Sortie

MC Solaar - Paradisiaque

Ne refaisons pas l’histoire à l’heure d’évoquer Paradisiaque, même si en 2017 MC Solaar a ressorti un disque qui aura eu un mérite : permettre d’enfin différencier les nostalgiques des déclinologues. Car quand les premiers sont restés circonspects face à son retour, les seconds ont accueilli Claude MC comme celui qui révélerait au grand jour que le rap aurait (soit disant) touché le fond. La vérité, c’est qu’en 1997, même si Laar-so restait l’une des personnalités préférées des Français, il commençait déjà à fatiguer un rap qui mutait. Pourtant Paradisiaque voyait Solaar changer son fusil d’épaule en termes d’instrumentaux. Exit la native tongue de Jimmy Jay, place au son west coast signé par ceux qui formeront bientôt le frenchtouchien duo Cassius. Le problème, c’est que l’ensemble a sonné tel une version lofi et emberlificotée d’un Première Consultation, l’un des séismes de 1996. Bon ici, évidemment, Claude M’Barali ne singe personne dans son écriture. Ce qui ne l’empêche pas d’être à plusieurs reprises une caricature de lui-même. Tentant de revisiter son œuvre, s’auto-citant par procuration, emmêlant ses traits d’esprit d’allitérations et d’un vocabulaire naïf à l’excès, il fait ici tout ce que les auditeurs de rap français commencent à lui reprocher. Solaar surjouerait son adoubement par l’académie française et ignorerait la récupération dont il serait l’objet. Au point que tout tiendrait peut-être finalement en une phase de l’indolent et insolent Doc Gynéco justement, qui avait clamé : « classez-moi dans la variet’. » Cela lui avait fait office de gilet pare-balles tout en reléguant l’auteur de Qui sème le vent… et Prose Combat au rang d’inoffensif poète. Solaar, lui, prétendra – à raison – continuer à faire du rap, pour ne pas dire du Solaar. Et même si son parcours était (et est encore) nettement plus fourni (et noble) que celui du Docteur, ce ne sera jamais l’avis du rap français version 1997 qui commencera à lui tourner le dos dans son discours officiel. Avant d’en faire parfois une figure incantatoire vingt ans plus tard. Paradisiaque, ou les limites de l’auto-incarnation.

Précédent Suivant