. Et c’est grâce à cette aventure que j’ai commencé à rencontrer plein de gens du rap français. On brillait pas mal, il y avait du buzz autour de nous et ça a fini par créer des contacts. Quand on fait Cercle Rouge, je chante surtout, mais je rappe parfois avec le groupe. On écrivait ensemble autour de Nob. J’ai essayé d’emmener mon petit truc. Mon inspiration principale, c’était le love, mais ça c’est mon truc de chanteuse. Alors le rap, c’est un petit challenge. Je n’écris pas sur les mêmes thèmes, ce ne sont pas les mêmes émotions. Au niveau du flow, des mélodies, m’adapter à des instrus comme ceux que pouvaient faire White & Spirit n’est pas le souci. Le challenge est plus au niveau de l’écriture, de décaler ma thématique et mes intentions habituelles vers des choses dont on pouvait discuter avec Nob et Bruno. On passait du temps à déconner, à picoler. On racontait des tas de conneries mais au final, il finissait toujours par y avoir un truc intéressant qui en ressortait. [Rires] On partait souvent de là. Mais je ne me voyais pas rapper sans les Rootsneg. Je ne voulais pas porter le truc Rootsneg un peu pro-black toute seul. Dans ma tête, la K-Reen rappeuse et la K-Reen chanteuse ont toujours été bien dissociées. J’avais une double personnalité en fait. [Rires]” – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2018

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